Comme nous venons de le constater les débuts de l’UDH sont intimement liés à la jeunesse catholique. En 1924, les deux associations se retrouvent sur le terrain de la défense religieuse, mais après l’affiliation de l’UDH à la FNC, celle-ci prend les directives du mouvement de Castelnau. Il devient alors nécessaire de redéfinir clairement les limites à établir entre les deux organisations qui deviennent complémentaires. En 1927, lors des retraites ecclésiastiques, Mgr de La Villerabel commente le rapport qui lui a été remis2695. Dans un communiqué du comité de l’Union Diocésaine des hommes, il est rappelé que les deux groupements de la jeunesse catholique et de l’UDH sont complémentaires2696, mais qu’en aucun cas l’un devrait primer sur l’autre. Cependant, il apparaît qu’une réelle confusion s’installe entre les réunions des unions paroissiales et celles de la jeunesse catholique. Le risque serait grand de les voir disparaître, car si « les groupes de jeunesse catholique se décapitent de leurs dirigeants, c’est à brève échéance la mort de la jeunesse catholique »2697. Trop de prêtres, par facilité et pour gagner du temps, organisent les réunions conjointement. Or, en 1927, l’UDH n’est pas encore orientée vers l’Action Catholique, même si elle tend à le faire. Les objectifs des deux mouvements sont donc différents, même si la collaboration entre les deux mouvements est encouragée, à la condition que les limites d’action soient clairement définies. La situation n’est pas propre au diocèse puisqu’au niveau des instances nationales, François de Menthon « est appelé à faire partie du comité directeur de la FNC pour y sauver les intérêts particuliers de la jeunesse catholique et faciliter la collaboration entre les deux groupements »2698. Un autre problème se rencontre, celui des hommes libérés de leurs obligations militaires. Une fois rendu à la vie civile, ils ne sont guère enclins à rentrer dans les groupes de jeunesse catholique, voulant « faire les hommes »2699, ils préfèrent l’UDH. Ce groupement doit trouver ses membres dans les rangs de la jeunesse catholique, mais en aucun cas il ne doit les prendre avant l’âge fixé par les statuts.
Le vicaire général Pernoud, en charge du comité, souligne que la Jeunesse Catholique doit être une pépinière pour l’UDH. Ses membres déjà habitués au travail des cercles d’études, à la réflexion, s’engagent à poursuivre leur action. Or, le constat a déjà été fait que trop de jeunes s’engagent dans l’UDH et non plus à la jeunesse catholique. En effet, avant la première mise au point, et encore celle-ci ne suffira pas, dans de nombreuses paroisses, les réunions de la jeunesse catholique et celle des hommes se confondent. Il est alors à nouveau rappelé que beaucoup « de curés ont continué, pour se dispenser d’organiser un groupe de jeunesse catholique à s’abriter derrière cette déclaration : “nos jeunes cotisent à la FNC à partir de dix-huit ans, ils vont aux réunions cantonales annuelles et aux meetings, c’est assez” »2700. Une telle réaction entraîne le problème de la formation, puisque les jeunes n’en acquièrent pas véritablement une. En 1931, suite à l’orientation nouvelle donnée à l’ACJF vers la conquête par milieu, l’évêque préconise « l’entrée dans l’ACJF de tous les jeunes, soit comme dirigeants et militants (cercle d’études régulier actuel), soit au moins comme adhérents avec des réunions de masse, mensuelles, au cours de la saison de travail »2701. Cette nouvelle directive oblige tous les jeunes à appartenir à l’ACJF pour « y recevoir un minimum de formation : piété, étude, action, en liaison avec les dirigeants et les militants »2702. En 1933, l’UDH définit de nouveaux statuts. L’article IV permet aux prêtres, peu enclins à la jeunesse catholique, de réunir tous les jeunes au sein de l’UDH. Cet article rappelle que « pour être membre de l’UD, il faut être âgé de 21 ans au moins – jusqu’à 30 ans, l’adhésion à l’union diocésaine reste très recommandée, mais est cependant facultative pour ceux qui font partie de la jeunesse catholique – ; à partir de 30 ans, tout membre de la jeunesse catholique passe automatiquement à l’UD »2703. Ce nouvel article n’est pas sans ambiguïté, puisqu’il laisse entendre que les jeunes (21-30 ans) peuvent entrer directement à l’UDH sans passer par la jeunesse catholique, ce qui est contraire aux directives épiscopales. Le chanoine Clavel avait attiré l’attention de Mgr de La Villerabel