C. Affrontements

a. Modernisme et intégrisme

Le 3 juillet 1907, le Saint Siège publie le décret Lamentabili qui réprouve et proscrit une liste de soixante-cinq propositions jugées erronées par Rome. La plupart sont extraites des écrits d’Alfred Loisy, un exégète, dont cinq ouvrages étaient à l’Index depuis 19031291. Ces erreurs portent sur le droit de la bible, la révélation chrétienne et la nature des dogmes, l’Incarnation et la Rédemption, l’institution des sacrements et de l’Église par le Christ. Des ressemblances ont pu être perçues entre ce décret et le Syllabus de 1864. Alors que celui-ci avait accompagné une Encyclique, le décret Lamentabili précède l’Encyclique Pascendi, parue le 8 septembre 1907. Cette dernière condamne solennellement le modernisme « collecteur de toutes les hérésies » et dresse une sorte de portrait robot du moderniste.

Le modernisme n’a pas véritablement de réseau, il n’a pas de structure comme un mouvement politique, par exemple. Pour mieux comprendre cette crise qui touche la France à la période de la Séparation – comme d’autres pays européens1292 – il faut remonter dans le dernier quart du XIXe siècle. Un certain nombre d’intellectuels, parmi lesquels des ecclésiastiques, mettent au service de l’enseignement de l’Église les apports des différentes sciences élaborées tout au long du siècle. Les sciences auxiliaires de l’histoire, comme l’archéologie, la paléographie ou la philologie, incitent un certain nombre d’auteurs à revoir l’histoire du christianisme en étayant leurs propos sur des faits avérés grâce à ces nouveaux apports. C’est ainsi une remise en question de l’enseignement dispensé pendant des siècles qui se trouve à l’origine du modernisme. Pendant longtemps l’Église a vécu en dehors de son temps, un peu comme dans un vase clos, ne s’intéressant pas ou peu aux avancées faites dans le monde qui l’entourait.

En 1875, la loi donnant la liberté d’enseignement au supérieur est votée. Suite à cette promulgation, cinq Instituts catholiques sont fondés. De jeunes « savants » y enseignent et font des émules. C’est au tournant du siècle que l’affaire éclate. L’un des symboles du modernisme, même s’il n’est ni le premier ni le seul à être considéré comme tel par ses contemporains, est Alfred Loisy. L’Église a peur du modernisme car il risquerait de lui faire perdre une partie de ses fidèles, même si la majorité de ceux-ci ne suivent les débats qu’avec un certain décalage. Le modernisme n’est pas un problème franco-français, mais il est vrai que sa condamnation se retrouve à une période charnière de l’histoire de l’Église de France : deux ans après la Séparation, trois ans avant la condamnation du Sillon. Les modernistes s’opposent aux intégristes qui luttent pour diffuser le plus largement possible les enseignements pontificaux.

Mgr Campistron traduit lui-même en français le décret Lamentabili, qu’il fait paraître dans la Revue du Diocèse d’Annecy du 26 juillet 1907. Un second article du 2 août souligne qu’il est « inutile de déclarer […] avec quelle filiale et absolue soumission de la rédaction de la Revue sera empressée de suivre toujours ces nouvelles directions pontificales »1293. Si cette phrase peut paraître fréquente dans ce genre de situation (l’obéissance à l’autorité), il n’en reste pas moins qu’elle peut aussi laisser entrevoir l’attitude du directeur de la Revue qui sera l’un des diffuseurs des thèses intégristes dans le diocèse. Un article de l’abbé Gaudeau1294, professeur à l’Institut catholique, publié dans La Croix, rappelle que l’Église ne condamne pas tout ce qui est moderne mais que les soixante-cinq erreurs condamnées par Pie X sont « les audaces folles d’une exégèse faussée et scientifique parce que viciée par une mauvaise méthode de pensée »1295, ce sont celles du « relativisme, du subjectivisme en un mot du kantisme »1296.

