2.3.2. Le Domaine rhodanien : un domaine concédé à la C.N.R. par l’Etat français

La concession du Rhône

Le Rhône est concédé à la C.N.R. par le décret n°2003-513 du 16 juin 2003 approuvant le huitième avenant à la convention de concession générale passée le 20 décembre 1933 entre l’Etat et la Compagnie Nationale du Rhône et modifiant le décret n°96-1058 du 2 décembre 1996 relatif à la délivrance des titres d’occupation du domaine public de l’Etat. Cette concession doit prendre fin le 31 décembre 2023. Elle s’est faite en application de la loi du 27 mai 1921 portant aménagement du Rhône de la frontière suisse à la mer et par la convention de concession générale du 20 décembre 1933, approuvée par le décret du 5 janvier 1934. Cela donne à la C.N.R. le pouvoir de délivrer les titres d’occupation du domaine public de l’Etat. C’est-à-dire par exemple qu’une ville qui souhaite développer un port de plaisance doit en faire la demande auprès de la C.N.R. De même, tout aménagement urbain de berge ou d’un espace relevant du domaine concédé doit faire l’objet d’une autorisation de la C.N.R. Le décret du 16 juin 2003 apporte des nouveautés au statut de la concession. Selon ce texte, « les droits et obligations du concessionnaire méritent aujourd’hui d’être redéfinis pour tenir compte, s’agissant des missions existantes, de nouveaux besoins et pour prendre en considération, s’agissant de la concession dans son ensemble, les conséquences des évolutions constatées dans le droit, dans l’économie et dans la société depuis les textes initiaux, notamment en matière d’environnement, de manière à refléter plus fidèlement les attentes des populations, des usagers du fleuve et des collectivités concernées. » En outre, « la situation nouvelle de concurrence sur le marché dans laquelle se trouve placée la C.N.R. 452 doit conduire à mieux distinguer désormais, d’une part la concession, d’autre part l’entreprise à qui elle est confiée et dont le champ d’activité ne peut se limiter à celui de la concession. » Le contenu de la concession est précisé dans le décret. Elle a pour objet : « l’établissement et l’exploitation des ouvrages nécessaires à l’aménagement du Rhône entre la frontière suisse et la mer au triple point de vue de l’utilisation de la puissance hydraulique, de la navigation, de l’irrigation et des autres emplois agricoles. Cette concession s’étend aux affluents du Rhône dans la partie de leur cours affectée par l’aménagement du fleuve ainsi qu’aux sections court-circuitées du fleuve. » Les dépendances immobilières de la concession sont :

«  1° les usines et les ouvrages souterrains ou à ciel ouvert utilisés pour l’aménagement de la force hydraulique et la production de l’énergie électrique, acquis ou réalisés par le concessionnaire pour le compte de l’Etat (…) ;

2° les ouvrages intéressant la navigation (…) ;

3° les terrains submergés, les terrains supportant les ouvrages décrits ci-dessus, ainsi que leurs voies et moyens d’accès ne constituant pas des voies et moyens publics (…) ;

4° le cas échéant, les maisons de garde et les bâtiments d’habitation indispensables au logement du personnel d’exploitation (…) ;

5° les ouvrages construits pendant la durée de la présente concession ou les terrains acquis durant cette même période (…). »

Le concessionnaire peut octroyer des autorisations temporaires d’occupation du domaine concédé « à des tiers après accord du chef de service de la navigation et du directeur régional de l’industrie, de la recherche et de l’environnement. » Ces autorisations « donnent lieu au paiement d’une redevance dont le montant est déterminé, sur proposition du concessionnaire»453. La concession s’accompagne d’un cahier des charges général et d’un schéma directeur. Ce dernier précise la nature, le contenu et le calendrier indicatif d’un ensemble d’actions, notamment de travaux, que le concessionnaire s’engage à réaliser pendant la durée de la concession. Le schéma de la période 2003-2023 prévoit des actions dans plusieurs domaines qui sont la production d’électricité hydraulique, la navigation, l’agriculture (l’irrigation en particulier) et l’environnement.

