La modification du jeu des acteurs

Le Plan Rhône modifie le jeu des acteurs sur deux plans : d’une part il reconsidère les acteurs en présence, d’autre part il agit sur le fonctionnement du jeu en établissant une concertation et en recherchant une adhésion.

Il met en lumière de nouveaux acteurs et reconsidère des acteurs oubliés ou restés en marge comme les collectivités locales. On peut ainsi citer les rôles du préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée et du COPIL (comité du pilotage). Ce dernier a été créé en juin 2003 mais son travail a été réorienté dans le cadre du Plan Rhône. Il s’agit d’une instance de décision des pouvoirs publics co-présidée par le préfet coordonnateur du bassin et le président du comité de bassin. Son travail a permis de définir les principes directeurs de la stratégie approuvés par le CIADT du 12 juillet 2005. Autres acteurs, les riverains ont désormais un rôle important en matière de gestion du risque. D’abord leur mobilisation a été à l’initiative de la demande d’une stratégie globale de prévention du risque d’inondation suite aux trois crues survenues en 2002 et 2003. Leur demande a été entendue par les pouvoirs publics qui ont lancé le Plan Rhône. Surtout, elle a fait l’objet d’un approfondissement dans le cadre de l’organisation des Etats généraux du fleuve par les conseils régionaux des trois régions concernées, commencés au premier trimestre 2005 et conclus le 27 juin 2005 à Valence. Le rôle renouvelé des riverains n’exclut pas pour autant celui des techniciens et des ingénieurs puisque le plan Rhône se fixe aussi comme objectif de « mobiliser l’ensemble des services techniques concernés. »599 Ce qui est nouveau, c’est la volonté de réelle association entre ces différents acteurs.

Le Plan Rhône adopte un principe de mise en relation des acteurs entre eux et d’adhésion de leur part, qui rompt avec la gestion techniciste du risque. Une des conditions affirmées de sa réussite consiste en la mise en place «  d’une véritable concertation entre tous ceux qui sont concernés par le fleuve et son territoire. L’adhésion des acteurs est une condition de réussite indispensable de ce projet. »600

L’implication nouvelle ou renouvelée des acteurs et leur mise en relation sont conçues dans une dynamique pérenne. Le Plan Rhône souhaite « organiser les liens entre acteurs et mutualiser les compétences »601. « La mise en œuvre de la stratégie implique la formalisation des actions au sein d’un territoire pertinent sous la forme d’un plan de gestion permettant la contractualisation entre partenaires. Cette mise en œuvre globale nécessitera une coordination de l’ensemble des maîtres d’ouvrages concernés et une articulation temporelle avec les actions régaliennes de l’Etat. »602 Il est prévu pour cela l’institutionnalisation de systèmes d’information et de débat pour tous les acteurs concernés afin de conserver une cohérence d’ensemble. Les Comités Territoriaux de Concertation (C.T.C.) constituent des moyens de concertation permettant à l’ensemble des acteurs concernés par les inondations d’apporter leur contribution à la démarche lancée par le préfet coordonnateur de Bassin (stratégie globale de prévention des inondations du Rhône et de ses affluents). Ils se structurent en trois secteurs géographiques (Rhône amont, Rhône moyen, Rhône aval) et doivent aider aux décisions du comité de pilotage. L'analyse des rapports des C.T.C. souligne le silence des villes et des citadins. L'expression qui domine est celle issues des espaces ruraux. Selon les représentants de ces derniers, le rapport ville/campagne face au risque d’inondation s'exerce au détriment des campagnes. Les agriculteurs expriment leurs revendications. Ils « s’estiment délaissés et attendent un minimum de reconnaissance de la part des zones urbaines qu’ils protègent. »603 Ils expriment leur « crainte (...) d’occuper un territoire « sans enjeux » et d’être sacrifiés au développement économique des villes ». Dans le Haut-Rhône, « les agriculteurs déplorent, quant à eux, que leur rôle actif dans la protection des inondations sur l’agglomération lyonnaise ne soit pas davantage reconnu. »604 Le problème posé est celui du fonctionnement d’une solidarité territoriale entre ville et campagne. Cela conduit les agriculteurs à « demander des mesures fiscales et assurancielles de compensation et de protection en appelant de leurs vœux la participation des parlementaires au débat. »605Cela expliquerait la tournure du Plan Rhône, qui prend peu en compte les espaces urbains, et développe des initiatives plutôt tournées vers les espaces ruraux. On peut aussi se demander si le Plan Rhône possède les données nécessaires à la prise en compte effective des espaces urbains.

Notes
599.

D.I.R.E.N. Rhône-Alpes, « Plan Rhône », 2005, p.18.

600.

D.I.R.E.N. Rhône-Alpes, « Plan Rhône », 2005, p.18.

601.

D.I.R.E.N. Rhône-Alpes, « Plan Rhône », Cahier thématique Inondations, 2005, p.18.

602.

D.I.R.E.N. Rhône-Alpes, « Plan Rhône », Cahier thématique Inondations, 2005, p.18.

603.

C.T.C., Valence, le 7 juin 2005.

604.

C.T.C, Bron, 14 novembre 2006.

605.

C.T.C., Arles, 20 juin 2006.