Ce n’est que dans le numéro du 9 août que Mgr Campistron s’exprime clairement à propos du modernisme1297. Il propose le décret Lamentabili comme « une règle de croyance qui devra être suivie par tous [ses] prêtres et [ses] fidèles diocésains »1298. Après avoir rappelé qu’il a « mis en garde plus d’une fois […] notamment lors des retraites pastorales contre les hardiesses et audacieuses témérités de certains novateurs et d’une manière générale contre le modernisme »1299, il déclare qu’après la clarification de la situation, faite par Rome, il espère de tout cœur que les « novateurs […] ouvr[iront] enfin les yeux, qu’ils reconnai[tront] loyalement leurs erreurs et qu’ils rentre[ront] au Bercail où le Pasteur suprême les recevra comme des brebis perdues mais heureusement recouvrées »1300. La Revue du Diocèse d’Annecydu 13 septembre annonce la parution prochaine d’une Encyclique condamnant le modernisme1301. C’est l’occasion – pour l’autorité – de rappeler qu’il est « impossible de se dire moderniste et de rester catholique »1302. Il ne semble pas avoir eu dans le diocèse de départ de prêtres.

L’évêque prend des mesures avant même les condamnations pontificales. Dans son rapport ad limina de 19121303, il déclare avoir « écarté de leur charge d’enseignement »1304 quatre maîtres qui s’éloignaient de la « vraie doctrine » en les expulsant du séminaire. Ces changements se font à la fin de l’année 1905 et au début de 19071305. Ne possédant pas les noms de ces professeurs, nous avons recherché parmi le corps enseignant ceux qui seraient susceptibles de correspondre à ces changements. Le premier est nommé vicaire en paroisse à la fin de l’année 1905. Les trois autres sont – officiellement – victimes d’une restructuration du corps enseignant suite au déménagement du séminaire à Chens. L’étroitesse des locaux entraîne l’impossibilité d’accueillir tous les professeurs, qui deviennent peut-être aussi trop nombreux par rapport au nombre d’élèves1306. Nous pouvons alors nous demander pourquoi ne pas avoir choisi les prêtres les plus âgés ? Si ce choix n’a pas été fait, c’est donc bien que les trois prêtres cités précédemment sont suspectés de modernisme et qu’ils sont éloignés de l’enseignement pour ne pas faire d’émules. En ce qui concerne les séminaristes, nous ne sommes pas en mesure de dire si certains ont été retirés de l’établissement à cause de sympathie pour les idées modernistes1307. Il est intéressant de s’arrêter sur les quatre professeurs qui ont été placés dans le ministère paroissial. Ils ont tous fait leur entrée au séminaire au temps du supériorat du chanoine Ville de Quincy. Deux sont allés à Rome, et un à Lyon1308, pour faire leurs études. Le plus âgé est l’abbé Chaumontet. Né en 1862, il est ordonné en 1885. L’abbé Belleville né en 1868 devient prêtre en 1892, enfin les deux derniers nés en 1872, sont ordonnés en 1895. Qui sont ces quatre professeurs placés dans le ministère paroissial ?

Seul le premier professeur expulsé, l’abbé Humblot, n’a pas fait d’études à l’extérieur du diocèse. Ordonné en 1895, il est vicaire à Boëge jusqu’en 1898, date à laquelle il est appelé au grand séminaire pour y enseigner la philosophie et le dogme fondamental. Jusqu’en 1900, il partage cette charge avec l’abbé Belleville. Renvoyé en décembre 1905, il est nommé vicaire à Seyssel où il reste jusqu’en 1907. À cette date, il est nommé à Sciez où il reste jusqu’à sa mort en 1924. Cette paroisse peu pratiquante est assez difficile pour un prêtre.

L’abbé Belleville, quant à lui, est vicaire pendant trois années (1892-1895) avant de partir à Rome pour y obtenir un doctorat de théologie. À son retour en 1898, il entre au grand séminaire. Il y occupe la chaire de philosophie et de dogme fondamental ; en 1900 il prend celle d’histoire ecclésiastique. Cette dernière, précédemment occupée par l’abbé Pissard, est laissée vacante par sa nomination au poste de vicaire général de Mgr Isoard puis à celle de vicaire-capitulaire1309. Lorsqu’il quitte le séminaire, l’abbé Belleville est nommé curé de Chilly, petite paroisse du Val des Usses. D’après le chanoine Berthoud, Belleville aurait été « sorti du séminaire pour accointance avec le mouvement de Sangnier »1310. Cela n’est pas totalement impossible, puisque nous savons qu’à la même période, un autre prêtre propagandiste du mouvement est nommé dans une petite cure chablaisienne.

