C. « L’Épreuve de la Séparation » : un conflit imposé466 ?

Nous avons vu précédemment les difficultés liées à la nomination des évêques. La querelle du nobis nominavit pourrait être considérée comme l’uns des prémices d’une rupture diplomatique ; celle-ci devenant effective en juillet 1904. Le 4 septembre [1904], Combes dépose un « projet de loi offensif, combattu par une fraction même de la gauche »467 qui ne cache pas sa décision de réorganiser les liens entre l’Église et l’État. Le président du Conseil prévoit le remplacement du Concordat par une loi « fixant unilatéralement le statut de l’Église romaine […] à l’intérieur de l’État »468. En janvier 1905, « l’affaire des fiches » contraint Combes à démissionner. Il est remplacé par Rouvier. C’est sous son mandat qu’est votée la loi de Séparation des Églises et de l’État, le 9 décembre 1905469.

Dès septembre 1905, la Revue du Diocèse d’Annecy rappelle, dans l’article « précaution nécessaire »470, que l’article 11 de la future loi stipule que si aucune célébration n’est faite dans un immeuble du culte pendant plus d’un an, la fermeture pourrait intervenir. La Revue du Diocèse d’Annecy incite donc les prêtres à célébrer d’ici à la fin de l’année une messe ou « tout autre office, dans chacune des églises et chapelles, habituellement hors d’usage, où le culte a le droit d’être célébré »471 ; car il faut se garder de fournir par la négligence « le premier prétexte de spoliation »472. Mgr Campistron demande aux prêtres de bien vouloir dresser la liste des paroissiens qui continueraient le culte473.

La loi est promulguée le 9 décembre 1905, inscrite au Journal Officiel le 11 décembre474, elle entre en application le 2 janvier 1906. Dans un communiqué du 15, l’évêque prescrit que soit prononcée le soir de Noël, dans toutes les églises du diocèse, la formule de consécration au Sacré-Coeur, précédée du Parce Domine, trois fois répété et suivi de la triple invocation Cor Jesu sacratissimum 475 . À l’occasion de la Séparation, l’Ordinaire – comme ses collaborateurs – souligne qu’il ne recevra ni n’enverra aucune carte de vœux, il n’organisera pas de réception officielle à l’occasion de la nouvelle année476.

Notes
466.

Nous reprenons là un titre de Nadine-Josette Chaline, Les catholiques normands…, op. cit., p. 89.

467.

c. sorrel , « Les évêques à l’heure de la Séparation », j.-p. chantin, d. moulinet , dir., La Séparation de 1905…, op. cit., p. 57.

468.

r. remond, a. latreille, Histoire du catholicisme en France…, op. cit., p. 506.

469.

Concernant la loi voir j.-m. mayeur, La séparation de l’Église et de l’État, Paris, Collection Archives Julliard, 1966, 201 p.

470.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 37, 15 septembre 1905, p. 769.

471.

Ibid.

472.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 37, 15 septembre 1905, p. 769.« Gardons-nous bien de leur fournir, par notre négligence, ce premier prétexte de spoliation. »

473.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 36, 8 septembre 1905, p. 750.

474.

ADHS 8 V 7. Dès le 13 décembre, le commissaire de police d’Annecy informe le préfet, « que les archiprêtres et ecclésiastiques se sont réunis l’après-midi même sous la présidence de l’évêque pour étudier la situation financière du diocèse d’Annecy » ; les notaires Rosay et Cette dernière n’est sans doute pas étrangère à la loi.

475.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 50, 15 décembre 1905, p. 1077. Cette initiative est prise suite à l’annonce faite par l’évêché de Paris, que l’archevêque renouvellera le vœu national au Sacré-Coeur fait trente ans plus tôt après le désastre de 1870.

476.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 52, 29 décembre 1905, p. 1125.