Prospective rhodanienne, ou l’application de la géographie

Le plan Rhône pourrait être utilisé comme une opportunité de développement urbain par les villes. D’une part parce qu’il offre la possibilité d’une meilleure gestion du risque et d’une valorisation raisonnée des espaces inondables. D’autre part, s’il ne comporte pas de projets urbains, certains de ses volets peuvent être utilisés par les villes. Il s’agit des volets transport, tourisme et patrimoine.

Les villes peuvent s’insérer dans la dynamique du plan Rhône qui vise à valoriser le patrimoine lié au fleuve dans la perspective d’une réappropriation culturelle et sociale par ses habitants. Les villes possèdent un patrimoine fluvial important, que ce soit des ouvrages d’ingénierie comme les quais, les digues, les ponts, les piles de bacs mais aussi les bâtiments historiques comme les greniers à sels, les tours (Philippe le Bel à Villeneuve-lès-Avignon). Dans le cadre du Plan Rhône, elles pourraient développer des projets portant sur ce patrimoine, bénéficiant ainsi de financements propres au plan, et du cadre institutionnel de concertation et d’élaboration de projet offert par le plan. Elles peuvent aussi profiter des volets qui visent à assurer un tourisme de qualité et à gérer la demande de déplacement dans la vallée. La valorisation du transport fluvial intéresse directement les villes, notamment en ce qui concerne le transport de marchandises qui concerne les ports urbains. Si certains se développent aujourd’hui, comme celui de Valence désormais ouverts aux conteneurs, d’autres bénéficieraient grandement de nouvelles perspectives de développement, en particulier celui d’Avignon qui est spécialisé dans le transport de denrées liées à l’agriculture (produits agricoles, engrais…). Le secteur du tourisme est peut-être le domaine dans lequel les villes sont les plus actives (haltes fluviales développée à Avignon, à Arles) mais il pourrait profiter du plan Rhône pour se renforcer et pour développer des relations entre les haltes fluviales.

Le plan Rhône pourrait être une source d’inspiration pour les politiques urbaines rhodaniennes sur le plan des modes de fonctionnement notamment en termes de système d’acteurs. Le plan repose sur une concertation élargie et nous avons montré les dysfonctionnements du système dans les villes. Pourquoi ne pas organiser des comités urbains de concertation sur le modèle des C.T.C. du Plan Rhône ?

Les enseignements de la non-revalorisation des espaces fluvio-rhodaniens et les innovations proposées par le Plan Rhône ouvrent des pistes pour réfléchir aux conditions d’une possible mise en valeur des espaces délaissés  ou en tout cas d’une amélioration de la gestion des espaces fluvio-urbains. Le point principal semble reposer sur l’élargissement et la mise en relation des acteurs en présence. Il semble indispensable de faire intervenir pour la production des espaces fluvio-urbains rhodaniens les acteurs absents à l’heure actuelle, c’est-à-dire :

Cela permettrait de façonner les aménagements en fonction de la nature du milieu et de ses évolutions, mais aussi en fonction des besoins et des pratiques réelles de la société.

Les citadins, et plus globalement l’opinion publique, méritent aussi d’être intégrés à l’aménagement des espaces fluvio-urbains. Ce sont eux qui pratiquent ces espaces. La connaissance de leurs pratiques, de leurs besoins et de leurs difficultés (insécurité des berges) est indispensable pour réaliser un aménagement parfaitement adapté aux réalités locales. Les aménagements fluviaux profiteraient d’une dimension de démocratie participative avec la mise en place de débats publics, de « forums hybrides ».

On peut se demander si les espaces fluvio-urbains ne doivent pas faire l’objet du développement de services spécifiques, notamment en mairie du fait des compétences particulières qu’ils requièrent. On pourrait imaginer la création de services urbains fluviaux (ou d’un poste de responsable de l’espace fluvial) qui auraient en charge la gestion des berges en particulier, connaîtraient parfaitement leur statut juridique et auraient des relations privilégiées avec les acteurs spécifiques de l’espace fluvial. Cette gestion incluant l’aménagement des berges d’un point de vue urbanistique, leur entretien, leur occupation (bateaux logements), les différents appontements (haltes fluviales) et la gestion du risque.

Au total, il s’agit de mettre en relation le Ministère de l’Environnement, la région, le département, la préfecture, les communautés de communes, les édiles (la ville), V.N.F., C.N.R., les chambres de commerce (gestionnaires des ports de commerce), architectes, urbanistes, paysagistes, experts en hydrologie, sociologues/anthropologues, citadins et d’autres acteurs spécifiques au milieu local (comme le S.Y.M.A.D.R.E.M. à Arles). Il faut ajouter les offices de tourisme dans le cadre du développement du tourisme de croisière sur le fleuve et des haltes fluviales qui lui sont associées. Une concertation systématique et plus importante entre l’ensemble les acteurs concernés est nécessaire pour la mise en place d’aménagements cohérents et efficaces.

Les intérêts d’une telle démarche sont multiples :

L’idée de la création d’une charte de partenariat entre ces différents acteurs, comme celle d’Arles entre V.N.F., le S.Y.M.A.D.R.E.M. et la ville, est une piste qui mériterait d’être suivie afin d’élaborer un cadre concret pour leur mise en relation et de les engager à une collaboration productive. Des engagements, des projets et des financements pourraient être ainsi décidés selon un calendrier précis.

Cette concertation serait un premier pas constitué en direction de l’élaboration de véritables projets urbains qui devrait être un objectif des villes à l’aval de Lyon, si modestes qu’elles soient. Cela permettrait d’une part de valoriser leur position fluviale dans une perspective de développement urbain et d’autre part d’intégrer les espaces fluvio-urbains aux villes rhodaniennes en les transformant en véritables territoires urbains.