Il est intéressant de souligner qu’aucun des prêtres retirés du séminaire – à l’exception de l’abbé Chaumontet – n’est nommé à la tête d’un archiprêtré. C’est donc bien en punition qu’ils sont nommés dans le ministère paroissial. L’abbé Pernoud découvre en 1907 l’expérience de la paroisse. Bachelier ès-sciences en 1881, il est docteur en théologie à Lyon en 1897, puis vice-chancelier de 1897 à 1900, date à laquelle il est appelé au séminaire pour enseigner conjointement à l’abbé Humblot, la philosophie et le dogme fondamental.

Le dernier des prêtres soupçonnés de modernisme est l’abbé Chaumontet, professeur de droit canon. Il est le seul à être nommé à la tête d’un archiprêtré ; il est vrai qu’il est aussi le plus ancien de ces quatre professeurs. Rappelons qu’il a été refusé au poste de vicaire général par l’administration civile. En 1907, il est nommé à Alby-sur-Chéran, archiprêtré de l’avant-pays, qui donne sans doute plus d’instituteurs que de prêtres. L’abbé Chaumontet, ordonné en 1885, part à Rome l’année suivante, où il devient docteur en philosophie et en théologie, licencié en droit canon. En 1888, de retour dans le diocèse, il est successivement vicaire à Villaz et Annecy-le-Vieux. C’est en 1892, l’année de l’arrivée du chanoine Ville de Quincy à la direction du séminaire, qu’il est nommé professeur de philosophie. Suivant les années, il enseigne le Dogme spécial (1898) ou la morale (1899), tout en conservant la chaire de droit canon entre 1894 et 1907. S’adressant au chanoine Rebord, alors qu’il écrivait son dictionnaire du clergé, il lui rappelle qu’il fut compris « dans le nombre de ceux qui ne devaient pas rentrer au Séminaire »1311. Il poursuit ainsi : « Pourquoi ? Je n’ai pas eu à le demander et je dois croire que ce fut pour des motifs très légitimes imposés par les circonstances. Mais alors une administration simplement bienveillante tient à cœur de ne pas oublier celui qui fut victime de ces circonstances et de corriger le plus possible la brutalité des événements. Moi, je fus nommé à Alby-sur-Chéran, Mgr ne connaissait pas Alby-sur-Chéran, ses conseillers le connaissent »1312. Il termine en soulignant qu’il souffre de cette nomination et que ce n’est pas là le poste qu’il espérait occuper vu son niveau d’études et son ancienne fonction de « promoteur de la foi », qui lui promettait le canonicat honoraire. Faut-il voir une punition dans cette nomination à la tête d’une paroisse peut pratiquante? Sans doute, l’archiprêtré d’Alby-sur-Chéran ne fait pas partie des meilleurs du diocèse, d’ailleurs certaines de ses paroisses connaissent des poussées d’anticléricalisme.

L’abbé Chaumontet ne peut pas écrire au vicaire général – qui était aussi le supérieur du séminaire en 1907 – qu’il sait que son retrait du séminaire est sans doute dû à des idées modernistes. Sa lettre est peut-être aussi destinée à rappeler à l’entourage de l’évêque qu’il attend une nomination meilleure selon lui. Peut-être ne professait-il pas de telles idées, mais comme à cette époque tout le monde était suspect, a-t-il été simple victime d’une suspicion ? Sa lettre laisse supposer qu’il a été évincé du séminaire et que pour compenser cette situation, il aurait dû être nommé dans une bonne paroisse, mais la réalité fut toute autre, ce qui laisse donc bien penser qu’il a été à Alby-sur-Chéran en punition. D’après le chanoine Berthoud, l’abbé Chaumontet aurait également été proche des idées du Sillon1313.

