Alfred-Denis Clavel naît à Duingt en 1883. Ordonné prêtre à Saint-Joseph du Lac en 1909, il est aussitôt nommé à Saint-Maurice d’Annecy, comme premier vicaire du curé Apertet. C’est dans cette paroisse qu’il fait la connaissance des œuvres de jeunesse. Il juge les cercles d’études trop militaires, trop froids et tente petit à petit de leur donner un autre genre, tout en respectant les buts de ces organisations. L’un de ses principaux buts et de responsabiliser les jeunes. En 1913, suite au décès du desservant, c’est l’abbé Mogenet qui est nommé curé de la paroisse. La situation est tendue, l’abbé Clavel ne s’entend pas avec son nouveau supérieur qui « s’oppose aux organisations nouvelles » et qui est « ombrageux »2373. Mobilisé, l’année suivante, il fait toute la guerre comme ambulancier au 30e RI, et obtient en 1918 la médaille militaire et la croix de guerre avec palme2374. À son retour, il envisage d’entrer à la trappe2375. Finalement il reste à Saint-Maurice, et c’est là qu’il est appelé par Mgr Campistron pour « remonter ou construire […] les œuvres diocésaines »2376. L’évêque lui donne « carte blanche »2377 pour faire tout ce qu’il veut, mais il faut qu’il réussisse et qu’il tienne parfaitement informé son supérieur. L’abbé bénéficie du soutien total de l’Ordinaire qui l’aiderait encore plus s’il avait vingt ans de moins2378. Il est également soutenu par le vicaire général Cusin, jusqu’à son départ pour Mende en 1920. L’abbé Clavel est « chargé d’œuvres »2379 en 1919 et, à partir de 1920, il devient « aumônier »2380 de la Jeunesse Catholique, fonction qu’il conserve jusqu’en 19482381. L’action du directeur des œuvres, le vicaire général Morand, archidiacre de Thonon, est très discrète. Avant 1914, le directeur des œuvres, le chanoine Vicquéry2382, semblait jouer un rôle aux côtés du chanoine Lachenal, aumônier du mouvement. Le chanoine Clavel se dévoue tout entier pour les œuvres de jeunesse, il organise les réunions et y prend une part active. C’est un « excellent homme, tout à fait dans son rôle d’aumônier excitateur de la jeunesse catholique, [mais] tout à fait brouillé avec les questions d’administration et les questions budgétaires »2383.
Clavel est également un adepte des conférences contradictoires, où il est un excellent orateur. Cependant le voir uniquement au travers de ses interventions contradictoires serait le « mutiler »2384 grandement ; pourtant, c’est bien par la contradiction et l’apprentissage de la prise de parole en public, qu’il forme ses jeunes à la défense religieuse2385 et à l’action sociale. N’est-il pas l’un des instigateurs de la « Légion civique » en 1924 ? Il veut former une élite, terme qui revient souvent dans les articles qu’il consacre aux jeunes, mais il ne fait que répondre aux attentes du groupement pour qui « la formation reste la raison d’être de l’association »2386. Immanquablement, le chanoine Clavel a marqué toute une génération de militants. Sans doute, a-t-il éveillé des consciences, et les a ensuite aidé à poursuivre leur travail. Il a probablement été influencé par l’abbé Thellier de Poncheville2387, brillant orateur et contradicteur, mais aussi par l’abbé Desgranges, son ami. Il faut ajouter que la jeunesse catholique diocésaine a eu de bons présidents, plein de dynamisme, de zèle et prêts à beaucoup pour mener à bien la mission pour laquelle ils ont été élus. Clavel joint à cette activité de la jeunesse des actions sociales, comme le restaurant populaire en 1920, à la Maison du Peuple2388 ; ou encore les semaines rurales. Le chanoine Clavel rappelle qu’il a réussi, à force d’efforts, à « ralli[er] certains éléments défiants du clergé au terrain d’union »2389 sur lequel il a replacé la jeunesse catholique, c’est-à-dire « en dehors et au-dessus de la politique ». Dans sa lettre adressée à l’évêque, mais non envoyée, il rappelle que la jeunesse catholique avait été orientée « nettement et ouvertement Action française »2390 par les chanoines Vicquéry et Lachenal. Il estime également qu’en 1919, elle était, en France, « l’une des plus divisées par l’Action française »2391. Cela rejoint les propos d’Alain-René Michel qui rappelle qu’il y a des « adeptes du nationalisme intégral parmi les responsables locaux »2392, et que l’Action française peut exercer une influence sur les jeunes, et donc sur le recrutement de l’ACJF. Le chanoine Clavel estime qu’il lui a fallu « payer par une inlassable campagne d’attaques de toutes sortes, de démarches faites auprès de Mgr Campistron, et ensuite plus adroitement auprès de [Mgr de La Villerabel], de tentatives de divisions de la jeunesse catholique, de perfides calomnies, d’oppositions de toutes sortes »2393 le fait de n’avoir pas suivi l’orientation donnée par ses prédécesseurs. Il est vrai qu’après la mort du chanoine Lachenal (1920), l’orientation sociale et syndicale se fait très nettement ressentir aux travers des articles de la Jeunesse catholique 2394 . L’action de l’aumônier n’est pas isolée, elle s’inscrit dans un mouvement national. Pour Alain-René Michel, « l’ACJF n’a pas attendu la conjoncture particulière du milieu des années 1920 pour prendre conscience de ce danger ; dès les premières années de l’après-guerre, alors qu’elle se reconstitue et que du fait de la disparition du Sillon elle se trouve seule face au mouvement royaliste, elle n’hésite pas à s’en prendre à l’Action française de façon plus ou moins voilée »2395.
