c. Les unions paroissiales masculines

Au lendemain de 1905, les diocèses sont contraints de s’organiser pour faire face à la nouvelle situation née de la fin du Concordat. Les directives de Pie X insistent sur « le renouvellement des méthodes pastorales dans un sens plus religieux et plus apostolique ». C’est à ce moment que fleurissent un peu partout en France « d’innombrables conseils paroissiaux et [que des] comités cantonaux se mettent en place »1108. C’est dans ce cadre que naissent les unions paroissiales qui regroupent la « portion choisie et la plus influente de la paroisse »1109 tant pour les hommes que pour les femmes. Le diocèse ne reste pas en marge du mouvement et propose de nouvelles expériences, tant pour les prêtres que pour les fidèles. L’accent est mis sur l’union pour la défense de la religion menacée et la diffusion de la foi1110. Le chanoine Vicquéry rappelle qu’au « temps du Concordat, le prêtre, ministre de la religion d’État, […] s’était réservé tout le souci de la vie religieuse. Le laïque de son côté regardait volontiers la religion comme l’affaire exclusive du clergé », cependant avec les événements de la Séparation, l’état des choses est profondément modifié, et il faut des soutiens au prêtre qui « ne peut plus rien seul », il doit donc se tourner vers les fidèles. Le directeur des œuvres termine en rappelant que désormais « le clergé ne peut rien sans les fidèles et les fidèles ne peuvent rien sans le clergé »1111. Les unions paroissiales se veulent le « contre-pied […] des sociétés républicaines »1112 dont elles jugent nécessaire la destruction ou du moins l’affaiblissement afin de pouvoir vivre et progresser1113. Elles sont créées pour « établir un lien puissant entre les fidèles d’une même paroisse, pour les grouper autour de leur pasteur, pour les intéresser plus vivement à la vie paroissiale et aux œuvres qu’elle produit et qui la fomentent, pour défendre l’Église, comme d’un rempart inexpugnable, contre les attaques de l’impiété et enfin pour réclamer par tous les moyens légaux ses droits imprescriptibles »1114.

Les femmes les plus ferventes mais aussi les plus engagées rejoignent les rangs de la Ligue des femmes françaises, alors que les hommes se groupent dans les unions paroissiales. Une fois par mois, ces unions, qui regroupent les « vrais catholiques de la paroisse »1115, se réunissent sous la présidence du desservant de la paroisse. Quatre fois par année, toutes les unions paroissiales du diocèse se réunissent en congrès des unions. C’est lors du premier congrès diocésain tenu en 1909 que naît cette volonté de réunir régulièrement les meilleurs éléments de la paroisse sous l’autorité du prêtre. C’est à cette occasion qu’on demande que les pères de famille « soient convoqués chaque mois, en une réunion spéciale, dans laquelle leur seront rappelés leurs obligations et leurs devoirs envers leurs enfants »1116. C’est le 10 mars 1910 que les unions paroissiales sont officiellement créées dans le diocèse1117. Le 1er avril, les statuts paraissent dans la Revue du Diocèse d’Annecy 1118. Quelques jours plus tard, Mgr Campistron s’adressant aux fidèles, leur rappelle le besoin urgent de créer ces unions, elles qui sont si « désirable[s] »1119. Ce groupement doit se faire « autour [des] pasteurs, […des] archiprêtres, qui [les] convoqueront dans des congrès particuliers et tous ensemble autour de [l’] évêque qui est [le] chef spirituel »1120. Lors du congrès des œuvres de 1910, seules vingt-cinq paroisses bénéficient d’union paroissiale « sérieusement »1121 constituées. En janvier 1911, elles sont mises sur pied dans cent une paroisses1122. Leur but est bien – à plus ou moins longue échéance – de raviver et de fortifier le sentiment religieux en battant en brèche le respect humain1123.

Qui fait partie des unions paroissiales ? En théorie, elles devraient être composées de tous les membres des confréries, associations, comités, cercles d’études et patronages, auxquels il serait nécessaire d’ajouter les « membres des élites » ainsi que tous les « paroissiens qui pratiquent sincèrement la religion et qui veulent la conserver à leur famille et à leur paroisse »1124. Mgr Campistron souhaite que les personnes qui ont « au cœur l’amour de Dieu et de sa Sainte Église, qui ont souci des intérêts de la terre et de la prospérité de la patrie et qui ne veulent pas négliger la grande affaire du salut de leurs âmes immortelles »1125 s’engagent dans le mouvement. Le desservant est le président de droit de l’union1126. Pour assister le prêtre, un comité est fixé en fonction du nombre de paroissiens ; ses membres sont élus pour trois ans1127. Dans les paroisses de moins de cinq cents habitants, le comité se compose de huit membres, alors que pour celles de plus de cinq cents [habitants], le double est nécessaire. Le secrétaire est obligatoire dans les deux cas, alors que les deux vice-présidents ne sont obligatoires que pour les paroisses importantes1128. Les membres qui sont « au-dessus et en dehors des partis politiques »1129 doivent user de « tous les moyens légaux en leur pouvoir pour défendre et revendiquer les droits nécessaires à la vie normale de l’Église »1130. Il leur est impossible d’apporter leur soutien, en tant que membres de l’union, à un candidat lors d’élections. En revanche, il leur est possible de le faire à titre personnel, mais encore faut-il qu’il soutienne ou du moins défende la religion. Le comité de l’union paroissiale s’occupe des intérêts spirituels de la paroisse, c’est lui qui prépare les réunions et qui doit « apporter lumière et conseils »1131 au prêtre.

