Mgr Magnin, évêque d’Annecy depuis 1861, meurt le 14 janvier 1879. Son successeur, Mgr Isoard121, est nommé sur le siège épiscopal d’Annecy, le 9 mai 1879, préconisé six jours plus tard et sacré le 29 juin, dans la chapelle de l’Ecole des Carmes. Il entre dans la ville épiscopale le 16 juillet, jour de la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel122.
Il est le premier évêque d’Annecy à ne pas être savoyard. La rapidité avec laquelle la succession est réglée n’est pas sans rapport avec les diocèses de Maurienne et de Tarentaise. En effet, ces derniers reconstitués quelques années après celui d’Annecy sont menacés de suppression par des mesures budgétaires. Suite à l’Annexion, « la seule survivance du particularisme ecclésiastique savoyard, désormais privé de son enracinement humain, réside dans le maintien des petits diocèses de Maurienne et de Tarentaise, […] régulièrement menacés entre 1876 et 1882 par les manœuvres de Paul Bert tendant à exclure la dotation de leurs évêques du budget de l’État »123. Il est probable qu’il ait été nécessaire de nommer rapidement un successeur à Mgr Magnin, faute de quoi l’un des titulaires des deux diocèses savoyards cités précédemment aurait sans doute été nommé à Annecy et n’aurait pas eu de successeurs. C’est alors qu’il est auditeur de Rote à Rome que Mgr Isoard apprend sa nomination à Annecy. En 1874, son nom avait été évoqué pour un siège épiscopal, mais Rome l’avait refusé à cause de ses amitiés libérales. Il arrive à Annecy uniquement avec un domestique et il laisse en place les vicaires généraux et le conseil épiscopal124.
L’autorité est sacrée pour l’évêque et il ose « commander et [veut] être obéi jusque dans les plus petites choses »125, voilà sans doute pourquoi ses relations avec le clergé sont « souvent difficiles »126. Il impose à son clergé un rigorisme qui « marquera des générations d’ecclésiastiques »127, tel que l’interdiction de l’usage de la bicyclette ou encore celle de se rendre à Annecy, le mardi, jour du marché128. Il pousse toujours ses prêtres « vers l’austérité de la vie et la perfection de leur état »129. C’est une forte personnalité qui, par ses prises de position, exprimées avec verve sous une plume prolixe et parfois acérée, attire sur le diocèse l’attention nationale voire internationale.
Celui qu’Henry Bordeaux définit comme un « petit homme […] pâle, diaphane, maigre, perdu dans sa soutane » ouvre pourtant « un épiscopat de combat, qui le place sur le devant de la scène nationale, sans toutefois lui permettre de jouer les premiers rôles »130. La plume est sa meilleure alliée et sa plus efficace arme, il publie pas moins de cent soixante quinze lettres pastorales au cours de son épiscopat long de vingt-deux années. Il n’hésite pas à écrire au ministre des Cultes ou au sénateur Ferry lorsqu’il le juge nécessaire pour la défense de la religion. L’abbé Bouzoud va jusqu’à écrire, ce qui ne paraît pas exagéré, qu’à « chaque défaillance, à chaque scandale, instinctivement le public se tourn[ait] vers Annecy et écout[ait] le son qui en viendrait. Il fut rarement déçu »131.
Mgr Isoard accorde un grand souci à l’école, comme à la formation intellectuelle de ses prêtres. Il leur demande de s’informer des idées du temps, notamment au niveau des sciences, de façon à être capable de « comprendre et d’éclaircir les difficultés ou les objections »132 liées à ces savoirs. Il sollicite des examens plus fréquents dans les séminaires, en même temps qu’il revoit les méthodes d’études. Les prêtres se réunissent lors des retraites ecclésiastiques. À son arrivée, le clergé diocésain est loin d’être mal formé, il est « sérieux, fidèle à ses devoirs, muni d’une bonne formation théologique, fort attaché aux doctrines romaines et au Saint-Siège »133.