Nous avons dit précédemment que l’évêque rappelait à ses prêtres et à ses fidèles que ceux qui s’étaient fourvoyés en se rapprochant du modernisme, pouvaient revenir à l’Église, et que reconnaissant leurs fautes, ils pourraient reprendre des activités normales. Il est intéressant de souligner, que l’abbé Pernoud, quitte le séminaire en février 19071314 pour être nommé dans une petite paroisse1315. En 1909, il écrit un ouvrage sur les manuels condamnés. Ce dernier reçoit les félicitations de l’Ordinaire1316. Comprenant rapidement que la presse joue un rôle sur les fidèles, il fait partie des premiers à créer un bulletin paroissial. Dès l’été 1907, il dote Amancy d’un bulletin de liaison permettant d’informer les paroissiens et de les former à la réflexion. Pour lui, il s’agit là d’« une des meilleures œuvres d’apostolat »1317. Ses premiers articles portent sur la famille, l’école et le droit des parents quant au regard qu’ils doivent porter sur le respect de la neutralité scolaire.

En 1910, le Pape demande aux évêques de faire prêter à leur clergé un serment anti-modernisme1318, comportant pas moins de vingt-six pages. Dans le diocèse, les prêtres le prêtent probablement. Ici, comme à Rouen, ils font « acte d’obéissance, et si certains, peut-être, gardent au fond d’eux-mêmes quelque sympathie pour ces théories, tous prêteront le serment antimoderniste exigé désormais »1319. Le 24 février 1911, Mgr « rappelle [aux] Curés et [aux] aumôniers que les prêtres et religieux étrangers au diocèse, invités à prêcher ou à confesser dans leurs églises ou chapelles, doivent être munis d’un certificat établissant qu’ils ont prêté le serment antimoderniste entre les mains de leur Évêque ou leur Supérieur »1320. L’Ordinaire craignant sans doute que des prêtres viennent dans son diocèse présenter des idées condamnées par Rome.

En réponse au mouvement moderniste, un réseau secret se constitue à Rome sous l’impulsion de Mgr Benigni. Il prend le nom de Sodalitium Piantum (Sodalité Saint Pie V), plus connu sous le nom de Sapinière. Ce réseau international a pour but de dénoncer les « ennemis du dedans », c’est-à-dire les modernistes et tous ceux qui seraient tentés par le non-respect des directives romaines. L’intégrisme connaît sans doute un certain écho dans le diocèse. Nous ne connaissons pas clairement les opinions de Mgr Campistron, mais il ne semble pas être véritablement intégriste ; en revanche l’abbé Ogier, rédacteur de la Revue du Diocèse d’Annecy est en contact avec la Sapinière de Mgr Benigni1321. Le journal à mouvance catholique L’Indicateur de la Savoie 1322 n’est pas non plus indifférent aux thèses intégristes. Cet hebdomadaire, dirigé par Jean Niérat1323, est diffusé dans les deux départements Savoyards jusqu’en 1914. Jusqu’à la Séparation, L’Indicateur est plutôt conservateur mais sans plus. C’est après 1905 et progressivement qu’il devient « au long des pages, le pourfendeur du sillonnisme et de tous les modernismes »1324. En novembre 1911, un article rappelle que « le catholicisme intégral et l’obéissance au Pape et à l’évêque n’admettent pas la diminution de la vérité et les compromissions que dictent les convenances et les circonstances. Obéir au Pape, c’est aller droit son chemin, et ne jamais dévier. C’est être toujours et quoi qu’il en coûte fils de l’Église »1325. Au printemps 1911, le royaliste1326 Dom Besse donne, dans l’ancienne église Saint-François à Annecy, une conférence sur le thème : « Libéralisme et démocratie »1327. Ce sont près de six cents personnes qui assistent à la conférence, dont une cinquantaine de prêtres. Parmi les personnalités présentes se trouvent Mgr Campistron, Paul Tapponnier, Sauthier-Thyrion ou encore des royalistes comme le comte de Guigné (père de Jacques) ou encore de Charrette, le beau-père de Jacques de Guigné. Au cours de la causerie, un parallèle est fait entre saint François de Sales et la situation actuelle de l’Église. Dom Besse rappelle qu’il réfutait « avant la lettre du libéralisme et des succédanées : le Modernisme et le sillonnisme »1328. Concernant la presse catholique, l’abbé Lavorel, directeur de La Croix de la Haute-Savoie – depuis le « renvoi de l’abbé Mossuz en 1905 –résiste aux tentations intégristes, ne laissant pas les thèses pénétrer son journal ». De la même façon, il s’oppose dès avant la guerre à l’Action française1329.

