d. Les congrès diocésains

Au lendemain de la Séparation, les diocèses, forcés de s’organiser pour résister aux différentes attaques, mobilisent les fidèles, « sous la direction de l’Évêque, dans une “action catholique” dont le Pape Pie X fournit la charte dans le contexte italien1137 avec l’encyclique Il fermo proposito »1138. Les laïcs n’agissent pas seuls, ils sont encadrés par le clergé et sous son autorité. Leur action n’est que le prolongement de celle de l’Église. Les membres de l’action catholique sont invités à « une étroite union avec le Christ et l’Église »1139, et le mouvement tend à « instaurare omnia in Christo ».

C’est dans ce cadre qu’il est décidé de réunir annuellement, dans un congrès, toutes les œuvres présentes dans le diocèse. Ces rencontres permettent de dresser un bilan des activités, des effectifs, des difficultés, des attentes et des résolutions à prendre pour mieux avancer. La diversité des orateurs permet également d’élargir les points de vue et montre « le souci de maintenir un équilibre en associant les sensibilités diverses »1140. Entre 1907 et 1914, soixante diocèses au moins tiennent un ou plusieurs congrès diocésains. En même temps qu’ils se multiplient, les congrès se transforment1141. 1908 est l’année « des congrès diocésains »1142, puisqu’à « cette date, presque partout les évêques réunissent leur clergé et leurs meilleurs laïques en vue de reconstituer les œuvres de piété et de propagande, les œuvres sociales et de presse »1143. Le diocèse d’Annecy ne reste pas en marge du mouvement, puisqu’il tient son premier congrès diocésain des œuvres du 24 au 26 novembre 1909, sous la présidence de Mgr Campistron. Cela se fait de façon annuelle jusqu’en 1913, mais seuls les actes du premier congrès sont publiés1144. Les séances ont pour but de travailler sur les « œuvres qui doivent […] constituer ou compléter l’organisme d’une paroisse bien vivante ». C’est pourquoi, les congressistes y étudient « ce qui a déjà été fait dans ce sens, ce qui se fait ailleurs et ce qui nous reste à faire [dans le diocèse]. En tout cela, [ils n’ont] d’autre ambition que de consolider la paroisse par le maintien et le rajeunissement des œuvres anciennes, par la création des œuvres nouvelles qui [leur] sembleront le mieux adaptées aux nécessités du présent, et surtout par l’union de tous les efforts qui s’inspireront de la direction d’un comité diocésain, et qui, de ce fait, recevront une impulsion plus vigoureuse encore »1145.

A cette date, le diocèse compte cinq cent trente-neuf curés, vicaires et aumôniers en activité1146. Ce sont quatre cents d’entre eux qui se rendent à Annecy pour le congrès, soit près des trois quarts. À ceux-là, il faut ajouter plus de six cents laïques, « présidents et membres des différents associations catholiques »1147. Un questionnaire est adressé aux deux cent quatre-vingt dix-sept paroisses pourvues d’un desservant. Toutes semblent avoir répondu, ce qui nous permet de bénéficier de quelques données qui rattrapent les lacunes des archives. Malheureusement nous ne bénéficions que des synthèses. Lors du premier congrès, l’administration diocésaine fait appel à l’abbé Cottard-Josserand, du diocèse de Belley1148, pour venir présenter son rôle et son action pour les œuvres de son diocèse. Les abbés Basquin, pour l’Action Populaire, ou Thellier de Poncheville, pour l’apostolat religieux et social, sont également présents1149. Un certain nombre de résolutions sont prises à l’issue de cette manifestation, comme la création des associations de famille relatives à la défense de la neutralité scolaire ou celle concernant les unions paroissiales. C’est également à ce moment qu’il est décidé de créer un bureau diocésain des œuvres.1150 C’est en novembre 1909, juste avant le début du congrès, que l’abbé Vicquéry, curé-plébain de Flumet est nommé directeur des Œuvres du diocèse1151. Ce choix n’est sans doute pas étranger au fait que l’abbé Vicquéry, vicaire à Saint-Maurice d’Annecy à la fin du XIXe siècle, ait participé activement au développement des œuvres à ce moment. Avec le docteur Payot, il avait pris part à la création du premier jardin ouvrier, qui fut inauguré par l’abbé Lemire1152.