Le prélat souhaite également revoir l’organisation diocésaine en dotant les archiprêtres d’un vrai rôle, et en voulant créer des bibliothèques [d’archiprêtrés]. Dans ses résolutions épiscopales, il note que les archiprêtres « doivent remplir une fonction effective et dans la mesure déterminée par les Constitutions, suppléer l’Évêque »134. C’est pour cette raison qu’ils doivent s’assurer du niveau de l’instruction religieuse des enfants, via un examen. À cela s’ajoute sa volonté de diviser l’administration diocésaine entre les deux vicaires généraux. Il est le fondateur d’une œuvre pour les vocations ou encore d’un bulletin diocésain.
Peu après son arrivée, Mgr Isoard pose les bases de ce qui allait devenir l’œuvre de Saint-André135. Au départ, il s’agit d’une archiconfrérie, qui, par la suite, se transforme en œuvre. Elle a pour but d’aider les enfants aspirant au sacerdoce. Mgr Isoard la place sous le vocable de Saint-André, parce qu’il fut le premier des apôtres choisi par le Christ, et qu’il « eut aussi le mérite et l’honneur de conduire à Notre Seigneur son frère saint Pierre, qui devait être plus tard, le chef du collège apostolique et la pierre angulaire de l’Église. Saint-André, première vocation, et premier recruteur ! »136.
Basée un peu sur le même modèle que la Propagation de la Foi, l’œuvre se compose de groupes de douze personnes. Chacun des associés verse une cotisation minimale (un sou), ce qui leur permet de participer « aux bienfaits et aux mérites de l’œuvre »137. Cette formule donne la possibilité à tous les diocésains de contribuer au recrutement sacerdotal, pauvres et riches pouvant payer la cotisation. L’œuvre se développe et de nombreux prêtres font leurs études grâce à elle. Mgr Isoard souhaite « en intéressant les fidèles, les meilleurs du moins, aux séminaristes, et à leur formation, mieux que solliciter leurs aumônes : raviver leur foi, en les amenant à se serrer autour du prêtre comme le meilleur rempart de la société et de la religion »138.
En 1883, l’évêque crée un bulletin diocésain139 dont il est également le rédacteur. La Revue du diocèse d’Annecy 140 contient deux parties, l’une officielle où sont publiés les actes émanant de l’administration diocésaine alors que l’autre intitulée « [partie] non officielle », permet au rédacteur de s’exprimer librement sur divers sujets. Mgr de Cabrières, dans son éloge funèbre, déclare à ce propos: « Sa Semaine religieuse […] était une sorte de tribunal devant lequel, en de très courts articles, par petits paragraphes, il citait les auteurs, les orateurs, les directeurs de confréries ou de pèlerinages, et jusqu’aux cérémoniaires : rendant ensuite des arrêts, toujours spirituels, quelquefois mordants, mais qui n’étaient pas toujours sans appel »141.
Denis Pelletier rappelle que la décennie 1880 coïncide « avec l’arrivée à maturité d’une nouvelle génération de républicains (Ferry, Gambetta) formés dans le positivisme, qui croient au pouvoir émancipateur du savoir et rêvent d’une morale laïque »142. C’est sur l’école que « le débat prend toute sa dimension »143. En effet, un certain nombre de lois (Ferry, Goblet) excluent petit à petit les congréganistes de l’enseignement, et avec eux, d’une certaine façon, la religion ou plus exactement l’enseignement religieux.
L’école devient un cheval de bataille pour Mgr Isoard, qui, dès 1883, adresse une lettre pastorale à ses diocésains sur « l’enseignement de la morale dans les écoles primaires »144. À ses yeux, l’école de la République symbolise le mal, notamment par le manque de morale [religieuse]. Elle en comporte une, celle-ci constitue d’ailleurs avec l’universalisme des droits de l’homme, son ciment, mais cette morale est laïque ! L’évêque rappelle donc que c’est un « très grand mal » qui est fait aux enfants de leur dire ou de les amener à penser qu’ils « n’ont pas besoin de la pratique de la Religion, pour observer toute la loi morale »145.
