Un rapport inversement proportionnel entre l’importance du risque urbain et le niveau d’application de la réglementation

On l’a vu, sur le Rhône, la part des surfaces urbaines inondables augmente en direction de l’aval (Figure 75). Pour autant, le niveau d’application de la réglementation n’est pas en rapport avec l’importance de la superficie inondable. Au contraire, la ville la moins exposée est la plus en pointe en matière de réglementation : Vienne, dont 4,85 % de la superficie sont inondables, possède un P.P.R.I. depuis 1997. Parmi les villes du bas-Rhône, seule Beaucaire possède un P.P.R.I. Cela s’explique par des circonstances particulières liées moins à la présence du Rhône qu’à la présence conjointe du Gardon (affluent méditerranéen du Rhône). Cet affluent a connu des crues catastrophiques en 1993 et 1994, qui ont suscité la création d’un P.P.R.I. intercommunal (« Confluence Rhône-Gardon-Briançon578 », sur les communes de Aramon, Beaucaire, Comps, Meynes, Montfrin, Théziers et Vallabrègues).

Ce constat paradoxal s’explique : plus le risque est élevé, plus l’application de la réglementation est complexe et contraignante. Les P.P.R.I. font l’objet de contestations nombreuses par les collectivités locales. Ce processus engendre des délais d’approbation très longs : plus de six ans dans le cas de Beaucaire où le P.P.R.I. a été prescrit par le préfet le 12 août 1994 et approuvé seulement le 28 décembre 2001. Ce type de document ayant un effet rétroactif, le problème se pose des mesures à appliquer sur le bâti existant (comme, par exemple, la construction d’un plancher refuge au-dessus du niveau des plus hautes eaux connues en Camargue) et de leur financement. Sans compter que, dans le cas de communes très largement inondables, telles qu’Arles, la stricte application d’un P.P.R.I. entraînerait la limitation de la majeure partie de l’expansion urbaine projetée, paralysant le développement urbain. Cependant, l’Etat fait pression sur les collectivités locales car il souhaite la généralisation de la mise en place des P.P.R.I. Cela peut conduire à un dévoiement de l’outil. Dans le cas d’Arles, un P.P.R.I. a été officiellement mis en place, or il ne s’agit pas d’un document efficace et fondé sur une nouvelle appréciation du risque mais du simple changement de dénomination de l’outil utilisé. En effet, à Arles le P.Z.I. de 1911 vaut P.P.R.I. Le cas arlésien est d’autant plus intéressant que l’on a pu voir que la ville est vulnérable, l’inondation du Trébon en 2003 l’atteste, et donc que le P.R.R.I. en place est peu efficace.

Les politiques urbaines de gestion du risque rhodanien sont donc globalement marquées par la permanence d’archaïsmes et une certaine inertie qui conduit à un défaut d’efficacité que l’étude de cas de l’inondation arlésienne de 2003 illustre. Cette constatation soulève des interrogations : d’où provient cette inertie ? Comment se met-elle en place ? Afin de comprendre la nature de la difficulté du passage à une prévention fonctionnelle, il faut analyser comment ces politiques se construisent.

Notes
578.

Le Briançon est un affluent du Gardon.