Les déficiences du système d’acteurs

Le jeu des acteurs rhodaniens de l’Ancien Régime intervient aussi dans ce processus et en particulier celui de trois acteurs : l’Etat, les villes et les grands personnages aristocratiques.

L’Etat, non engagé sur le Rhône

Si l’on étudie l’histoire des levées de la Loire, on constate qu’elles ont été érigées par des groupes d’acteurs successifs en fonction de logiques territoriales, politiques et/ou économiques. Les grandes turcies médiévales sont l’œuvre des grands propriétaires terriens qui cherchent à protéger et étendre leurs surfaces agricoles. La construction des levées modernes est dirigée par les villes de la Loire moyenne car la bourgeoisie commerçante veut assurer et améliorer la navigation, sauvegarder les ports et les ponts d’éventuels changements du cours du fleuve. A partir de la fin du XVIème siècle, le pouvoir central renforce son intervention et prend en charge la question des levées et en particulier leur exhaussement. Colbert affirme ainsi la mainmise complète et définitive de l’Etat sur l’ensemble des travaux publics exécutés au bord du fleuve ou dans son lit.

Sur le Rhône, entre Lyon et Beaucaire, l’Etat ne s’engage qu’à partir de 1807 dans l’aménagement fluvial, date à laquelle par la loi du 16 septembre, il place les travaux d’endiguement sous le contrôle de l’Administration. Il n’existe pas, avant la création du Service Spécial du Rhône en 1842336, de cadres administratifs ni d’ingénieurs des services de l’Etat attachés spécifiquement à la gestion du Rhône. On peut donc expliquer en partie la faiblesse de l’aménagement par l’absence d’engagement de l’Etat français. En revanche dans le cas de la Loire, le pouvoir central crée dès 1571 un poste de Surintendant des Torcies et Levées qui sera augmenté d’un service des Turcies et Levées. Ce dernier est réuni en 1791 à l’administration départementale des Ponts et Chaussées, avant que la création du Service Spécial de la Loire ne le remplace en 1840.

Notes
336.

Le service spécial du Rhône est créé par arrêté du 24 août 1842. Distinct des services départementaux des Ponts et Chaussées, il est organisé en quatre sections : de la frontière suisse à Lyon, de La Mulatière à Valence, de Valence à Arles, d’Arles à la mer.