Luttant également contre les mauvais manuels scolaires, il va jusqu’à condamner certains titres dans une lettre pastorale de janvier 1883, où il s’oppose à l’usage de livres qu’il juge étrangers à la doctrine chrétienne. Alors qu’il lui avait été interdit de lire sa lettre pastorale, il en donne connaissance à ses diocésains, le 26 janvier, dans sa cathédrale. Demandant à ses prêtres de l’imiter, il est déféré « comme d’abus » au Conseil d’État qui le reconnaît coupable le 28 avril 1883146. Cette condamnation entraîne également la suspension du traitement de onze desservants147. La Revue du Diocèse d’Annecy souligne même que le sacrement de confirmation est refusé aux enfants ayant lu les ouvrages condamnés par l’évêque, soit tous ceux de Bossey, douze de ceux de Saint-Julien-en-Genevois et presque tous ceux de Bonne-sur-Menoge148. Le 27 avril 1883, l’Ordinaire avait publié une lettre datée du 23 portant sur la première communion des enfants qui lisent à l’école le manuel Compayré149 et l’admission de leurs parents à la communion pascale150.
Les années 1880-1890 correspondent à une période assez peu favorable à l’Église, des difficultés apparaissent avec les luttes opposant catholiques conservateurs et laïcs républicains. Outre les lois scolaires (Ferry, Goblet) qui tentent d’exclure de l’enseignement les religieux, il y a le rétablissement du divorce, et surtout la loi imposant le service militaire aux séminaristes. Pour Mgr Isoard, elle est « certainement la plus odieuse contre Dieu et contre son Christ ». Les séminaristes ne sont ordonnés qu’après avoir répondu à leurs obligations. Déjà en 1881, il avait publié un texte intitulé bon sens et justice, à propos du service militaire 151 . L’évêque s’oppose également à la réduction du personnel ecclésiastique, rappelant au ministre des Cultes qu’il ne peut pas traiter les prêtres comme un autre ministre traiterait les fonctionnaires152.
L’électorat de gauche gagne de plus en plus de communes153 d’autant que peu de catholiques se lancent dans la bataille politique154. La gauche s’installe dans les cluses, les terres de contacts et d’échanges, à proximité des axes routiers importants, tout cela favorisant l’ouverture sur l’extérieur ; elle est également présente dans les secteurs où l’économie préalpine pure se dégrade. Paul Guichonnet dans son étude sur « le tempérament politique dans les montagnes de Haute-Savoie » rappelle qu’à partir de 1875, à l’exception de trois communes155, tout le bassin de la cluse de l’Arve156 est à gauche157. N’oublions pas que cette zone est largement influencée par Genève depuis le XVIIIe siècle. Sur les bords du Léman158, le tempérament politique159 « est commandé par une économie originale dans les Alpes (pêche, extraction de pierres) » et Paul Guichonnet ajoute que cette « région est fidèle à la gauche », car « ils ne connaissent pas le rythme tranquille du paysan chablaisien »160. Dans l’avant-pays, des communes – ou plus largement des cantons entiers – sont également attirés par les idées républicaines. De 1885 à 1900, trois loges maçonniques sont présentes en Haute-Savoie, le nombre de leurs membres passant de cent vingt à deux cent vingt-six161.
