b. Mgr Harscoüet

L’amitié complice entre Florent du Bois de La Villerabel et Raoul Harscoüet1939, de trois ans son aîné, naît presque sur les bancs de l’école, au temps où ils s’amusaient « à dire la messe [ou] même à chanter les vêpres »1940. Tous deux briochins et de familles nobles vivent la perte prématurée d’un parent1941. Ils fréquentent le collège Saint-Charles, où ils effectuent de solides études, avant que leurs routes ne se séparent pour se retrouver à nouveau. Raoul Harscoüet doit sa vocation à deux personnes : le directeur de Saint-Charles, le R.P. Lebon, qui lors de sa première grand-messe en 1885, émut profondément l’élève. Au jour de son élévation à l’épiscopat, l’élève reconnaît à son ancien supérieur qu’il est « le père de [sa] vocation »1942. La seconde personne n’est autre qu’André du Bois de La Villerabel, qui, par les récits de sa vocation, influence beaucoup celle de Raoul Harscoüet1943. Alors que Florent du Bois de La Villerabel se rend à Rome, Harscouët va à l’Institut catholique de Paris. Ordonné le 9 juillet 1899, il part à la Procure de Saint-Sulpice à Rome, où il reste deux années afin d’achever sa formation et où il retrouve son ami. C’est en tant que docteur en Droit canonique qu’il revient à Saint-Brieuc. Rapidement nommé professeur au Grand séminaire, il occupe ce poste jusqu’en 1921. C’est là qu’il est rejoint, en 1903, par son ami d’enfance.

Lorsque Florent du Bois de La Villerabel est préconisé pour le siège épiscopal d’Annecy, il s’attache son condisciple comme secrétaire particulier et vicaire général1944. Il le fait également chanoine honoraire de la cathédrale et vice-promoteur de l’Officialité1945. En mars 1922, Mgr Harscoüet est nommé protonotaire apostolique1946. Lorsqu’il crée la commission de liturgie1947, l’évêque nomme à la vice-présidence celui dont la « réputation de liturgiste éminent l’avait précédé en Savoie »1948. « Esprit très ouvert et fort cultivé, d’une facilité prodigieuse pour la prédication, il se prête très simplement aux auditoires les plus variés et les œuvres les plus diverses »1949. C’est sans doute à ce titre qu’il donne annuellement, une série de conférences liturgiques. Il partage la vice-présidence du bureau diocésain avec le chanoine Morand1950. Aumônier de la Ligue des femmes françaises, c’est surtout à la direction de l’enseignement libre qu’il joue un rôle important. D’après le chanoine Corbet, Mgr Harscoüet rend visite aux enfants des écoles malades, « dans leurs familles »1951. Il insuffle à l’enseignement libre un élan vers « une prospérité toujours grandissante et la constante recherche d’une éducation toujours plus foncièrement chrétienne [qui] restera, le meilleur témoignage de son inlassable action auprès d’elles »1952. Mgr Harscoüet visite les œuvres de piété, comme celles des Hommes Chrétiens d’Annecy ; mais également celles de jeunesse, où ses conférences et ses causeries sont « si justement appréciées »1953. C’est à son initiative qu’a lieu le 22 mai 19241954, à La Roche-sur-Foron, une rencontre des directrices d’écoles et de leurs adjointes. Cette réunion a pour but de permettre aux institutrices, venues de tout le diocèse, de faire connaissance mais aussi de « concentrer leurs efforts afin de s’éclairer sur leurs devoirs et intérêts professionnels, de s’édifier et de se soutenir mutuellement »1955. C’est alors qu’à l’unanimité, le désir d’une inspection diocésaine exercée régulièrement est exprimé.