La préface des actes du congrès rappelle que « quelques mois après son arrivée à Annecy, Mgr Campistron avait décidé en principe la tenue d’un Congrès diocésain des Œuvres. “Mais, faisait-il remarquer, il faut préparer ce Congrès de longue main, si nous voulons obtenir de sérieux résultats. Ailleurs, on fait des expériences qui nous serviront. D’autre part, des œuvres se créent dans nos paroisses. […] D’autres essayent du Congrès avant l’Action, chez nous l’Action précèdera le Congrès »1153 . C’est vraisemblablement à partir de cette période, qui correspond aussi nettement à celle des mesures contre l’Église, que les patronages et les groupes d’ACJF fleurissent. La multiplication des œuvres n’est pas sans rapport avec la situation de l’Église à ce moment où les fidèles de tous âges se mobilisent pour la défense de la religion. Il est souhaité que toutes les paroisses bénéficient d’une maison ou d’une salle paroissiale, afin que toutes les œuvres puissent s’y retrouver pour les réunions, et les membres doivent s’y sentir un peu comme chez eux. En 1912, toutes les paroisses ne sont pas encore dotées d’une telle construction1154.

La mise en place d’une administration diocésaine des œuvres1155 est décidée lors de ce congrès. Elle se base sur une structure pyramidale reprenant l’organisation diocésaine traditionnelle. Le bureau diocésain des œuvres est définitivement constitué le 10 mars 1910, au cours d’une réunion tenue à Annecy1156. Son sommet correspond plus ou moins au conseil général de l’évêque. Ce bureau doit se réunir trois fois par an, en février et juin lors d’assemblées particulières, puis en novembre en congrès général des œuvres. Le bureau doit se diviser en quatre commissions, qui se répartissent suivant le type de mouvements et l’âge des adhérents. La première commission regroupe les « pères et mères de familles, les confréries et les écoles »1157 et s’intéresse aux adultes, à l’apostolat et à l’enseignement. La seconde se préoccupe de la jeunesse, la suivante aux « œuvres de presse et œuvres sociales »1158, enfin la dernière est consacrée aux contentieux. Les archiprêtrés devraient ensuite constituer des comités [d’archiprêtrés] correspondant au conseil de l’archiprêtre. Ces derniers doivent se réunir deux fois par an, au cours de congrès qui se tiennent au printemps (février-mars) et à l’automne (octobre-novembre). Ensuite, au niveau de la paroisse, il y a le comité paroissial qui est le conseil du curé, c’est ce comité qui s’occupe des intérêts matériels de la paroisse. C’est lui qui donne « secours et expérience au prêtre pour administrer »1159 la paroisse ; il reprend, en quelque sorte, le rôle des anciennes fabriques. Enfin, l’union paroissiale se préoccupe des intérêts spirituels et moraux de la paroisse, comme nous l’avons vu précédemment. Les unions paroissiales se réunissent quatre fois par année.

Quelles sont les œuvres présentes dans le diocèse en 1909 et les années suivantes ? Les congrès se tiennent de façon annuelle, ce qui permet d’avoir une bonne image des mouvements présents. Nous ne reviendrons pas sur la Jeunesse catholique qui connaît un important essor sous la présidence de Paul Tapponnier. La guerre, même si elle « brise » le mouvement, ne l’anéantit pas. Rapidement, après l’armistice, des groupes se reforment et un nouveau départ permet à nouveau un essor important. Nous ne reviendrons pas non plus sur la Ligue des femmes françaises et les unions paroissiales masculines évoquées précédemment.

Avant de débuter la présentation des œuvres, intéressons nous à « l’action religieuse »1160, ce sont les seuls chiffres que nous possédons pour la période. La moyenne des communions est de cent vingt mille six cent quatre-vingt-treize à Pâques, trente-trois mille sept cent quatre-vingt-quinze aux grandes fêtes, vingt-trois mille quatre-vingt-onze mensuellement1161, et cinq mille cinq cent trente hebdomadairement. Ces chiffres sont sous-estimés puisque beaucoup de prêtres n’ont donné que le nombre global [annuel] de communions dans leur paroisse. Ainsi à Notre-Dame ce sont trente quatre mille communions qui ont lieu chaque année, vingt trois mille pour Saint-Maurice d’Annecy, quatorze mille à La Roche-sur-Foron, sept mille à Lullin, par exemple1162. Le vicaire général Bel rappelle – un constat que nous avons déjà fait – que le devoir pascal est assez fidèlement rempli, même si en ville les hommes le négligent plus que les femmes ; dans les campagnes, les paroissiens semblent plus fidèles à leurs devoirs1163. Suite au décret de la Sainte Congrégation du Concile, du 20 décembre 1905, il est constaté que « le nombre de communions a augmenté dans une notable proportion »1164.