Concernant les devoirs politiques, Mgr Isoard rappelle à ses diocésains qu’ils ne doivent pas « poser d’actes contraires à leur conscience »162. Mais les résultats des élections montrent tout de même « l’acceptation massive de la République par un électorat pourtant en grande majorité catholique »163, et ce surtout après le Ralliement. Depuis longtemps les catholiques ont accepté le régime en place, et ils savent différencier religion et politique dans bien des cas164. C’est pourquoi, un électeur peut-être pratiquant tout en votant pour un candidat républicain. Pour les élections de 1893, Le Mont-Blanc Républicain rappelle que « la Haute-Savoie n’a rien à craindre […] des agitations de l’évêque d’Annecy. Quoi qu’il fasse, il ne changera pas sensiblement les conditions électorales […]. Il y a beau jour que le catholique sait, chez nous, faire [la part] entre ses devoirs religieux et ses devoirs politiques. De longue date, il a dit à son curé : M. le curé, votre royaume n’est pas de ce monde… »165.Si en 1875, la Haute-Savoie présente un « tempérament politique de fond conservateur »166, la situation évolue nettement en faveur de la gauche, et ce jusqu’à la Première Guerre mondiale, à l’exception des paroisses qui font partie des bastions du catholicisme, et dont certaines restent attachées à la droite167. Justinien Raymond rappelle que les résultats électoraux de 1876, 1877 et 1885 montrent l’adhésion du département à la République et l’acceptation des lois institutionnelles de 1875. Au lendemain et à la veille des grandes batailles du Bloc des gauches, la Haute-Savoie ne revient pas sur son choix ; les votes de 1902 et 1906 ne laissent à la droite que « ses bastions imprenables », d’ailleurs souvent situés en altitude. Lors des élections de 1876, les trois candidats conservateurs, d’Asnières de Sales (Annecy), Bouverat (Bonneville), Montgellaz (Saint-Julien-en-Genevois), sont battus par les candidats républicains. Seul Octave de Boigne réussit à emporter l’élection sur le républicain André Folliet, mais pour une courte durée. Le résultat est invalidé, l’élu ayant bénéficié d’une « pression cléricale […] générale et […] insolente »168. 1876 donne donc quatre députés républicains à la Haute-Savoie et cela ne change pas jusqu’aux lendemains du premier conflit mondial. Suite à la crise du 16 mai 1877, les quatre députés sont renvoyés « devant le pays par dissolution »169. Malgré l’effort du clergé et des associations politico-religieuses de l’Apostolat de la prière et de l’association Pie IX, les candidats conservateurs ne sont pas élus, les quatre républicains obtenant les suffrages nécessaires au premier tour. Découragés par les défaites successives, les conservateurs ne prennent pas part à la bataille électorale de 1881 ; cependant ils reviennent sur la scène politique en 1885, avec les « monarchistes » Roussy de Sales et d’Yvoire et les « bonapartistes »170 Perret et Mareschal. Une nouvelle fois ils sont battus. Lors des élections de 1893, la droite ne prend pas part à la lutte électorale. Ce refus de participation n’est pas sans rapport avec la prise de position de Mgr Isoard ; le baron d’Yvoire imposant alors « aux conservateurs haut-savoyards de s’abstenir de combattre sous la bannière du Ralliement qui reste une affaire de clercs et de notables »171.
En 1890, Mgr Isoard est l’un des premiers et des seuls évêques français172 à se rallier publiquement au Toast d’Alger du Cardinal Lavigerie. Rapidement, il dépasse les pensées du Cardinal ; le 2 décembre, il proclame la mort de l’esprit monarchique en France. Le prélat est un conservateur, son reniement du principe monarchique frappe « les milieux royalistes qui le taxèrent de trahison à la cause »173. Le fait qu’il adhère publiquement au Toast d’Alger ne signifie pas pour autant qu’il soit républicain. Il sait d’ailleurs le rappeler lorsqu’il déclare aux Républicains du gouvernement : « Non, nous n’irons point à vous […]. Vous n’êtes point la République ; vous n’êtes point la France ; vous n’êtes pas des maîtres et nous ne sommes point des sujets »174.