En 1926, le siège de Chartres, laissé vacant par le décès de Mgr Bouquet, en poste depuis vingt ans, offre l’occasion au vicaire général Harscoüet d’accéder à l’épiscopat. Certains évoquent une prédestination pour Chartres. Enfant, il a été consacré à Notre-Dame de Chartres, puis en obtient miraculeusement une guérison1956. Sans doute, cette nomination a été fortement influencée par Mgr du Bois de La Villerabel, qui, le 2 juin 1926, reçoit une lettre confidentielle de Mgr Valerio Valeri, lui annonçant que Pie XI a accepté la nomination de son ami à Chartres. Il lui demande de tenir cette décision secrète, car elle n’a pas encore été publiée par L’Osservatore Romano 1957. La publication ne tarde pas, puisque c’est par une lettre pastorale du 11 juin, que l’évêque annonce à son clergé et à ses diocésains la bonne nouvelle de la promotion à l’épiscopat du vicaire général. La cérémonie de consécration a lieu à Saint-Brieuc, le 22 juillet. L’évêque d’Annecy est le prélat consécrateur ; les deux évêques assistants sont celui de Saint-Brieuc, Mgr Serrand1958, et celui de Tarentaise, Mgr Termier. Plusieurs prélats « honorent de leur présence la cérémonie », tel l’archevêque de Rouen et Primat de Normandie, Mgr André du Bois de La Villerabel ; l’évêque de Nantes, Mgr Le Fer de la Motte. Mgr Baudrillart, auxiliaire de Paris, retenu par des obligations ne peut se rendre à la cérémonie1959. Mgr Saint-Clair, protonotaire apostolique est également présent1960. L’évêque d’Annecy, le chanoine Pernoud – supérieur du grand séminaire – sont faits chanoines d’honneur de la cathédrale de Chartres1961. Mgr Harscoüet revient parfois dans le diocèse, notamment en 1934, lors d’un congrès régional de l’action catholique1962 ou en 1938, à l’occasion d’un congrès de la jeunesse catholique à Frangy1963. Sans doute a-t-il plaisir à venir voir celui avec qui il a travaillé à la réorganisation et à la gestion du diocèse pendant plusieurs années ; sans doute est-il heureux aussi de retrouver ses anciens prêtres.

Notes
1939.

Les archives diocésaines d’Annecy, de Chartres et d’Aix-en-Provence ne conservent aucune correspondance entre les deux hommes. Concernant ces dernières, il semble que les papiers de l’archevêque aient été brûlés au moment de la Libération, étant donné ses positions prises au cours du conflit. Voir la photo de Mgr Harscoüet en annexe n° 12.

1940.

La Voix de Notre-Dame de Chartres, n° 24, 7 août 1926, p. 339.

1941.

Mgr du Bois de La Villerabel perd son père en 1891. Mgr Harscoüet perd sa mère sans doute lorsqu’il est au collège.

1942.

La Voix de Notre-Dame de Chartres, n° 24, 7 août 1926, p. 339.

1943.

Ibid., p. 338.

1944.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 51, 23 décembre 1921, p. 570.

1945.

Ibid.

1946.

Ibid., n° 12, 24 mars 1922, p. 151.

1947.

Cette création fait presque figure d’avant-garde puisque c’est par l’Encyclique Mediator Dei que Pie XII demande l’instauration d’une commission de Liturgie dans les diocèses. Revue du Diocèse d’Annecy, n° 28, 5 août 1948, p. 381.

1948.

Lettre pastorale de Mgr l’Évêque d’Annecy au clergé et aux fidèles de son diocèse pour leur annoncer la nomination de Mgr Harscoüet au siège épiscopal de Chartres, 11 juin 1926, p. 6.

1949.

La Croix de la Haute-Savoie, article de Venance Corbet, 13 juin 1926.

1950.

Ancien économe du Grand séminaire, et vicaire général à partir de 1920.

1951.

La Croix de la Haute-Savoie, 13 juin 1926.

1952.

Lettre pastorale de Mgr l’Évêque d’Annecy au clergé et aux fidèles de son diocèse pour leur annoncer la nomination de Mgr Harscoüet au siège épiscopal de Chartres, 11 juin 1926, p. 5.

1953.

Ibid.

1954.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 22, 30 mai 1924, p. 276.

1955.

Ibid.

1956.

La Voix de Notre-Dame de Chartres, n° 24, 7 août 1926, p. 340-341.

1957.

ADA. Boîte relations avec le Vatican. Lettre de Mgr Valerio Valeri à Mgr du Bois de La Villerabel, 2 juin 1926.

1958.

Mgr Serrand est né à Billé (Ille et Vilaine) en 1874. Du même âge que Mgr Harscoüet, il est ordonné la même année que lui, soit en 1899. Mgr Serrand est sacré évêque de Saint-Brieuc en 1923, et Mgr André de La Villerabel était prélat assistant à son sacre.

1959.

La voix de Notre-Dame de Chartres, n° 24, 7 août 1926, p. 339.

1960.

Archives Diocésaines de Chartres (ADC). Supplément à la revue « Nos évêques de France ». Mgr Harscoüet.

1961.

La voix de Notre-Dame de Chartres, n° 24, 7 août 1926, p. 339.

1962.

La Croix de la Haute-Savoie, 28 janvier 1934.

1963.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 38, 22 septembre 1938, p. 695.