C’est au travers de la Revue du Diocèse d’Annecy que les membres trouvent les sujets de réflexion pour leurs réunions mensuelles. C’est ainsi qu’en février 19111132, ils étudient l’ordonnance épiscopale relative à l’interdiction de vente, d’achat et de lecture des mauvais journaux comme Le Progrès de Lyon ou Le Lyon républicain. Cela n’est pas sans rappeler le travail effectué par les femmes de la Ligue pour la bonne presse. Les hommes doivent être bien formés afin d’être « d’utiles auxiliaires du prêtre »1133. Pour cela les réunions doivent être préparées, sans quoi elles risquent de ne pas porter tous leurs fruits. C’est ce que rappelle le curé-archiprêtre de Boëge lorsqu’il déclare que le « directeur doit éviter d’abandonner la discussion à l’improvisation et préparer son programme au moins dans les grandes lignes »1134, s’il a le droit aux notes « prises au hasard de ses lectures » c’est surtout « sa bonne volonté [qui] ne manquera pas d’être couronné de succès »1135. Si l’organisation de réunions mensuelles ne pose pas véritablement de problèmes pour les mois d’hiver, la situation est bien différente pour les mois d’été, principalement juillet et août, qui constituent pour la majorité des diocésains la période des gros travaux des champs. Même si l’Ordinaire souhaite particulièrement que les réunions se fassent aussi régulièrement que possible, il convient qu’il est difficile pour beaucoup d’assister à ces causeries après une dure journée de travail ; il tolère donc que durant les gros travaux elles se fassent moins régulières. Il est important de porter un soin particulier à ces unions paroissiales, car en plus d’être le « prolongement de l’action du prêtre, son aide, sa lumière et son réconfort », elles fournissent « les premiers éléments [des] œuvres de jeunesse »1136. Avec les autres oeuvres (Jeunesse catholique, Ligue des femmes françaises) elles participent à la défense religieuse et c’est également à ce titre qu’elles participent aux congrès diocésains des œuvres.

Notes
1108.

g. cholvy, y.-m. hilaire, Histoire religieuse…, op. cit., t. 2, p. 150.

1109.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 105. Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire rappellent les propos de Pie X : « Qu’y a-t-il aujourd’hui de plus nécessaire pour le salut de la société ? – C’est d’avoir dans chaque paroisse un groupe de laïcs éclairés, vertueux, résolus, vraiment apôtres », in Histoire religieuse…, op. cit., t. 2, p. 151.

1110.

g. cholvy, y.-m. hilaire, Histoire religieuse…, op. cit., t. 2, p. 150.

1111.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 41, 25 novembre 1910, p. 1121.

1112.

Ibid.

1113.

Ibid., p. 1122.

1114.

Ibid., n° 13, 1er mars 1910, p. 293.

1115.

Revue du Diocèse d'Annecy, n° 41, 25 novembre 1910, p. 1120.

1116.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 105.

1117.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 11, 18 mars 1910, p. 253. Toutes les unions paroissiales ne sont pas créées à cette date, la réunion tenue à Annecy permet leur création.

1118.

Ibid., n° 13, 1er avril 1910, p. 299.

1119.

Ibid., n° 11, 18 mars 1910, p. 253.

1120.

Ibid.

1121.

Ibid., n° 41, 25 novembre 1910, p. 1120.

1122.

Ibid., n° 1, 6 janvier 1911, p. 13.

1123.

Ibid., n° 48, 2 décembre 1910, p. 1141. Rapport du curé de Cruseilles lors du congrès diocésain de novembre.

1124.

Ibid., n° 51, 23 décembre 1910, p. 1214.

1125.

Ibid.

1126.

Statuts des unions paroissiales, article 6.

1127.

Ibid., article 7.

1128.

Ibid., articles 5 et 6.

1129.

Ibid., article 9.

1130.

Ibid., article 9.

1131.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 11, 18 mars 1910, p. 255.

1132.

Ibid., n° 5, 3 février 1911, p. 104.

1133.

Ibid., n° 7, 16 février 1912, p. 106.

1134.

Ibid., n° 49, 9 décembre 1910, p. 1171.

1135.

Ibid.

1136.

Ibid.