Dans le diocèse, les Orléanistes et les Légitimistes ne sont pas très nombreux, ces deux courants n’ayant pas véritablement d’ancrages historiques. Une partie du clergé et des fidèles a adhéré à ces courants par hostilité à la démocratie laïque. Mgr Isoard contraint la presse monarchiste à se saborder : les deux principaux titres sont supprimés175. Quelques années après le toast d’Alger – pour des raisons d’opposition entre l’évêque et les directeurs des journaux –, il contraint l’abbé Veyrat-Durebex à saborder Le Savoisien 176 , et à rentrer dans le ministère paroissial ; dans le même temps, il supprime L’Union savoisienne de Jules Ville de Quincy177. La disparition de ces deux journaux laisse le champ libre à La Croix de la Haute-Savoie, née en 1891. À la fin 1893, l’évêque s’adressant à ses prêtres leur rappelle la nécessité de diffuser la « bonne presse » dont La Croix et ses rameaux diocésains font partie. C’est dans ce dessein qu’est crée le « Comité de La Croix de la Haute-Savoie »178 dont le but est de « redoubler d’efforts pour exercer, de la manière la plus active et sous toutes ses formes, cet apostolat de la bonne presse »179 dans le diocèse. À partir de son arrivée à la rédaction en 1899, l’abbé Mossuz donne à ce journal une « orientation sociale parfois audacieuse »180.
D’autre part, une partie du jeune clergé, « conscient du blocage risqué entre le catholicisme et un régime suranné accueille avec ferveur le nouveau souffle romain qu’il défend dans les rameaux départementaux de La Croix de Paris »181. Cette partie du jeune clergé tend à se tourner vers les abbés démocrates. Mais l’évêque a en « horreur les abbés démocrates »182 et il se méfie de la démocratie chrétienne. Il fait entendre sa voix lors des congrès ecclésiastiques de Reims et de Bourges183, allant même jusqu’à accuser son confrère l’archevêque de Bourges. Ce denier porte l’affaire à Rome et « obtient un blâme de la Congrégation des évêques et réguliers »184. Concernant la Démocratie chrétienne, elle est le sujet d’une lettre pastorale, où « perce la répugnance de l’évêque d’Annecy à adopter, même après l’avoir entouré des plus expresses réserves, le terme de Démocratie »185. Il serait inexact de penser que l’évêque ne s’intéresse pas à la question sociale, puisqu’il demande à son clergé de s’y intéresser « à l’aide du Manuel social chrétien du chanoine Dehon (1895) »186.
C’est au cours de cet « épiscopat de combat » que les principales œuvres du XXe siècleprennent naissance. Depuis longtemps les chorales paroissiales existaient, mais aucun besoin ne se faisait alors sentir de créer des œuvres de défense religieuse. C’est à partir des années 1880 que des patronages sont constitués. Le premier l’est à Menthon en 1886, suivi par celui de La Roche-sur-Foron, le premier à être doté d’une maison pour les jeunes187. C’est également en 1886 que le comte Albert de Mun188 lance l’Association Catholique de la Jeunesse Française (ACJF)189 promise à un bel avenir. Si de nombreux groupements se forment dans l’esprit ACJF, celle-ci n’apparaît officiellement dans le diocèse qu’en juillet 1901. Elle est en relation avec la Chronique Sociale de Marius Gonin. Son premier aumônier est l’abbé Mossuz, le rédacteur en chef de La Croix de la Haute-Savoie. Il n’est sans doute pas étranger au succès rencontré par l’association. Il semble également être présent aux premiers pas du mouvement de Marc Sangnier, le Sillon. L’essor de la jeunesse catholique permet également « celui des sociétés musicales catholiques et de toute une série d’associations, qu’elles [soient] de tir, de gymnastique ou bien des syndicats ouvriers et agricoles, des cercles de conférences, de coopératives… »190. Autant de groupements qui permettent de s’opposer aux républicains, qui fondent le même genre de groupes. Il arrive parfois qu’une même commune possède les deux types de fanfares, le Chablais comporte plusieurs exemples de ce type.
