L’exception camarguaise

Si l’endiguement est peu développé sur l’ensemble du cours du Rhône, il convient néanmoins de distinguer la Camargue, qui bénéficie d’aménagements plus importants et plus anciens, du Rhône à l’amont d’Arles. Il s’agit là encore d’un territoire rural. Dans le delta, les riverains, regroupés dans des associations syndicales, ont érigé des levées de terre dès le Moyen-Age. Ces digues, qui forment un système presque continu d’une longueur de 300 km325, protègent les terres agricoles. Elles consistent en un remaniement des bourrelets alluviaux naturels du Rhône qui, une fois exhaussés et consolidés, forment des levées de terre comparables aux « turcies »326 de la Loire. Dès 1150, les levadiers sont chargés de leur construction et de leur entretien sur le territoire arlésien. La communauté locale a ici élaboré son propre système, géré à l’échelle locale comme dans la haute vallée de la Loire en Anjou327, où il existe un personnel habitant sur les digues chargé de l’entretien des grandes turcies médiévales et de leur surveillance. Mais à la différence de la Loire, les digues de Camargue ont fait l’objet de peu d’interventions de la part du pouvoir royal. Le cas de la Camargue est différent du reste du cours du Rhône en raison de spécificités locales. Parmi elles, citons-en trois :

  • l’existence des bourrelets alluviaux qui offrent une assise facilitée à l’érection de digues,
  • la configuration même du milieu deltaïque où les superficies inondables prennent des proportions considérables (cultiver les terres camarguaises n’est possible que si les divagations du Rhône sont limitées),
  • le statut administratif unique des deux rives des deux Rhône camarguais qui n’ont pas été partagées entre des souverainetés de rives opposées durant l’Ancien Régime328.

En revanche, sur le Haut Rhône, « la protection des terres agricoles du lit majeur est (…) restée modeste jusqu’au début du XIXème siècle et cantonnée aux plaines de tressage fluvial »329, sans compter que « l’impact des travaux humains était resté très faible car le fleuve bousculait régulièrement »330 les ouvrages.

Entre Lyon et Beaucaire, la longueur de l’endiguement est beaucoup moins importante, tout comme sur le Haut Rhône puisqu’elle totalise seulement 103 km linéaires sur 600 km de rives331. Les digues visent aussi la protection de terres agricoles332. Dans ce secteur, les digues sont caractérisées par leur discontinuité et leur faible longueur moyenne. Au nombre d'une centaine, elles protègent parfois, en plus des surfaces cultivables, des bas quartiers urbains (Valence), des villages (Caderousse) et des grandes îles. Ces digues peuvent servir d’assise pour des routes et des chemins de halage333. Les villes ne sont pas les territoires privilégiés de ces premiers aménagements.

Notes
325.

Selon Bethemont J., 1972.

326.

Dion R., 1961.

327.

Dion R., 1961.

328.

A cette époque, la Camargue fait partie de la Provence et le Rhône ne sert pas ici de support à une délimitation politique

329.

Bravard J.P., 1987, p.155.

330.

Bravard J.P., 1987, p.155.

331.

Bethemont J., 1972.

332.

Ces digues sont essentiellement édifiées par des communautés rurales.

333.

Bethemont J., 1972.