En marge de la pratique religieuse, évoquons les retraites fermées qui sont organisées dans le diocèse pour permettre une meilleure formation de l’élite. Cette œuvre « transforme les âmes, […] accentue la vie chrétienne, […] trempe les caractères, […] décide souvent des vocations, […] jette dans les œuvres et l’apostolat, enfin elle donne les auxiliaires aux prêtres »1165. S’adressant à tous les âges, ces retraites sont inaugurées dans le diocèse en 1910, avec trente retraitants. Dès lors, elles ne cessent d’augmenter : en 1911, ce sont six retraites fermées qui sont organisées réunissant cent six personnes, l’année suivante dix retraites fermées regroupent cent cinquante-six retraitants1166. En 1911, sont organisées des retraites fermées pour les conscrits1167.

Nous avons vu précédemment que les ligueuses devaient s’intéresser aux enfants en vérifiant leurs connaissances relatives au catéchisme. C’est dans ce dessein que se développe la « confrérie diocésaine des catéchistes volontaires »1168. En 1909, elle compte deux cent cinquante-deux catéchistes présentes dans quarante-huit paroisses. L’œuvre n’est établie comme confrérie que dans trois paroisses1169. Elle ne peut pas être fondée dans plus de paroisses car d’après cent cinquante six prêtres, elle serait inutile et ce pour trois raisons : la population de la paroisse n’est pas assez élevée, les enfants assistent régulièrement au catéchisme ou alors les parents prennent soin de faire le catéchisme à leurs enfants. Cinquante-quatre autres prêtres avancent l’indifférence de leurs paroissiens pour la constitution d’une telle confrérie ou l’impossibilité de trouver des personnes pour s’occuper du catéchisme. Enfin certains évoquent le cas de parents qui refusent de laisser leurs enfants à une autre personne que le prêtre pour recevoir l’enseignement du catéchisme. Concernant les adolescents, il existe la communion mensuelle dans deux cent soixante-six paroisses, dans trente et une autres, les prêtres n’ont pas réussi à l’établir.

L’œuvre du respect de la neutralité scolaire se développe en parallèle aux autres organisations. En 1909, elle est établie dans cinquante-trois paroisses. Vingt-neuf sont dans des associations cantonales, et vingt-quatre dans des associations paroissiales. Deux cent dix-neuf prêtres pensent qu’il serait possible d’établir une association cantonale à laquelle leurs paroisses pourraient participer. Pour ces derniers, elle est « le meilleur moyen de faire respecter par les instituteurs la neutralité scolaire »1170. Les desservants qui refusent de voir se constituer une telle œuvre dans leur paroisse sont très largement minoritaires. Ils sont cinq et évoquent les bonnes relations qu’ils ont avec l’instituteur ou les tracasseries qui naîtraient de ces associations. Il semble que ces desservants occupent des postes dans des cantons donnant le plus d’instituteurs, donc vraisemblablement dans l’avant-pays.

En 1909, le mouvement d’action catholique des jeunes gens compte deux mille trois cent quatre-vingt-deux membres1171 répartis sur cent paroisses (soit un tiers des paroisses). Le nombre d’adhérents est légèrement inférieur à celui de 1903, cependant le nombre de paroisses touchées à augmenter (plus vingt paroisses), ce qui laisse donc penser que les dirigeants ont préféré la qualité des jeunes à la quantité.

Les patronages qui sont « l’école de guerre, l’école des arts et métiers »1172 destinés à former des hommes « faits »1173, sont présents dans à peine 20 % des paroisses1174. Les jeunes s’y réunissent une à deux fois par semaine. Ce rythme pouvant être plus fréquent en hiver, période où les travaux agricoles sont moins présents. Un lien existe entre la présence de patronage et l’augmentation du nombre de communions des jeunes gens ; dans 73 % des paroisses où se trouvent un patronage, le nombre des communions « s’est notablement accru »1175. Le dynamisme du patronage influe sur celui des communions. Il ne faut pas non plus omettre le décret de Pie X exhortant à la communion fréquente.

