III. L’essor de l’Action catholique

Les années Vingt constituent pour l’ACJF la période de transition entre deux des trois temps de son histoire. La première, allant de 1886 aux années Vingt, est considérée par Alain-René Michel comme celle de Mun, c’est-à-dire un temps où la mission de l’ACJF est de « fédérer l’ensemble de la jeunesse catholique dans une perspective unitaire »2366. La seconde période est celle de la spécialisation qui apparaît au tournant des années Vingt et Trente2367, enfin le troisième temps est celui de l’après-guerre et de la fin de l’ACJF. Nous avons vu précédemment qu’à la veille de la Première Guerre mondiale, l’action catholique avait connu un vif succès malgré une certaine baisse du dynamisme, liée notamment aux questions du moment, aux changements d’aumôniers ou de présidents. La guerre a certes brisé l’élan de la jeunesse catholique, mais n’a en rien anéanti le mouvement. Sans doute son ouverture vers un catholicisme social2368 prépare le terreau sur lequel vont éclore les nouvelles œuvres des années Vingt et Trente.

Dès 1919, l’association recommence son action, même si la remise en route est parfois difficile. Si le président Tapponnier quitte ses fonctions en raison de son âge, il n’en reste pas moins que son travail porte ses fruits. Il est vrai également que la nomination au poste d’aumônier diocésain de l’abbé Clavel permet un développement important. Ce dernier peut être considéré, sans exagération, comme l’âme de l’action catholique dans l’entre-deux-guerres. Des témoins que nous avons interrogés2369, tous s’accordent à dire que l’action catholique, et surtout spécialisée, c’est le chanoine Clavel. Il nous paraît donc nécessaire, avant de débuter cette étude des mouvements dans le diocèse, de le présenter. Pour les jeunes, dans l’entre-deux-guerres, l’action catholique a été véritablement une école de formation. Il est à souligner également qu’au moment de la spécialisation à partir de la fin des années Vingt, l’ACJF est présidée, au niveau national, par François de Menthon, successeur de Tapponnier en Haute-Savoie.

Au niveau des adultes, la situation ne change pas véritablement pour les femmes qui restent dans la Ligue des femmes françaises, même si des modifications apparaissent dans les années Trente. Elles restent en quelque sorte les garde-fous d’une société qui risque de glisser vers la tentation de l’abandon religieux. Leurs activités se poursuivent autour de la charité, de la vigilance face à la presse et de l’avenir des jeunes filles. D’une certaine façon, les ligueuses sont les gardiennes de la société religieuse. Pour les hommes, les unions paroissiales existent toujours mais sous une forme nouvelle. Ils se mobilisent en effet dans le mouvement du général de Castelnau, et sans doute se sentent-ils encore plus concernés, en sachant que le point de départ du mouvement n’est pas étranger à un événement qui s’est déroulé à Évian-les-Bains en 1924. Au fil des années, les liens existant entre Jeunesse Catholique et Fédération Nationale Catholique ne sont pas toujours faciles, même si beaucoup de membres de la première organisation passent à la seconde après trente ans. La seconde partie de l’épiscopat de Mgr de La Villerabel peut-être considérée comme l’âge d’or de l’action catholique, surtout celle des jeunes, notamment à cause de la spécialisation des mouvements. Ces derniers préparent leurs membres à la réflexion religieuse, mais aussi politique. Les jeunes sont préparés à l’action, et celle-ci doit porter ses fruits, non pas tout de suite mais dans un futur plus ou moins proche. Comme pour le prêtre, il faut plusieurs années pour faire un militant. Les années d’après 1945 sont marquées par l’entrée dans la vie publique de tous ces jeunes formés à l’école de l’ACJF.

Notes
2366.

a.-r. michel, Catholiques en démocratie…, op. cit., p. 15.

2367.

Ibid.

2368.

Avant la guerre, l’accueil de personnalités diverses aux congrès le montre. Ce sont des orateurs comme l’abbé Thellier de Poncheville, le jésuite Émonet (originaire du département), l’abbé Basquin de l’Action populaire ou encore Marius Gonin qui interviennent.

2369.

Entretiens avec Marie-Louise Lefebvre-Beetschen (13 octobre 2002 et 3 décembre 2003), Alphonse Métral (11 octobre 2002 et 10 février 2004), André Fumex (23 novembre 2003), l’abbé Claude Chatelain (22 octobre 2002 et 27 novembre 2006), le chanoine Berthoud (13 novembre 2006), l’abbé Maxime Birraux (2 octobre 2002), l’abbé Charles Philippe (21 janvier 2003, 27 janvier 2004 et 15 novembre 2006).