Celui dont « on redoutait et on blâmait la liberté de sa parole et [dont] on essayait quelquefois d’en atténuer l’effet »191 meurt le 3 août 1901, laissant une lourde succession. Si sa nomination sur le siège d’Annecy avait été rapide (moins d’un an), la situation est bien différente pour son successeur, qui doit attendre deux années avant de pouvoir entrer en fonction, suite à la querelle du Nobis Nominavit 192 . Les vicaires capitulaires Moccand et Pissard doivent gérer les situations délicates nées des difficultés rencontrées par les congrégations suite aux différentes lois promulguées depuis près d’un quart de siècle.
Mgr Isoard laisse un clergé bien formé dans un bon diocèse où la pratique, même si elle accuse une baisse par rapport à 1880, est encore élevée. Les consécrations d’édifices sont encore nombreuses, trente-neuf lieux de culte sont consacrés entre 1879 et 1901193. Pour le chanoine Rebord, l’évêque est « incontestablement dans le dernier quart du XIXe siècle en France, un des évêques les plus remarquables par ses relations, son influence, sa doctrine et sa clairvoyance » ajoutant que « son épiscopat [fut] fécond et grandement utile à l’Église et au diocèse de saint François de Sales »194.
Après nous être intéressés à l’histoire du diocèse, il nous paraît utile de s’arrêter à sa présentation géographique à laquelle nous associerons des aspects économiques, à la veille du début de notre étude, afin de mieux comprendre le cadre de vie des diocésains.
Louis-Romain Isoard naît à Saint-Quentin (Aisne), en 1820. Il est ordonné en 1853, suite à des problèmes de santé. Vicaire à Saint- Sulpice, il est ensuite aumônier des sœurs de Sainte-Marie et directeur à l’Ecole des Carmes en 1859. En 1866, il est auditeur de Rote pour la France, à Rome. C’est en 1879 qu’il devient évêque d’Annecy. ch.-m. rebord, Dictionnaire du clergé…, op. cit., t. 2, p. 431.
a. bouzoud, Mgr Isoard…, op. cit., p. 186. Mgr Isoard avait une grande dévotion à la Vierge.
c. sorrel, « Figures et illusions du pouvoir : les évêques savoyards sous la Troisième République », in Élites et pouvoirs locaux…, op. cit., p. 220.
a. bouzoud, Mgr Isoard…,op. cit., p. 191
Ibid., p. 192.
h. baud, Histoire du diocèse…, op. cit., p. 231.
Ibid., p. 232.
a. bouzoud, Mgr Isoard…, op. cit., p. 197. En fait, il a remis en vigueur une interdiction datant de Mgr Rendu. Les prêtres pouvaient se rendre à Annecy uniquement en cas de nécessité absolue.
I bid., p. 193.
c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 244.
I bid.
Mgr de cabrières, Oraison funèbre…, op. cit., p. 25. L’auteur ajoute : « Mgr Isoard vous demandait que, sur tous les points de la véritable science, – même les questions, qui touchent aux sciences naturelles de physique ou de chimie – , vous fussiez, non pas peut-être au rang des hommes les plus instruits et les plus distingués, mais capables… ».
h. baud, Histoire du diocèse…, op. cit., p. 231.
a. bouzoud, Mgr Isoard…, op. cit., p. 201.
Dans le diocèse de Poitiers, l’œuvre des vocations est créée par Mgr Pelgé, en 1903. j. bouquet, Clercs et laïcs…, op. cit., p. 48.
La Page de Saint-André, janvier-mars 1941, p. 5.
Ibid.
Ibid.
Cette initiative s’inscrit dans un mouvement général, existant déjà avant la guerre de 1870. C’est juste après 1871, que l’on remarque une poussée des semaines officielles, Émile Poulat estime à 30 le nombre de titres crées entre 1870 et 1883. e. poulat, Les Semaines religieuses…, op. cit., p. 17.