Les cercles catholiques – moins nombreux que les patronages – sont organisés dans vingt-huit paroisses (moins de 10 % des paroisses), avec des réunions mensuelles ou bimensuelles pour vingt et une d’entre elles, alors que pour les sept restantes, les réunions sont quasi hebdomadaires voire même plus suivant les cas. Répondant aux principes des cercles d’études, les jeunes étudient grâce à un certain nombre d’ouvrages mis à leur disposition, comme les brochures de l’Action Populaire de Reims1176, le manuel social de Dehon, ou encore des revues ou des journaux. De façon à pouvoir mieux défendre la religion en cas d’attaques de certains de ces adversaires, certains groupes paroissiaux entraînent leurs membres à la prise de parole en public. Dans sept paroisses1177, ces jeunes sont même capables de faire des conférences sur des sujets d’actualité1178. Il est nécessaire que les jeunes apprennent « à réfuter les objections courantes, ces sottises que sont capables de faire tous les baudets »1179. Ces réunions doivent être des « causeries pratiques »1180.

Les chorales sont également présentes dans un tiers des paroisses1181, vingt-trois d’entre elles bénéficient de fanfares. Ces deux groupements, qui doivent « jouer les airs de la lutte et de l’action »1182, sont réunis au sein de la fédération musicale des œuvres de jeunesse, fondée en juillet 19071183. Elle tient sa première réunion le 9 novembre 1907, à Ville-la-Grand, sous la présidence du vicaire général Cusin1184 ; vingt-neuf délégués y participent, représentant vingt sociétés. Cette fédération comporte un comité et un conseil, le premier décide, alors que le second exécute. Le conseil est composé du représentant de l’Ordinaire, auxquels sont ajoutés deux délégués de chaque société présente dans le diocèse. L’évêque est le président d’honneur du comité, qui pour le reste est élu, et comporte un président, un secrétaire trésorier pour l’ensemble du diocèse, alors qu’ un vice-président et un secrétaire sont élus pour chaque arrondissement. Il est intéressant de souligner que si le président et les vices-présidents sont des laïques, les secrétaires sont toujours des ecclésiastiques1185.

Si les jeunes gens sont au centre des préoccupations des clercs, les jeunes filles le sont encore plus, puisqu’elles seront les épouses et les mères de demain. Ce sont elles qui devront transmettre et promouvoir la foi. Des œuvres comme les Enfants de Marie, société fondée en 1871 par Mgr Magnin1186, ou encore la confrérie du Saint-Rosaire, s’intéressent aux jeunes filles. Moins pieuses, mais tout aussi importantes pour la diffusion de la foi, il y a les écoles ménagères qui se développent petit à petit, notamment sous l’influence des membres de la Ligue des femmes françaises. Les écoles ménagères et les ouvroirs augmentent chaque année1187. Ces œuvres sont importantes pour retenir les jeunes filles à la campagne et dans leurs familles. Elles les préparent à leur future tâche de maîtresse de maison, qui donneront charme et aisance à leur foyer et qui en plus transmettront la foi. En novembre 1913, nous avons recensé vingt-deux écoles paroissiales1188 et une école ménagère ambulante1189.

Vingt-cinq paroisses bénéficient à la fois du patronage, des Enfants de Marie et du Saint-Rosaire1190, alors que trente-cinq n’ont pas de patronages mais possèdent les deux œuvres pieuses citées précédemment. Sept paroisses ne bénéficient d’aucune œuvre pour la jeune fille. La fréquentation des sacrements est bonne dans cent soixante-quinze paroisses (60 %), moyenne dans cent une paroisses (35 %) et nulle dans douze (4,4 %), deux n’ayant pas répondu (0,6 %).

Pour la jeune fille, la confrérie du Saint-Rosaire est établie comme seule œuvre pieuse dans deux cent trente paroisses (77 %). Cette dernière est largement majoritaire, puisqu’elle est établie au total dans deux cent quatre-vingt-dix paroisses (97 %). Pour les adultes, le Saint-Sacrement est la « première des confréries diocésaines »1191. Pour les hommes, elle est établie dans deux cent quarante-sept1192 paroisses (83 %) et compte quatre mille cent vingt-et-un membres1193 dont « l’élite des pères de famille de chaque paroisse »1194. Des réunions annuelles ont lieu dans 57 % des paroisses1195, alors que dans 27 % des cas1196, elles sont bi ou tri annuelles. Enfin dans neuf paroisses (4 %) les rassemblements de confrères ont lieu quatre fois ou plus. Huit paroisses n’ont pas de réunions et vingt-deux prêtres n’ont pas indiqué la fréquence des rassemblements.1197

