La territorialisation de la gestion du risque rhodanien

Le Plan Rhône esquisse une recomposition territoriale de la gestion du risque rhodanien. La gestion du risque est sur ce point en avance sur la gestion des espaces fluvio-urbains qui n’accèdent pas à cette recomposition à l’heure actuelle. Encore une dynamique qui vient insérer la gestion du risque dans le temps présent et l’éloigner des archaïsmes.

Les objectifs du plan se différencient spatialement. Le découpage du bassin-versant en trois comités territoriaux s’accompagne de mesures propres à chaque unité, définies en fonction des spécificités et potentialités locales. La gestion du risque se spatialise grâce à l’élaboration de « territoires pertinents »⁶⁰⁶. L’action se territorialise. Les trois comités territoriaux sont les suivants :

• le « Rhône amont » concerne le fleuve depuis son entrée sur le territoire français jusqu’à Givors (il inclut aussi le bassin de la Saône). L’accent y est mis sur le maintien et le développement de la culture du risque existante et sur l’aide au maintien et à la valorisation des champs d’expansion des crues afin d’optimiser la réduction dynamique des crues.
• Le « Rhône moyen » concerne la partie comprise entre Givors et Montélimar. Ici l’objectif est de gérer au mieux les protections en place et de veiller à l’entretien du lit.
• Le « Rhône aval » se situe de Montélimar à la mer. Les principes d’action sont la mise à l’abri des territoires à forts enjeux, tout en gérant les très forts débits concentrés sur l’aval et en améliorant la capacité du lit.

La territorialisation de la gestion du risque passe aussi par la mobilisation d’échelles particulières peu utilisées jusqu’alors. Il s’agit en particulier de l’échelle intercommunale. « Aménager durablement et solidairement le territoire, suppose de recommander la mise en place d'instruments d'aménagement, d'urbanisme, de prévention et de protection contre les risques d'inondation, dont l'échelon administratif à privilégier est le niveau intercommunal. Dans cette perspective, le regroupement des communes en structures intercommunales (pays et agglomération) et la mise en oeuvre de projets de territoires à cette échelle favorisent les politiques locales de développement durable ; ces projets doivent devenir l'élément structurant qui oriente le devenir de ces territoires. »⁶⁰⁷ La fiscalité intercommunale devient alors un outil pour la gestion du risque qui ouvre de nouvelles possibilités. « Par exemple, réaliser des zones d'activité économique intercommunales hors zones inondables en répartissant les bénéfices fiscaux sur toutes les communes, ou en priorité sur celles qui ne peuvent se développer en raison des risques. »⁶⁰⁸

L’utilisation des territoires intercommunaux comme échelle de travail induit la sollicitation de solidarités locales.

L’échelle locale fait partie de la territorialisation conçue dans le cadre du Plan Rhône à travers l’établissement de solidarités. Les territoires ne sont pas conçus isolément mais mis en réseau. Cette solidarité spatiale met en relation des zones sur une même rive et des rives entre elles. Le Plan propose ainsi « la répartition des eaux, entre zones qui stockent pour écrêter les crues et zones protégées, ou entre rives pour la répartition des eaux débordant des ouvrages de protection (…). Cette solidarité spatiale s’accompagne d’une solidarité financière : les servitudes de sur-inondation sont prises au bénéfice de certaines collectivités qui indemnisent propriétaires et occupants des zones inondées. »⁶⁰⁹ Cette gestion globalisée et territorialisée du risque qui se décline à différentes échelles commence à permettre la mise en réseau des territoires et l’exploitation de leurs complémentarités. Le Plan Rhône est en cela novateur car il propose de quitter la logique de concurrence spatiale, voire de conflits d’usage, pour valoriser l’idée de complémentarité des territoires qui existait déjà sur le Rhône (avec les champs d’expansion de crues) mais qui gagne à être développée.

Cela dit, la territorialisation du Plan Rhône a ses limites. Elle concerne pour l’essentiel la gestion du risque et non pas l’ensemble du plan. Les objectifs annoncés restent thématiques (patrimoine, transport, tourisme, risque, environnement, énergie) et n’ont pas d’ancrage spatial. Des objectifs thématiques suffisent-ils à élaborer une politique de développement à l’échelle du fleuve ? Il faudrait croiser ces thématiques avec des entrées spatiales, qu’elles soient scalaires ou liées à des espaces spécifiques : comme les villes, les territoires ruraux par exemple. Les villes font une nouvelle fois figure de grandes absentes. Elles ne suscitent pas de réflexion spécifique.