Conclusion

L’échec de la fabrication territoriale des espaces fluvio-urbains rhodaniens

Les villes du Rhône à l’aval de Lyon présentent des espaces fluvio-urbains en marge des dynamiques urbaines actuelles de revalorisation et de transformation, et ce en dépit d’un potentiel certain en terme de cadre de vie et d’environnement. Ces espaces ne sont pas les supports de projets urbains à la différence des grandes villes françaises telles que Lyon, Nantes ou Paris, et des métropoles européennes comme Londres. Seules Avignon et Beaucaire présentent des aménagements récents qui sont comparables avec ceux de villes moyennes comme Epinal, Alençon et Sèvres. Mais ce n’est pas la taille modeste des villes rhodaniennes qui explique cette marginalisation. Nombre de villes françaises dites intermédiaires ou moyennes mettent en place de telles transformations. Le « modèle de métropolisation »611 s’applique aux villes intermédiaires telles que Tours et Orléans, ainsi que le démontre Marc Dumont (2005). Ce modèle consiste en une transformation urbaine où l’attention est portée sur le cadre de vie, l’esthétique urbaine et le développement social. Ce nouveau régime urbain est « socio-environnemental ». Il recherche la « revalorisation générale des espaces urbains et de leur qualité de vie »612 en se focalisant sur le traitement des espaces publics et en utilisant des dispositifs participatifs.

Cette marginalisation fait des espaces fluvio-urbains rhodaniens des espaces faiblement et ponctuellement valorisés comme à Avignon, Guilherand et Beaucaire ou alors des espaces en déshérence comme à Vienne (rive droite), Arles et Tarascon. Ces derniers espaces sont des territoires à la dérive. L’aménagement de plus grande envergure mené sur les rives urbaines rhodaniennes est en définitive le chemin piétonnier, ce qui révèle la modestie des opérations fluvio-urbaines rhodaniennes. Ces espaces, s’ils sont appropriés socialement (par les pêcheurs et les promeneurs) et économiquement (présence de ports de commerce, de haltes fluviales pour les paquebots-hôtels), ne font pas l’objet d’une appropriation politique nette. Certes ils relèvent du Domaine Public, mais pour autant l’Etat et les collectivités locales ne mènent pas de politiques propres pour leur développement. Cela pose la question de leur définition : si ce sont à l’évidence des espaces socialisés, ils ne semblent pas constituer de véritables territoires urbains. Territoire étant entendu ici au sens premier et strict du terme613. En tout cas, aucun projet ne vient les délimiter comme territoire d’intervention de l’action publique. Alors que les villes françaises sont marquées par l’apparition de territoires de projet, les villes rhodaniennes présentent des espaces fluvio-urbains vides de projet. Le Rhône n’est pas le support d’une structuration urbaine. Il coule en étranger dans les villes de l’aval de Lyon.

Notes
611.

Dumont M., 2005, p.142.

612.

Dumont M., 2005, p.159.

613.

Le sens le plus ancien et longtemps le plus courant de territoire est celui d’un espace contrôlé-borné, correspondant à la logique d’Etat. Voir Lévy J., Lussault M., 2003, pp.907-917.