Les crues de 1993-1994 et la réactivation des politiques de gestion du risque d’inondation

En 1993 et en 1994 se produisent des crues exceptionnelles sur le Bas-Rhône. Le débit du fleuve atteint 9 800 m³/s le 10 octobre 1993588 et 10 950 m³/s le 7 janvier 1994589 à Beaucaire lors de deux crues méditerranéennes extensives qui provoquent l’inondation de surfaces considérables : 13 000 hectares dans les Bouches-du-Rhône et 3100 dans le Gard en 1993, et 6 500 hectares dans les Bouches-du-Rhône et 3000 dans le Gard en 1994.

La crue d’octobre 1993 est un événement méditerranéen extensif qui s’est ensuite transformé en crue généralisée en raison de l’extension des précipitations depuis la partie méditerranéenne du bassin en direction de la vallée de la Saône et du Jura. Se sont donc produites des crues concomitantes du Rhône et de trois de ses principaux affluents : l’Isère, l’Ardèche et la Durance. Si à Vienne le débit de pointe atteint par la crue s’est approché du débit des crues décennales, à Valence il a atteint 6800 m³/s, soit le débit d’une crue de période de retour de 35 ans et 9800 m³/s à Beaucaire (période de retour de 25 ans). Les inondations sont dues aux ruptures de digues en Camargue, les événements hydrologiques exceptionnels s’ajoutant au manque d’entretien de ces digues. Le système protecteur ne joue plus son rôle, sans compter que l’urbanisation et plus globalement les constructions se sont largement développées dans le champ d’inondation les 30 années qui précèdent. La vulnérabilité est accrue par la difficile prise en compte du risque dans la valorisation de sites hydrologiquement contraignants.

A la suite de cette catastrophe, des mesures sont prises à l’échelle nationale et à l’échelle rhodanienne. La circulaire du 24 janvier 1994 précise les deux objectifs de la politique étatique en matière de réduction du risque d’inondation : l’interdiction des implantations humaines dans les zones les plus dangereuses et la réduction de la vulnérabilité. Sur le Bas-Rhône est mis en place un contrôle de sécurité des digues (recensement, état et travaux de confortement). A l’initiative du préfet des Bouches-du-Rhône, le S.Y.M.A.D.R.E.M. est créé pour gérer et surveiller les digues de la Camargue provençale. Ce nouvel acteur doit pallier la déficience des acteurs locaux traditionnels. Une étude globale des crues du Rhône est lancée par le préfet de Bassin590 sur l’ensemble du bassin-versant, sous la maîtrise d’ouvrage de l’établissement public de Bassin Territoire Rhône591 et de la C.N.R. (pour le volet hydraulique hors delta) afin d’améliorer les connaissances du fonctionnement du Rhône en situation de crue, de l’hydrologie, de l’hydraulique, du transport solide et de l’occupation du sol. Les conclusions ont été rendues en mars 2003 soit 10 ans après la crue initiatrice. Elle permet l’amélioration de la connaissance de l’hydrologie du Rhône mais n’a pas mené à terme de scenarii de gestion.

Depuis les années 1960, une dissociation nette s’est produite. A Valence, la technique induit une réactualisation du zonage des espaces inondables dans un contexte où le Rhône ne connaît pratiquement pas de crue. Les aménagements de la C.N.R. ont donc un impact en termes de gestion du risque. Grâce à la mise hors d’eau de certains espaces urbains, ils suscitent la redistribution des cartes du risque. En revanche à Beaucaire, il ne se produit pas de modification dans la gestion avant l’occurrence de deux catastrophes consécutives. Cela peut s’expliquer par la relative ancienneté du dernier événement hydrologique de forte ampleur (1856), qui favorise la faible prise en compte du risque par les riverains par un certain oubli du danger, et par l’absence d’aménagement d’importance.

La gestion du risque fluvial dans le bassin-versant du Rhône n’est pas uniforme dans le temps et dans l’espace : des temporalités et des dynamiques distinctes s’instaurent selon les portions du fleuve observées. Cependant, les dernières mesures prises tendent à mettre en cohérence la gestion du risque à l’échelle du bassin-versant, comme en témoigne la présence d’un préfet coordonnateur de bassin à qui l’Etat attribue des missions interrégionales.

Notes
588.

Ce débit correspond environ à une crue de période de retour de 25 ans.

589.

Ce débit correspond, quant à lui, à un débit de période de retour de 70 ans.

590.

Cette étude répond à une commande faite en 1995 Michel Barnier, alors Ministre de l’Environnement, suite aux crues de 1993 et 1994.

591.

Il s’est d’abord appelé « Institution Rhône-Saône ».