L’abbé Bouzoud écrit à ce propos : « Titre exact, car elle était une revue des événements plutôt qu’une Semaine religieuse conduite à la façon habituelle, il donna le spectacle, unique en France, d’un évêque rédigeant, à lui seul, pendant dix-huit ans, sa semaine religieuse », in bouzoud , M gr Isoard…, op. cit., p. 299-300. La Revue du Diocèse d’Annecy cesse de paraître sous ce titre le 30 juillet 1964, et reparaît sous le titre Église d’Annecy, le 27 août 1964.
Mgr de Cabrières, Oraison funèbre de Mgr Isoard prononcée en la Cathédrale d’Annecy le 3 septembre 1901, p. 29.
d. pelletier, Les Catholiques…, op. cit., p. 42-43.
Ibid.
Lettre pastorale de Mgr l’Évêque d’Annecy sur l’enseignement de la morale dans les écoles primaires, Annecy, Niérat, 18 décembre 1883, 25 p.
Lettre pastorale de Mgr l’Évêque d’Annecy sur l’enseignement de la morale dans les écoles primaires…, op. cit., p. 18.
La veille, la Revue du Diocèse d’Annecy publie La lettre de Mgr Isoard à un père de famille de son diocèse au sujet de l’interdiction des manuels scolaires.
c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p.244.
Revue du Diocèse d’Annecy, 8 et 15 juin 1883.
Il était par exemple affirmé que le plus important dans le mariage était le passage à la mairie et non à l’Église. Le manuel de Compayré est condamné, avec trois autres ouvrages, par la congrégation de l’Index en décembre 1882.
Revue du Diocèse d’Annecy, n° 18, 27 avril 1883.
Paris, V. Palmé, 1881, 32 p.
AN F19 2492. Lettre de Mgr Isoard au ministre des Cultes, 24 janvier 1893. « Le ministre des Cultes n’a point vis-à-vis des ecclésiastiques la situation et les droits du ministre de la Justice vis-à-vis des magistrats, du ministre de l’Instruction publique vis-à-vis des membres de l’Université ».
En 1888, les quatre candidats républicains sont élus, contrairement au mouvement national qui donne 113 nouvelles circonscriptions à la droite. j. raymond, La Haute-Savoie…, op. cit., t. 2, p. 1039.
Déjà en 1881, aucun candidat de droite ne s’était présenté.
Il s’agit de Faucigny, Marcellaz et La Côte d’Hyot.
Sur la gauche en Faucigny, voir Sébastien tarrade, Les forces de gauche dans l’arrondissement de Bonneville de 1897 à 1940, mémoire de Master II, Université de Savoie, 2004, 233 p.
p. guichonnet, « Le tempérament… », Revue de Géographie Alpine, op. cit., p. 73. Voir la carte en annexe n° 17.
Sur la vie politique de l’arrondissement de Thonon-les-Bains, voir Michaël stehlin, La vie politique dans l’arrondissement de Thonon-les-Bains-les-Bains 1870-1914, MM, Université de Savoie, 2003, 182 p.
Même si Thonon-les-Bains reste un bastion du catholicisme.
p. guichonnet, « Le tempérament… », Revue de Géographie Alpine, op. cit., p. 73.
c. sorrel, « Les Savoyards et la République », in c. sorrel, dir., Histoire de la Savoie en Images…, p. 325.
Lettre pastorale sur le devoir électoral de 1881.
d. pelletier, Les catholiques…, op. cit., p. 49.
Des paroisses pratiquantes donnent toujours une majorité à la droite, c’est le cas par exemple de celles de La Clusaz, Les Villards-sur-Thônes, Manigod, Abondance, Bellevaux, Sixt, Combloux, Megève entre autres…
Le Mont-Blanc Républicain, 23 avril 1893.
j. raymond, La Haute-Savoie…, op. cit., t. 2, p. 1027.
La carte politique et celle de la pratique pascale ne coïncident pas totalement. Voir les cartes des élections de 1902 à 1936, en annexe nos 13 à 16. Voir également la carte du tempérament politique dans les montagnes entre 1875 et 1936, annexe n° 17.
j. raymond, La Haute-Savoie…, op. cit., t. 2, p. 1030.