Les villes et le développement urbain ne constituent pas à proprement parler un champ d’action de la C.N.R. Les espaces fluvio-urbains, qui relèvent pourtant en partie du domaine concédé, ne font pas l’objet d’une attention spécifique. Ils peuvent profiter de manière indirecte de certaines actions comme celles contribuant au développement du transport par voie navigable avec en particulier « le développement des zones portuaires, dans le cadre d’une offre logistique multimodale privilégiant le transport par voie d’eau »454. Dans cette logique, des acteurs locaux sont mobilisés puisqu’une association est envisagée, « chaque fois que nécessaire, notamment par la recherche de partenariats, avec les autres acteurs du transport fluvial, en particulier Voies Navigables de France et Port autonome de Marseille, les collectivités territoriales et les chambres de commerce et d’industrie, ainsi que les chargeurs et les transporteurs. »455 Les municipalités peuvent agir en partenariat avec la C.N.R. à l’occasion de projets concernant le transport fluvial. Les dispositions relatives à l’environnement offrent aussi la possibilité d’un partenariat entre des villes et la C.N.R., notamment « en vue d’harmoniser les projets des collectivités locales et du concessionnaire »456. Cela dit, les projets purement environnementaux se concentrent essentiellement sur la restauration des tronçons court-circuités du Rhône, des lônes et des milieux annexes du Rhône et de ses affluents, c’est-à-dire sur des espaces qui se trouvent en général hors des zones urbanisées. Mais on peut espérer l’application à des espaces fluvio-urbains de l’article 7 bis du cahier des charges général de la concession457 : « le domaine foncier de la concession, dans ses parties présentant un intérêt pour la conservation des espèces, des espaces naturels, du paysage ainsi que du patrimoine historique, architectural et culturel, fait l’objet de plans de gestion concertés avec les collectivités riveraines, selon des unités géographiques cohérentes. »

Si le cahier des charges définit des objectifs généraux, ils ne font pas tous l’objet d’une application immédiate. La compagnie s’est engagée à élaborer et mettre en œuvre tous les cinq ans un nouveau plan de missions d’intérêt général. Tout comme le cahier des charges, le premier plan (2004-2008) ne propose pas de mesures touchant spécifiquement les espaces fluvio-urbains. Il développe uniquement une thématique pouvant influer sur les espaces urbains : « l’ancrage régional pour accompagner localement les initiatives de développement économique et touristique autour de la voie d’eau » 458 . Les actions concernant le domaine environnemental se placent dans la continuité des actions du plan décennal de restauration hydraulique et écologique du Rhône qui ne touche pas directement les espaces urbains. La dimension patrimoniale historique, architecturale et culturelle, n’est pas d’actualité et donc la potentielle dimension urbaine d’une politique environnementale.

Notes
452.

Parce que cette compagnie est devenue depuis avril 2001 un producteur d’électricité indépendant qui commercialise son énergie.

453.

Décret n°2003-513 du 16 juin 2003, article 48.

454.

Décret n°2003-513 du 16 juin 2003. Schéma directeur couvrant la période 2003-2023 annexé au cahier des charges général de la concession de la C.N.R.

455.

Décret n°2003-513 du 16 juin 2003. Schéma directeur couvrant la période 2003-2023 annexé au cahier des charges général de la concession de la C.N.R.

456.

Décret n°2003-513 du 16 juin 2003. Schéma directeur couvrant la période 2003-2023 annexé au cahier des charges général de la concession de la C.N.R.

457.

Cahier des charges général de la concession de la C.N.R. approuvé par les décrets du 7 octobre 1968, du 15 mai 1981, et du 16 juin 2003

458.

Communiqué de presse de la C.N.R., du 21 juillet 2004 « validation du premier plan à 5 ans des missions d’intérêt général ».