Pour les femmes, la confrérie du Saint-Sacrement est établie dans deux cent soixante dix paroisses (91 %) ; elle compte onze mille sept cent dix membres1198. Ces chiffres doivent cependant être plus élevés puisque « six curés n’ont pas indiqué de chiffres »1199. Les réunions des consoeurs sont annuelles ou biannuelles dans cent quatre-vingt-seize paroisses (73 %). Elles ont lieu trois à quatre fois par an dans trente-neuf paroisses (14 %), cinq fois ou plus dans dix (3 %), enfin dans trois, il n’y a pas de réunion. Vingt-deux prêtres1200 n’ont pas répondu à la question. Les résultats religieux sont bons dans 69 % des paroisses1201, alors qu’ils sont moyens dans 25 %1202 des cas et nuls dans 6 %1203 des paroisses. Les résultats sont meilleurs pour les femmes que pour les hommes. « Les résultats religieux, communions, assistances aux offices » sont bons dans 55 %1204 des paroisses, alors qu’ils sont moyens dans 34 %1205 et nuls dans 11 %1206. De nombreux hommes « se font encore un honneur de revêtir l’habit blanc »1207. Pour expliquer la décadence de la confrérie dans quelques paroisses, le chanoine Gruffat évoque « l’affaiblissement de la foi, avec sa fille naturelle, l’indifférence »1208, ajoutant que le sentiment purement religieux est difficilement le moteur pour une association. Il suppose alors qu’il serait bon d’adjoindre aux activités des confréries des rôles plus temporels, comme les mutualités ou les syndicats. Les hommes tout en s’occupant du spirituel – par le biais de la confrérie – pourraient s’attacher au temporel ce qui serait nettement plus concret pour beaucoup. Le chanoine invite les congressistes à réfléchir sur une éventuelle réforme des confréries et souhaiterait que les confrères reçoivent une « formation spéciale […] à la piété envers l’Eucharistie et au zèle chrétien »1209. Citons, en marge de la confrérie, la création dans le diocèse de l’Adoration nocturne. Elle est fondée par le capitaine Bessy à peu près à cette période. Au début mars 1909, elle est érigée canoniquement en la cathédrale d’Annecy en même temps que l’Heure sainte 1210 . Le chanoine Rannaud, directeur de ces deux œuvres, rappelle les « résultats heureux qu’elles auront pour la ville et le diocèse tout entier »1211. L’article annonçant cette création termine sur une note d’espoir puisque l’auteur écrit qu’il « n’y a pas, de doute, qu’elles ne soient le point de départ d’une vie chrétienne plus intense et plus vraie chez les hommes qui en feront partie »1212.

Les œuvres économiques et sociales, parmi lesquelles se trouvent les « syndicats, les mutualités, les caisses d’assurance et de prévoyance, les maisons ou secrétariat du peuple, les Jardins ouvriers, les habitations à bon marché »1213, sont créées dans un but apostolique. La plupart des syndicats du diocèse sont agricoles. Flumet en possède même un qui est d’élevage1214. En règle générale, ils s’occupent principalement des services matériels (entrepôts). Quelques-uns sont affiliés à « l’Union du Sud-Est » de Lyon, il s’agit de ceux des paroisses de Fessy-Lully, La Clusaz, Le Grand-Bornand, Les Villards-sur-Thônes Margencel, Minzier, Perrignier, Saint-Sigismond. Il y a aussi le syndicat départemental1215, siégeant place aux Bois à Annecy et présidé par le comte de Villette1216. Ces syndicats sont à leur début, et il est souhaité qu’ils s’intéressent davantage aux cours agricoles, à l’enseignement ménager1217, à la constitution de caisse rurale et d’une mutuelle contre l’incendie. Vingt-quatre « mutuelles incendies » paroissiales se regroupent au sein de l’Union du Sud-Est des syndicats agricoles1218.