Ibid., p. 1036.
Ibid., p. 1041.
c. sorrel, « Les Savoyards et la République », in c. sorrel, dir., Histoire de la Savoie…, op. cit., p. 323.
Mgr Leuillieux, archevêque de Chambéry reste silencieux, contrastant ainsi avec « la déclaration bruyante de Mgr Isoard », in c. sorrel, Les catholiques savoyards…, op. cit., p. 132.
h. baud, Histoire du diocèse…, op. cit., p. 236.
Texte publié par X. de montclos, Le toast d’Alger. Documents (1890-1891), Paris, 1966, p. 131-133.
Cf. supra, p. 22.
Ce journal est fondé en 1878, sous l’épiscopat de Mgr Magnin.
Jules Ville de Quincy prend la direction du journal à la demande de son frère aîné, Ernest, vicaire général de Mgr Magnin puis de Mgr Isoard, il est nommé directeur du Grand séminaire d’Annecy en 1892.
Chronique des Comités du Sud-Est, janvier 1894, p. 2-3.
Ibid.
c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 245.
c. sorrel, « Les Savoyards et la République », in c. sorrel, dir., Histoire de la Savoie…, p. 324.
a. bouzoud, Mgr Isoard…, op. cit., p. 507. L’abbé Bouzoud souligne qu’il « en est quelques-uns qui ont dû ne pas l’oublier ».
Allocution prononcée par Mgr l’évêque d’Annecy à la clôture des retraites ecclésiastiques les 8 et 15 septembre 1896 ; Lettre de Mgr l’évêque d’Annecy à Mgr l’archevêque de Bourges touchant le congrès ecclésiastique tenu dans cette ville au mois d’août 1900. Le geste de Mgr Isoard n’est pas isolé, puisque Mgr Turinaz, évêque de Nancy, publie une brochure « dans laquelle il suggère ironiquement des assemblées de sacristains et de soldats », in a. dansette, Histoire religieuse de la France contemporaine, sous la III è République, op. cit., p. 232-233. D’après pierre Marie-Christine, « Les deux évêques Isoard et Turinaz ne peuvent empêcher la tenue du congrès de Reims, mais agissent à Rome pour qu’il n’y en ait pas d’autre. », in Les Idées politiques de Mgr Turinaz…, op. cit., p. 215.
c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 22.
a. bouzoud, Mgr Isoard…, op. cit., p. 548-549.
c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 245.
Archives de l’Académie Salésienne (AAS). Boîte Campistron. e. charvet, Rapport sur la fédération musicale des œuvres de jeunesse, présenté à la séance du bureau diocésain le 8 juin1911 au congrès diocésain.
Albert de Mun n’a pas obtenu du pape Léon XIII l’autorisation de constituer un « parti politique catholique », il crée donc l’ACJF, qui prépare les catholiques à la vie dans la cité.
Nous évoquerons l’ACJF et les œuvres en général dans la partie intitulée « mobilisation pastorale ».
c. barbier, Essai sur les fanfares et chorales…, op. cit., p. 40.
Mgr de cabrières, Oraison funèbre…, op. cit., p. 5. Mgr de Cabrières ajoute : « Et cependant, parce qu’on trouvait à la voix de cet éloquent évêque un accent sincère, parce qu’elle venait d’un cœur généreux, on s’attachait à lui, on l’admirait et on l’aimait ».
Voir o. poncet, « Grammaire et diplomatie sous la Troisième République. La querelle du Nobis Nominavit entre la France et le Saint-Siège (1871-1903) », in Mélanges de l’Ecole Française de Rome Italie Méditerranée, n° 109, 1997, p. 895-945.
Mgr Rendu (1842-1859) en consacre 66, Mgr Magnin (1861-1879) 44.
ch.- m. rebord, Dictionnaire du clergé…, op. cit., t. 2, p. 431.