Les thèses intégristes sont également relayées par le directeur de la Revue du Diocèse d’Annecy, l’abbé Ogier. La Revue, comme L’Indicateur de la Savoie,publie plusieurs références à Joseph de Maistre. Nommé à ce poste en 1904, l’abbé Ogier1330 démissionne, officiellement pour raison de santé1331, en mars 19131332. Cependant, tout laisse penser qu’il est mis en retraite par décision de l’évêque sans doute à cause de ses positions intégristes et de ses relations avec la Sapinière. L’archevêque de Chambéry, Mgr Dubillard, est président de la ligue sacerdotale internationale Pro Pontifice et Ecclesia. Cette ligue lancée par le P. Chiaudano1333 se « propose de lutter contre le libéralisme catholique et le modernisme par la promotion de “journaux intégralement pontificaux” »1334. Son but est également de « briser l’isolement » de Pie X et de « diffuser les encycliques hostiles au libéralisme et au modernisme »1335. C’est pour l’aider dans sa tâche, qu’en 1912, Mgr Dubillard1336 fait appel à l’abbé Ogier comme secrétaire général et comme responsable de la revue Acta Sodalitatis Sacerdotalis Internationalis Pro Pontifice et Ecclesia 1337 , imprimée à Annecy. En octobre 1912, la Revue du Diocèse d’Annecy publie un appel de l’archevêque qui recommande « vivement l’institution de cette œuvre internationale qui a pour but de promouvoir le plus parfait dévouement au Saint-Siège parmi les prêtres. [Mgr Dubillard a] examiné cette œuvre pour repondre au desir du saint pere et [il] la regarde comme véritablement providentielle pour le temps présent »1338. En mai 1913, les statuts de la Ligue Pro Pontifice et Ecclesia sont publiés dans la Revue du Diocèse d’Annecy. Ils sont accompagnés de deux lettres adressées au Cardinal Dubillard, respectivement par Pie XI et son secrétaire d’État, Merry del Val1339.

Si jusqu’en 1913, Mgr Campistron ne dit rien sur les activités du directeur de la Revue, à cette date, le ton change et Ogier est remplacé par le chanoine Moccand à la tête du bulletin diocésain. Pourquoi ce changement d’attitude de la part de Mgr Campistron ? Est-ce en rapport avec sa visite ad limina  et sa rencontre avec Mgr Merry del Val, qui est lui-même en opposition avec Mgr Benigni1340 ? Il faut tout de même souligner que Mgr Campistron prend une initiative qui va à l’encontre de son archevêque. Il choisit de relever de ses fonctions de directeur de la Revue du Diocèse d’Annecy, celuiqui est aussi secrétaire général d’un organisme présidé par l’archevêque. De plus, ce prêtre avait sans doute acquis un certain respect dans le diocèse, puisque c’est lui qui se porte acquéreur des bâtiments des franciscaines de Tessy et qui les met à la disposition du grand-séminaire1341. Le renvoyer, c’est également ne pas tenir compte de ce geste qui a permis aux séminaristes de se rapprocher d’Annecy et de bénéficier d’une installation meilleure que celle de Chens. Cet achat est effectué le 5 juin 1912, l’année même où Ogier devient secrétaire de la Ligue Pro Pontifice et Ecclesia et moins d’un an avant sa « démission »1342 de la direction de la Revue du Diocèse d’Annecy.