En 1896, L’abbé Lemire, député du Nord depuis trois ans, lance la Ligue du Coin de Terre et du Foyer. C’est en 1898 que l’œuvre s’implante dans le diocèse, à la suite d’une conférence donnée par le docteur Cattin1219 aux membres du cercle d’études d’Annecy. Le premier président est le docteur Payot. De 1898 jusqu’à 1904, l’œuvre vivote plus qu’elle ne vit réellement1220. Ce n’est que le 21 octobre 1904 qu’elle se constitue en association loi 1901. Cela lui permet d’acquérir rapidement cinq mille cent cinquante-cinq mètres carrés de terrain, rapidement transformés en quinze jardins ouvriers. Plus tard elle s’occupera de quatre logements de type HBM1221 pour les ouvriers. En décembre 1904, l’association décide de constituer une école ménagère qui servira de modèle à celle créée par mademoiselle Fanget1222. L’œuvre du Trousseau est constituée pour les jeunes filles. En 19071223, une caisse rurale nommée Le Nid est créée par la Ligue. C’est à son initiative qu’en 19081224, les caisses rurales se réunissent pour constituer le « Groupe régional des caisses rurales de la Haute-Savoie »1225 avec un conseil d’administration de vingt-cinq personnes.

Les intérêts de l’Église sont défendus par La Croix de la Haute-Savoie 1226 , L’Indicateur de la Savoie, tous deux publiés à Annecy, L’Union républicaine et l’Indépendant imprimés respectivement à Thonon-les-Bains et Bonneville. Les Ligueuses s’occupent de la diffusion de ces titres, qui font partie de la bonne presse, et auxquels s’ajoutent des titres de la presse nationale. Pour permettre une meilleure diffusion des bons journaux, il y a plusieurs moyens, dont celui de donner à un ami ou un voisin le journal que l’on a lu, soit le déposer dans les boîtes de la bonne presse, afin qu’il puisse profiter à d’autres personnes ; il en existe quatre à Annecy.

La Revue du Diocèse d’Annecy constitue le bulletin officiel du diocèse, et depuis la Séparation un certain nombre de prêtres développent les bulletins paroissiaux. Ces derniers sont présents dans un peu plus de 7 % des paroisses1227. Dans dix-neuf paroisses, il est paroissial et dans trois il est interparoissial1228. L’œuvre des bulletins paroissiaux est constituée1229. Là encore le diocèse se tient dans la mouvance nationale puisqu’en 1909 dans le diocèse de La Rochelle-Saintes il y 12,7 % des paroisses qui sont dotées d’un bulletin paroissial1230 ou encore dans celui de Rouen, où elles sont 6,7 % à en bénéficier, ce qui ne manque pas d’être loué au congrès diocésain de 19101231. Le bulletin paroissial sert à « répéter dans chaque famille ce qu[e le prêtre] n’aurait pu prêcher dans l’église, ce que tous n’auraient pas entendu, parce qu’ils auront été absents »1232. Lors des résolutions et observations, la création d’un sou de la Bonne presse est évoquée. Il serait « une véritable œuvre de la propagation de la foi »1233. À la suite de ce congrès, il semble que plusieurs paroisses se dotent de bulletins paroissiaux. En 1911, c’est l’ancien vicaire de Bellecombe, M. Maison qui crée Dieu et Patrie 1234 . L’abbé Jacquier lance le Guide 1235 à Marignier.

Ainsi à la veille de la guerre, le diocèse se trouve relativement bien pourvu en œuvres, qu’elles soient pour les enfants, les jeunes gens et les jeunes filles, mais aussi pour les adultes. L’administration diocésaine semble bien établie et prête à poursuivre le travail commencé. En avril 1910, l’intention générale de la prière porte sur « l’union et la constance de l’Action Catholique »1236. Même si la guerre ralentie considérablement certaines œuvres, comme celles des jeunes, il n’en demeure pas moins que celles des femmes se poursuit et de façon durable, notamment par la charité (envois de colis, confection de vêtements…), la piété qui est au centre des préoccupations de la Ligue des femmes françaises prend également toute son importance avec le conflit.

Notes
1137.

G. Cholvy et Y.-M. Hilaire rappellent que cette encyclique restée « trop longtemps reléguée dans le contexte italien auquel elle s’applique d’abord, a une vaste portée parce qu’ elle définit les principes de l’action catholique », in g. cholvy, y.-m. hilaire, Histoire religieuse…, op. cit., p. 151.

1138.

c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 27.

1139.

g. cholvy, y.-m. hilaire, Histoire religieuse…, op. cit., p. 151.

