La difficile mise en place des PPRI à l’aval de Lyon

Entre Lyon et la mer, 144 communes sont riveraines du Rhône. Elles n’appliquent pas toutes les mêmes outils réglementaires pour gérer le risque (tableau 18).

8,3% des communes ont encore comme document de référence le Plan des Zones Inondables 575 (P.Z.I.) de 1911. Ce plan a été établi par le Service de la navigation du Rhône. Au moment de sa création, ce document est tout à fait novateur puisqu’il ne connaît pas d’équivalent en France. La cartographie de l’aléa rhodanien est réalisée en avance par rapport au reste de la France où un tel zonage ne sera établi qu’en 1935 dans le cadre de l’application des P.S.S. Les P.Z.I. sont établis en application de la loi de Mai 1858 par le Service Spécial du Rhône à partir du relevé précis de l’extension de l’inondation de 1856. Il s’agit d’inventorier les espaces soumis au risque afin notamment de conserver les champs d’inondation : seul l’aléa est alors pris en compte et non la vulnérabilité. Ces P.Z.I. sont aujourd’hui des mesures archaïques et témoignent d'un véritable retard en matière de gestion du risque à l’heure où sont établis d’autres documents intégrant la vulnérabilité (Plan de Prévention du Risque Inondation, PPRI). Ils sont les documents de référence en vigueur pour la ville de Lyon et les villes de Camargue (riveraines du Grand Rhône). La mesure la plus ancienne et la plus incomplète s’applique donc aux espaces parmi les plus sensibles des rives du Rhône : Lyon du fait de sa très forte densité humaine et la Camargue du fait de l’ampleur de sa superficie inondable.

La mise en place des Plans des Surfaces Submersibles (P.S.S.) dans les communes riveraines du Rhône est tardive. Les P.S.S. sont créés en 1935 et ne connaissent pas d’application rhodanienne avant les années 1980. Cela s’explique par la présence des P.Z.I. qui sont des documents équivalents et qui ont été mis en place précédemment sur toute la vallée du Rhône. Les P.S.S. qui sont établis dans les années 1980 sont en réalité des réactualisations des P.Z.I., notamment suite à certains aménagements de la C.N.R.

Il existe très peu de Plan d’Exposition au Risque (P.E.R.) dans les communes riveraines du Rhône entre Lyon et la mer : 3,47 % des villes en sont dotées. Les P.E.R. ont été institués par la loi d’indemnisation des catastrophes naturelles de 1982 et constituent une servitude annexée au Plan Local d’Urbanisme. La rareté rhodanienne est représentative de la moyenne française. Les P.E.R., créés suite à la loi de 1982 sur l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles et qui établissent une cartographie intégrant des mesures d’endommagement, ont très peu été appliqués du fait des réticences, voire des résistances des communes face à la mise en place de plans confiés aux services de l’Etat576. S’ajoute à cela dans le cas du Rhône, la présence ancienne des P.Z.I., réglementation dont se satisfont les communes. Les P.S.S. ont même été préférés aux P.E.R. puisqu’une commune a établi un P.S.S. en 1986 alors même que les P.E.R. avaient déjà été créés. Cela témoigne de la permanence de l’utilisation de mesures archaïques en dépit de l’actualisation de la réglementation et d’une certaine inertie en matière d’application de la réglementation concernant le risque.

Les P.P.R.I. concernent environ 30 % des communes rhodaniennes et sont encore en cours d’établissement. Ils sont approuvés par le préfet en concertation avec les collectivités locales et ont été institués par la loi relative au renforcement de la protection de l’environnement de 1995. Ils constituent, comme les PER, une servitude annexée au Plan Local d’Urbanisme. Ces documents, qui se substituent à tous les outils précédemment cités, prennent en compte non seulement l’aléa naturel mais aussi la vulnérabilité des espaces et se fondent sur la notion de prévention. La gestion du risque dans les communes riveraines du Rhône se place donc entre archaïsme et modernité.

Au terme de cette analyse, on ne peut que conclure à la difficulté rhodanienne du passage de la prise en compte de l’aléa (P.Z.I.) à la prise en compte du risque dans sa globalité, vulnérabilité comprise (P.P.R.I.). 66,6 % des communes rhodaniennes en sont restées au stade de la seule cartographie de l’aléa (avec les P.Z.I. et les P.S.S.), ce qui souligne le difficile passage de la « logique curative de limitation de l’aléa » à une « logique préventive diversifiée »577. Si la cartographie de l’aléa s’est faite de manière anticipée dans la vallée du Rhône, la gestion du risque s’est limitée à l’aléa jusque dans une période récente (les années 1980), ce qui témoigne d’un certain immobilisme.

Cet immobilisme peut s’expliquer, outre les réticences des collectivités locales, par la prévalence de la conception hydraulicienne du risque. On retrouve ici un des facteurs fondamentaux de la carence de gestion des espaces fluvio-urbains rhodaniens. La tradition, vieille de deux siècles, de la gestion du Rhône par les ingénieurs du Service spécial du Rhône et de la C.N.R. a un impact fort sur la gestion du risque en induisant une gestion globalement technicienne. Le Service spécial du Rhône a établi les P.Z.I., soit les premiers documents de gestion du risque. Cela a favorisé la déresponsabilisation des individus et des collectivités locales ainsi que le relâchement de l’Etat dans le contrôle de l’occupation du sol dans les zones inondables rhodaniennes puisque la gestion du fleuve est historiquement du ressort des corps d’ingénieurs. Affinons l’analyse de cette difficulté grâce à l’étude des réglementations appliquées par les plus grandes villes du Rhône à l’aval de Lyon, c’est-à-dire Vienne, Valence, Avignon, Tarascon, Beaucaire et Arles.

Tableau 18. La réglementation du risque d'inondation dans les communes riveraines du Rhône entre Lyon et la mer

Notes
575.

Appelé aussi localement « P.S.S. » mais à ne pas confondre avec les P.S.S. établis en application du décret de 1935. Le plan des surfaces submersibles rhodanien a été établi en 1911 puis étendu à toute la France en 1935.

576.

Voir Laganier R., Scarwell H.J., 2004.

577.

Voir Laganier R., Scarwell H.J., 2004.