ADA, 1 D 21. Boîte Mgr Clavel. a.-d. clavel, Quelques jalons pour ma vie. L’abbé écrit : « Décès de mon bon curé Apertet ».
Revue du Diocèse d’Annecy, n° 44, 1er novembre 1918, p. 426. Il s’agit d’une lettre adressée par l’abbé au curé de Duingt, le 11 octobre.
ADA, 1 D 21. Boîte Mgr Clavel. a.-d clavel, Quelques jalons pour ma vie. Évoquant ses relations tendues avec Mogenet, il écrit dans ses souvenirs : « D’où, à mon retour du front, volonté d’être trappiste. »
Ibid.
Ibid.
Ibid. MgrClavel écrit que l’évêque lui déclare : « Ah ! comme je vous comprends, me dit-il, si j’avais vingt ans de moins… comme je vous soutiendrais ! ».
Ordo, année 1920.
Ordo, année 1921. C’est en juillet 1925 que Mgr de La Villerabel le nomme chanoine honoraire de la cathédrale.
Il est intéressant de souligner que le chanoine Clavel disparaît totalement des souvenirs des témoins, comme des archives, pendant la guerre. Dans les souvenirs des militants, il cède la place à l’abbé Camille Folliet. De tous les témoignages recueillis auprès de personnes ayant joué un rôle pendant la guerre, à aucun moment, l’abbé Clavel n’est évoqué, pourtant il l’est très largement pour son action jusqu’en 1940. Pourquoi cette « disparition », alors qu’il reste à la Maison du Peuple ? Est-il trop âgé pour jouer un rôle ? Est-il trop fidèle à Pétain, pour ne pas juger avec parcimonie la situation ?
En septembre 1914, pour faire face à la désorganisation, il est nommé « auxiliaire » à Sallanches. En 1916, il est nommé à la cure de Boëge, poste qu’il occupe jusqu’à sa mort en 1944.
ADA. 1 D 21. Boîte Mgr du Bois de La Villerabel, n° 5. Lettre de Lalanne à Mgr de La Villerabel, 28 juillet 1928.
Entretien avec le chanoine Berthoud.
En 1931, il organise « le concours d’éloquence » (Floraisons des Alpes, janvier 1931, p. 1410), où chaque candidat doit s’exprimer sur un sujet imposé. Il fait des remarques pertinentes à tous, les prenant à part pour leur dire leur point faible. Certains, comme André Fumex, se souviendront de ces remontrances lors de leur préparation de discours bien plus tard. Entretien avec André Fumex, 25 novembre 2003.
a.-r. michel, Catholiques en démocratie…, op. cit., p. 31.
1875-1956.
Il s’agit du bâtiment où sont regroupées les différentes œuvres diocésaines.
ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel, n°1. Lettre adressée à Mgr de La Villerabel, 23 mai 1927. Elle n’a pas été envoyée.
ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel, n° 1. Lettre adressée à Mgr de La Villerabel, 23 mai 1927. Elle n’a pas été envoyée.
Ibid.
a.-r. michel , Catholiques en démocratie…, op. cit., p. 86.
ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel, n° 1. Lettre adressée à Mgr de La Villerabel, 23 mai 1927. Elle n’a pas été envoyée.
L’ACJF suit également cette orientation sous la présidence de Souriac (1913-1922), Flory (1922-1926).
a.-r. michel , Catholiques en démocratie…, op. cit., p. 88.