Pallier les déficiences rhodaniennes

Le plan Rhône envisage l’actualisation de la gestion du risque et donc la fin programmée des archaïsmes rhodaniens. Il appuie là sur un point faible fondamental. Cette actualisation passe par la volonté de développer la prévention, si difficile à mettre en place sur le Rhône. Le cahier thématique du plan Rhône consacré aux inondations comporte d’ailleurs un chapitre intitulé « la mobilisation vers la prévention ». Le développement de la prévention est intégré à la stratégie élaborée par le comité de pilotage (COPIL) qui comporte cinq objectifs principaux :

‘« 1) Prévoir les inondations, connaître et faire connaître le risque.
2) Prévenir toute aggravation du risque, en veillant notamment à la maîtrise des ruissellements, au maintien des zones d’expansion de crues existantes et de la fonctionnalité des ouvrages de protection, à la non augmentation des enjeux exposés aux crues et au maintien de la capacité du lit.
3) Diminuer la gravité des inondations au droit des secteurs à enjeux fréquemment et fortement inondés dans la mesure du possible, en examinant les possibilités de réduction des ruissellements à la source et à la mobilisation de nouvelles zones d’expansion des crues.
4) Réduire la vulnérabilité des enjeux exposés aux crues, notamment en insufflant, maintenant et développant la conscience du risque.
5) Eviter qu’une crise grave se transforme en catastrophe de grande ampleur, par la sécurisation des endiguements et la préparation de crise. »595

Le passage à la prévention passe par la réactivation du processus d’application des P.P.R.I. dans les communes rhodaniennes, qui se heurte à de nombreuses difficultés. Un des objectifs du plan est de disposer de P.P.R.I. approuvés d’ici 2010 sur les secteurs les moins bien couverts au plan réglementaire et les secteurs les plus dangereux. Le Plan Rhône prévoit donc une programmation des P.P.R.I. à l’échelle du fleuve, qui va à l’encontre des pratiques rhodaniennes. Ces P.P.R.I. font même l’objet d’une harmonisation grâce à « l’élaboration d’une doctrine commune sur tout le cours du fleuve »596, c’est-à-dire qu’ils sont régis par des principes communs prédéfinis. Le Plan Rhône projette donc de remettre la gestion du risque rhodanien en accord avec son temps et notamment avec la réglementation en vigueur en France. L’exception rhodanienne semble alors mise à mal et en particulier l’inertie rhodanienne que nous avons soulignée précédemment.

L’application du concept de développement durable prônée par le plan se place dans la même perspective. Elle n’est pas totalement inédite sur le Rhône car elle a été introduite notamment dans le nouveau cahier des charges de la C.N.R. en 2003. Mais son application n’est pas encore visible en 2005. Ce qui est nouveau, c’est l’association de ce concept à celui de risque d’inondation. Le Plan Rhône se réclame d’un projet global de développement durable ayant trois objectifs majeurs :

  • « concilier prévention des inondations et pressions du développement en zone inondable ;
  • respecter et améliorer le cadre de vie des habitants ;
  • assurer un développement économique de long terme de ce territoire stratégique au plan national voire européen. »597

Autre déficience rhodanienne que le Plan Rhône envisage de pallier : la faiblesse de l’implication des communes en matière de gestion du risque. Dans cette optique, la mise en œuvre des actions du volet inondation est conditionnée par « la demande de fourniture d’une étude argumentaire engageant les collectivités en charge des S.C.O.T. et des P.L.U. et démontrant la prise en compte par ces collectivités d’un aménagement futur du territoire intégrant le risque inondation et privilégiant le développement des zones urbanisables en dehors des zones inondables dans la mesure du possible. » 598 Contrairement aux usages habituels, les collectivités locales, et parmi elles les communes, sont impliquées dans la gestion du risque et non plus déresponsabilisées comme elles l’étaient dans le cadre de la gestion techniciste du risque qui relevait des services d’ingénieurs. Le Plan propose de s’attaquer à un des aspects de la déficience du système d’acteurs rhodaniens. Il essaie de susciter la prise de conscience des communes et leur engagement en matière de gestion du risque fluvial. Ce dernier n’est pas considéré comme un domaine isolé mais est intégré à l’aménagement du territoire. Cependant, les collectivités locales ne sont pas le seul acteur concerné par ces innovations.

Notes
595.

D.I.R.E.N. Rhône-Alpes, 2005, « Plan Rhône », p.13.

596.

Ibid, p.16.

597.

D’après www.fleuverhone.org.

598.

DIREN, 2005, « Plan Rhône », Cahier thématique Inondation, p. 25.