1140.

c. sorrel, « Les congrès diocésains après la Séparation », Vingtième siècle, revue d’histoire…, op. cit., p. 95. Annecy accueille par exemple Marius Gonin, l’abbé Thellier de Poncheville ou encore le colonel Keller.

1141.

c. sorrel, « Les congrès diocésains après la Séparation », Vingtième siècle, revue d’histoire…, op. cit.,p. 85.

1142.

Ibid.

1143.

Ibid.

1144.

g. cholvy, y.-m. hilaire, Histoire religieuse…, op. cit., p. 153. « Les actes sont en général édités, et constituent parfois une référence durable pour l’administration diocésaine. »

1145.

« Lettre-circulaire de Mgr l’Évêque d’Annecy annonçant l’ouverture prochaine d’un congrès diocésain des œuvres », in Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 20.

1146.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 6.

1147.

Ibid.

1148.

L’organisation des œuvres du diocèse de Belley est souvent citée en exemple. n. lemaitre, Histoire des curés…, op. cit., p. 336.

1149.

En 1911, c’est Marius Gonin qui prend la parole. Avec le Père Basquin, il est un porte-parole du catholicisme social.

1150.

Mgr Magnin avait constitué en 1876, le bureau diocésain des Œuvres, confiant sa direction au chanoine Ville de Quincy, mais devant la pluralité des œuvres nouvelles, il était nécessaire de revoir et de redéfinir clairement une nouvelle organisation de gestion des œuvres.

1151.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 48, 26 novembre 1909, p. 1136. Il occupe ce poste jusqu’en avril 1914, date à laquelle il est nommé curé-archiprêtre de Boëge. Revue du Diocèse d’Annecy, n° 3, 20 janvier 1944, p. 41.

1152.

Ibid., n° 3, 20 janvier 1944, p. 41.

1153.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 5.

1154.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 1, 3 janvier 1913, p. 10.

1155.

Elle s’inspire largement de l’organisation présentée par l’abbé Cottard-Josserand lors de la première journée du congrès.

1156.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 11, 18 mars 1910, p. 254.

1157.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 51.

1158.

Ibid.

1159.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 11, 18 mars 1910, p. 255.

1160.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 62.

1161.

Ibid.

1162.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 62.

1163.

Ibid., p. 63. « Beaucoup de curés de campagne ont la consolation d’annoncer qu’à peu d’exceptions près, leurs paroissiens sont fidèles à leurs devoirs ».

1164.

Ibid., p. 62.

1165.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 27, 5 juillet 1912, p. 419.

1166.

Ibid., n° 52, 27 décembre 1912, p. 826.

1167.

Ibid., n° 48, 28 novembre 1913, p. 761.

1168.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 56.

1169.

Ibid. Nous ne pouvons donner la liste de ces paroisses, puisque nous ne bénéficions que des synthèses faites à partir des réponses aux questionnaires.

1170.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 57.

1171.

Selon certains prêtres, quelques jeunes font partie de ce nombre sans vraiment être engagés dans le mouvement. Il y a une diminution de 3 % des effectifs entre 1903 et 1909 en même temps que le nombre de paroisses croît de 21 %.

1172.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 146.

1173.

Ibid.

1174.

Soixante paroisses.

1175.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 59.

1176.

Ibid., p. 58.

1177.

Sans doute s’agit-il des mêmes paroisses que les 7 organisant des réunions très fréquentes. Comme nous l’avons déjà souligné, nous ne bénéficions pas des réponses aux questionnaires, il nous est donc impossible de connaître précisément de quelles paroisses il s’agit.

1178.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 58.

1179.

Ibid., p. 147.

1180.

Ibid.

1181.

Cent deux paroisses.

1182.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit.,p. 146.

1183.

AAS. Boîte Campistron. Rapport de l’abbé Charvet, 1911.

1184.

Ibid.

1185.

AAS. Boîte Campistron. Rapport de l’abbé Charvet, 1911.

1186.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 49, 9 décembre 1921, p. 547.

1187.

Ibid., n° 52, 27 décembre 1912, p. 826.

1188.

Publier, Chens, Douvaine, Sciez, Bons, Annecy-le-Vieux, Duingt, Saint-Jorioz, Charvonnex, Viuz-en-Sallaz, La Tour, Saint-Jean-de-Tholome, Nonglard, La Baume, Cran, Saint-Martin, Nancy-sur-Cluses, Alby-sur-Chéran, Annecy, La Clusaz, Le Grand-Bornand et Cruseilles. Concernant ces trois dernières paroisses signalons qu’elles bénéficient de groupes de Jeunesse catholique actifs, comme le rappelait Tapponnier en 1910, lorsqu’il évoquait les membres s’impliquant dans la vie municipale.

