Le morcellement politique et administratif du Rhône est un de ces facteurs. Le Rhône constitue l’axe central du royaume des Burgondes aux Vème et VIème siècles334. Mais, à partir de la 2ème moitié du Xème siècle, il devient un espace périphérique et sert, dans quelques zones entre Lyon et Beaucaire, de support à la frontière établie entre l’Empire romain germanique à l’est et le Royaume de France à l’ouest. La rive du Dauphiné est la première à retourner dans le giron français : en 1349, Humbert II de la Tour cède le Dauphiné au Royaume de France ; l’union officielle est proclamée en 1560. La rive provençale rejoint le royaume en 1481 par le legs de Charles III à Louis XI. Enfin, la rive du Comtat Venaissin est rattachée en 1791 à la France ; elle se trouvait sous la souveraineté pontificale depuis 1274.
Le Rhône est morcelé : différentes souverainetés s’exercent d’amont en aval de son cours mais aussi d’une rive à l’autre (Figure 41). Cette fragmentation politique vient donc s’ajouter pendant plusieurs siècles au morcellement naturel. Le statut de marge territoriale et de confins n’a sans doute pas encouragé un aménagement ni une spéculation sur les terres rhodaniennes. Il s’agissait surtout de contrôler les routes et les franchissements dans un intérêt stratégique. Sans compter que la législation qui s’applique aux rives du Rhône, une fois réunies dans le royaume de France, est relativement restrictive et peut se poser comme un frein supplémentaire à l’aménagement. Ainsi, l’article 42 de l’ordonnance des Eaux et Forêts de 1669 rend-il obligatoire le consentement unanime de tous les intéressés (y compris les habitants de la rive opposée et ceux de l’aval) pour la réalisation d’un travail d’endiguement. Cela afin de veiller à la libre circulation des eaux. « D’où le caractère d’exception des ouvrages mis en place à cette époque » conclut J. Bethemont335.
Guichard P., 1993.
Bethemont J., 1972, p.133.