Le 1er mars 1914, l’abbé Ogier se plaint qu’ils sont « découverts [… et que] l’évêché fait ouvertement campagne contre » eux, que « mot d’ordre est donné au clergé de se désabonner et de faire se désabonner les fidèles » de L’Indicateur de la Savoie 1343 . Ce journal s’étant adressé à Rome afin d’obtenir son jugement, reçoit un autographe de Pie X qui le félicite, louant son « énergie dans le bon combat de la foi »1344. L’abbé Ogier est fait camérier d’honneur du Saint-Père le 11 mars 19141345, presque un an jour pour jour après son renvoi de la Revue. Il sera également directeur de la Ligue 1346 .

Mgr Campistron semble prendre par deux fois des mesures précédant celles de Rome. En 1905 et 1907, il éloigne de l’enseignement des professeurs qu’il juge suspects de modernisme. En 1909, soit un an avant Rome, il condamne le mouvement silloniste.

Notes
1291.

Loisy écrit son ouvrage en réponse à L’essence du christianisme du théologien allemand Adolf von Harnack.

1292.

En Allemagne, les modernistes sont principalement anti-ultramontains. Au Royaume-Uni, il fait appel à une inspiration protestante. En Italie, il assimile « les idées venues de l’étranger sans acquérir une véritable originalité intellectuelle. » adansette, Histoire religieuse…, op. cit., p. 439.

1293.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 31, 2 août 1907, p. 727.

1294.

Il sera également un des diffuseurs de l’intégrisme.

1295.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 31, 2 août 1907,, p. 729.

1296.

Ibid.

1297.

Son texte est daté du 3 août depuis sa résidence de Monthoux.

1298.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 32, 9 août 1907, p. 749.

1299.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 32, 9 août 1907, p. 749.

1300.

Ibid., p. 749-750.

1301.

L’Encyclique Pascendi paraît le 8 septembre.

1302.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 37, 13 septembre 1907, p. 874.

1303.

Rapport ad limina 1912. Document communiqué par M. Ch. Sorrel.

1304.

Ibid.

1305.

Nous ne sommes pas en mesure de dire si les élèves du séminaire ont été touchés par la crise moderniste, comme c’est le cas à Rouen, où Nadine-Josette Chaline rappelle que certains ont été « frappés d’exclusion ». Nous en avons trouvé un qui ne rentre pas le 5 février 1907 à Chens. Est-ce sa volonté, est-ce celle de la direction ?

1306.

Cf. supra, p. 83-84.

1307.

Mgr Campistron ne l’évoque pas dans sa visite ad limina. De plus nous n’avons pas trouvé d’élèves renvoyés pour cette cause, à cette date, il y a des départs de séminaristes, mais sont-ils en lien avec le modernisme ?

1308.

Nous pouvons nous demander si le « modernisme » ne touche pas qu’une certaine frange « éclairée » du clergé ? Étant, souvent, allé en dehors du diocèse pour leur doctorat n’ont-ils pas été plus ouverts que les autres à ces questions ? L’abbé Pernoud, qui a fait une partie de ses études à Lyon, est licencié ès-sciences, nous pouvons donc nous demander s’il n’a pas été influencé par les avancées et le contexte scientifique ?

1309.

L’abbé Pissard n’ayant pas pu être gardé comme vicaire général demande à retourner dans le ministère paroissial. Il est alors nommé à Ville-en-Sallaz.

1310.

Entretien avec le chanoine Berthoud (ordonné en 1937), le 13 novembre 2006.

1311.

AAS. Boîte Rebord, Dictionnaire du clergé, n° 12. Lettre de l’abbé Chaumontet au chanoine Rebord, 2 juillet 1918.

1312.

Ibid.

1313.

Entretien avec le chanoine Berthoud, le 13 novembre 2006.

1314.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 8, 24 février 1954, p. 112. « Et quand, il en sortit du grand séminaire, en 1907, il donna l’un de ces exemples d’obéissance simple, droite, totale, dont le souvenir, toujours d’actualité, doit rester une lumière. Il allait d’ailleurs compléter sa formation pastorale et préparer ainsi le sage équilibre de ses conseils et la solidité de ses initiatives à venir ».

1315.

Il s’agit de la paroisse d’Amancy.

1316.