1189.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 48, 28 novembre 1913, p. 760.

1190.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 59.

1191.

Ibid., p. 82.

1192.

Ibid., p. 82. Le chanoine Gruffat parle de 233 paroisses, en revanche le nombre de membres ne varie pas. Nous avons donc conservé le chiffre présenté par le vicaire général Bel, qui est de 247 paroisses.

1193.

En moyenne cela correspond à plus ou moins 17 membres par paroisse.

1194.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 82.

1195.

Cent quarante-deux paroisses.

1196.

Soixante-six paroisses.

1197.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 60.

1198.

Ibid. Soit en moyenne quarante-trois membres par paroisses.

1199.

Ibid.

1200.

Sans doute s’agit-il des mêmes prêtres qui n’ont pas renseigné le questionnaire sur la fréquence de la réunion des confrères.

1201.

Cent quatre-vingt-sept paroisses.

1202.

Soixante-huit paroisses.

1203.

Quinze paroisses.

1204.

Cent trente-six paroisses.

1205.

Quatre-vingt-cinq paroisses.

1206.

Vingt-six paroisses.

1207.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 60.

1208.

Ibid., p. 84.

1209.

Ibid.,p. 94.

1210.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 12, 19 mars 1909, p. 275

1211.

Ibid.

1212.

Ibid.

1213.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 207

1214.

Ibid., p. 222

1215.

Il est intitulé Haute-Savoie – Annecy.

1216.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 223.

1217.

Nous retrouvons ici ce que la JAC mettra à son programme.

1218.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 226.

1219.

AAS. Boîte Mgr Campistron. Statuts des jardins ouvriers, 1925, p. 4.

1220.

Ibid.

1221.

Habitat Bon Marché.

1222.

Cette école ménagère est ambulante.

1223.

La Croix de la Haute-Savoie, 1er décembre 1907. La caisse rurale des jardins ouvriers d’Annecy se nomme Le Nid.

1224.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 12, 28 mars 1908, p. 276-277. Lors du congrès des caisses rurales, tenu en mars 1908, les paroisses présentes sont : Cuvat-Ferrières, Dingy-Saint-Clair, Grand-Bornand, Manigod, Les Villards-sur-Thônes, Groisy, Cranves-Sales, Fessy, Perrignier, Margencel, Boëge. Ce groupe est « une heureuse décentralisation de “l’Union des Caisses rurales et ouvrières de France” ». Le président est M. Durand.

1225.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 224.

1226.

Ibid., p. 197. « La Croix de la Haute-Savoie est dans sa 18e année, elle commença modestement, sur une simple feuille, par l’initiative et le travail du bon M. Eugène Tissot, ingénieur ». En 1909, son tirage est de huit mille exemplaires.

1227.

Depuis 1907, Amancy bénéficie d’un bulletin paroissial. Annecy-le-Vieux en bénéficie également en 1909 (Revue du Diocèse d’Annecy, n° 14, 2 avril 1909, p. 324). Il est peu aisé de dresser la liste des paroisses bénéficiant de bulletins puisque les archives diocésaines n’ont aucune collection de bulletins, de même que les archives départementales où le dépôt semble avoir été fait de façon aléatoire.

1228.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 62.

1229.

Ibid., p. 202. Citons l’exemple du desservant de Saint-Eustache qui crée son bulletin paroissial le 19 février 1910. Il l’appelle L’ami des familles de Saint-Eustache.

1230.

j.-ph. bon , Le diocèse de La Rochelle-Saintes…, op. cit., p. 193. Il y a plus ou moins 60 paroisses qui sont dotées d’un bulletin paroissial.

1231.

n.-j. chaline, Les catholiques normands…, op. cit., p. 117. Il y a 51 paroisses qui bénéficient de bulletins.

1232.

L’ami des familles de Saint-Eustache, 26 février 1910.

1233.

Congrès diocésain des Œuvres 1909, op. cit., p. 204.

1234.

L’ami des familles de Saint-Eustache, 14 janvier 1911.

1235.

Ibid., 2 décembre 1911.

1236.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 12, 25 mars 1910, p. 276.