La gestion du risque comme une opportunité de développement

Le Plan Rhône reprend peut-être sans le savoir une idée qui avait émergé au moment de l’inondation de 1856 : celle de faire de la gestion du risque une occasion de repenser la gestion du fleuve. Comme on a pu le voir précédemment, la catastrophe de 1856 s’est transformée en occasion d’aménagement. A compter de cette date, l’aménagement du Rhône s’élabore dans le cadre d’une programmation établie à l’échelle de la vallée, et non plus par des opérations ponctuelles et isolées. Dans un premier temps, les ingénieurs du Service Spécial du Rhône se sont concentrés sur la protection contre les inondations puis ils ont travaillé à l’amélioration de la navigabilité.

On a vu que les objectifs du Plan Rhône dépassent largement la seule gestion du risque puisqu’elle ne constitue d’un des six volets du plan. Ce plan se présente comme un « outil de cohérence à travers l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet de développement durable à même de permettre tout à la fois d’exploiter au mieux les potentialités de ce territoires et de gérer les contraintes auxquelles il est soumis. »610 Le risque prend toute sa signification, signification duale : à la fois danger, éventualité fâcheuse, et chance, opportunité. En cela l’inondation de 2003, initiatrice du mouvement qui a conduit à l’élaboration du plan Rhône, est une anastrophe plus encore que celle de 1856 qui n’a conduit qu’à des aménagements liés à la protection contre les inondations. L’anastrophe de 2003 a un impact et une dimension bien plus larges.

Du fait du caractère multidimensionnel et de l’envergure de ses objectifs, de la variété des acteurs mobilisés, le Plan Rhône constitue un projet de territoire. La modification de la gestion du risque rhodanien permet la relance de la politique d’aménagement de la vallée. Dans cet espace, le risque est source de renouvellement territorial par la mise en place d’un projet de développement durable global. La gestion du risque permet le ménagement du territoire. Le risque passe du statut d’objet technique à celui d’objet politique participant à l’aménagement global de l’espace rhodanien.

L’heure du bilan n’a pas encore sonné pour le Plan Rhône qui vient à peine d’être approuvé. C’est pourquoi nous avons analysé ses intentions et ses objectifs. Son efficacité reste à mesurer en fonction des réalisations qui seront conduites à l’avenir. Il faut espérer qu’il permettra à la gestion du risque rhodanien d’entrer totalement dans l’ère de la prévention et de gagner en efficacité.

Le déficit de gestion des espaces fluvio-urbains rhodaniens s’accompagne d’un déficit de gestion du risque d’inondation qui se caractérise dans les villes par la permanence d’archaïsmes et la difficulté du passage à la logique préventive.

Mais contrairement aux politiques de gestion des espaces fluvio-urbains, la politique de gestion du risque bénéficie d’événements structurants que sont les crues exceptionnelles. La construction et l’évolution des politiques de gestion du risque se font en partie en réaction à de véritables catastrophes comme celle de 1856. Ainsi la crue du Rhône de décembre 2003, par la mobilisation populaire qu’elle a suscitée, a permis la mise en place du Plan Rhône qui voudrait bouleverser les pratiques de gestion du risque en introduisant une logique de projet inscrite dans la perspective d’un développement global durable. Finalement, la gestion du risque devient une source de recomposition territoriale et d’élaboration de projet de territoire. Le risque est un élément moteur participant de l’intégration du territoire rhodanien et de la territorialisation du fleuve.

Notes
610.

D.I.R.E.N. Rhône-Alpes, 2005 : Plan Rhône, p.5.