En 1927, il est choisi comme vicaire général. Lui qui a été expulsé du séminaire sans doute à cause du modernisme y revient comme supérieur en 1922.

1317.

n.-j. chaline, Les catholiques normands…, op. cit., p. 117.

1318.

Les candidats au sacerdoce doivent le prêter jusqu’en 1967. e. fouilloux , « Christianisme », Histoire du christianisme…, op. cit., t. 12, p. 152.

1319.

n.-j. chaline, Les catholiques normands…, op. cit., p. 113.

1320.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 8, 24 février 1911, p. 176.

1321.

c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 28.

1322.

e. poulat, Intégrisme et catholicisme intégral…, op. cit., p. 69. Ce journal fondé en 1879 s’arrête en 1914.

1323.

c. sorrel , Les catholiques…, op. cit., p. 271. Au moment de son décès en 1915, la Revue du Diocèse d’Annecy « remplit un devoir de justice et de reconnaissance » envers Niérat en rappelant qu’il était « un ardent patriote, citoyen d’une loyauté qui ne tergiverse jamais avec le devoir et qui est par-dessus tout un chrétien fervent et instruit ». Revue du Diocèse d’Annecy, n° 34, 20 août 1915, p. 404.

1324.

c. sorrel , Les catholiques…, op. cit., p. 271.

1325.

L’Indicateur de la Savoie, 25 novembre 1911. Article de Ignotius.

1326.

Ibid., 16 septembre 1911. Il est membre de l’Action française. À partir de 1910, il signe sous le pseudonyme Jehan, la chronique religieuse de France de L’Action française. Thomas Roman dans la présentation qu’il fait du livre de Jacques Prévotat sur Les Catholiques et l’Action française… écrit que Dom Besse est un « véritable agent recruteur » pour le mouvement de l’Action française. URL : http://www.parutions.com/pages/1-4-7-2703.html. Site consulté le 13 décembre 2007.

1327.

L’Indicateur de la Savoie, 6 mai 1911.

1328.

Ibid.

1329.

c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 267.

1330.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 9, 4 mars 1921, p. 90. L’abbé Ogier fait partie des dix-sept premiers membres de l’Adoration Nocturne d’Annecy, association fondée en 1908. Pour des raisons que nous ne connaissons pas, il quitte l’œuvre, probablement avant la guerre. Pourquoi la quitte-t-il ? Est-ce en rapport avec ses positions intégristes ? Est-ce suite à son renvoi de la direction de la Revue ; ou est-ce pour raisons de santé ?

1331.

L’entrefilet publié dans la Revue n° 11 du 14 mars 1913 souligne que c’est « en raison du travail que lui imposent ses fonctions de secrétaire de la Ligue Pro Pontifice et Ecclesia et aussi les ménagements qu’exige sa santé que M. l’abbé Ogier a présenté sa démission … à Mgr qui l’a accepté et l’a remercié du soin et du dévouement qu’il avait mis à remplir cet emploi ». Revue du Diocèse d’Annecy, p. 165-166.

1332.

Il est remplacé par le chanoine Moccand, ancien vicaire général de Mgr Isoard et ancien vicaire capitulaire. Revue du Diocèse d’Annecy, n° 11, 14 mars 1913, p. 166.

1333.

c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 168.

1334.

Ibid., p. 311.

1335.

Ibid., p. 168.

1336.

Il est fait cardinal en 1911.

1337.

c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 311.

1338.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 42, 18 octobre 1912, p. 660-661.

1339.

Ibid.,n° 22, 30 mai 1913, p. 344-347.

1340.

En 1911, suite à un différend entre les deux hommes, Mgr Benigni démissionne de son poste de Sous-secrétaire de la congrégation des Affaires ecclésiastiques.

1341.

Cf. supra, p. 84.

1342.

Officiellement, il donne sa démission pour raison de santé, il meurt en 1941.

1343.

c. sorrel, L es catholiques…, op. cit., p. 274.

1344.

Ibid.

1345.

c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 311.

1346.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 6, 6 février 1936. Il est alors rappelé que les personnes intéressées par la Ligue doivent s’adresser au chanoine Cuttaz, supérieur du grand séminaire.