sur l’article IV cité précédemment. L’évêque rédige une nouvelle formule au sujet de l’admission des membres. Probablement le chanoine Clavel avait proposé l’interdiction pure et simple d’accepter des membres de moins de trente ans dans les unions paroissiales, puisque l’évêque lui déclare que « interdire jusqu’à 30 ans l’inscription des membres sur les listes d’UP était impossible : c’eût été le tarissement certain du recrutement »2704. L’évêque souligne également que le passage se fait automatiquement à trente ans, à l’exception des chefs élus de la jeunesse catholique2705. Enfin, il rappelle clairement que la jeunesse catholique doit « conduire et préparer à l’union diocésaine »2706. Le 5 juillet2707, Mgr de La Villerabel s’adresse à Clavel pour le remercier de son mémoire concernant les limites entre jeunesse catholique et UDH. Sa suggestion est « fort intéressante et touche à une question délicate et grave pour l’UD comme pour la jeunesse catholique »2708. Il lui rappelle qu’il « aime autant la JC que l’UD et qu[‘il] veu[t] les 2 prospères et de plus en plus ! »2709. En août 1934, l’évêque rappelle au chanoine Clavel qu’il désire « expressément que, bien loin de s’ignorer – et encore moins de se combattre – la jeunesse catholique et l’union diocésaine s’épaulent, la jeunesse s’organisant (ce qui est l’ordre) en fonction de l’union diocésaine dont elle alimente chaque année les effectifs »2710. Il reconnaît que « avec ce perpétuel souci d’union et d’entraide, ces deux organisations doivent conserver leur pleine autonomie, qu’elles ont leur vie propre et que par conséquent l’une peut avoir des manifestations de cette vie, différentes et indépendantes de l’autre »2711. En 1937, devant l’évolution de la jeunesse catholique transformée en mouvements spécialisés, il devient nécessaire de définir à nouveau les limites entre la jeunesse catholique et l’UDH. Grâce aux efforts réalisés, les jeunes revenant de la caserne semblent revenir à la jeunesse catholique. Ceux qui ne reviennent pas sont alors considérés comme « perdus pour l’action catholique »2712. Se pose ensuite la question du passage de la jeunesse catholique à l’union diocésaine. Mgr de La Villerabel redonne des directives à ce sujet. L’évêque présente plusieurs cas, à commencer par celui de jeunes qui ne sont pas membres de la jeunesse catholique, mais qu’il convient de ne pas délaisser en les incitant à entrer dès vingt-et-un ans dans les unions paroissiales2713. Il présente ensuite le cas des jeunes qui sont déjà dans les groupes paroissiaux, qu’ils soient spécialisés ou non. Si les groupes sont non spécialisés l’adhésion se fait de droit à trente ans ; la situation devant s’adapter pour les groupes spécialisés, afin d’éviter de désorganiser les sections. D’ailleurs, à propos de la spécialisation, celle, possible, de la FNC est évoquée. Soulignons également qu’en 1936, sans doute pour des raisons financières, Le Clocher Savoyard et Floraisons des Alpes paraissent dans un même et seul journal. Le premier annonce que son format est doublé, rappelant que « l’action catholique s’affirme et grandit chaque jour dans le diocèse »2714, alors que pour le second cette fusion a pour but de faire économiser de l’argent aux familles où le père et les fils sont engagés dans les deux mouvements, ce qui permet aux jeunes de s’abonner aux revues spécialisées2715. N’est-ce pas également un moyen pour l’UDH de toucher les jeunes qui sont les recrues à venir ? À l’inverse, n’est-ce pas aussi un moyen pour l’ACJF de toucher des jeunes qui seraient tentés de lire le journal du père de famille, et qui y verraient des articles concernant les personnes de leur âge ? Cette fusion se fait sur le principe du journal des femmes qui comporte une page pour les ligueuses, et le « coin des Pâquerettes » pour les plus jeunes.
Floraisons des Alpes, septembre 1927, p. 803.
Lors du congrès de 1928, tenu à Grenoble, François de Menthon rappelle que l’ACJF doit entretenir sa collaboration avec la FNC, qui est l’organe de l’action catholique des hommes. Floraisons des Alpes, décembre 1928, p. 1037.
Floraisons des Alpes, septembre 1927, p. 804.
Floraisons des Alpes, décembre 1928, p. 1037.
Ibid.
ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel. Position de la jeunesse catholique dans le diocèse.
Ibid.
Ibid.
Ibid. Il semble que pour les dirigeants des difficultés apparaissent également puisque Mgr de La Villerabel écrit au chanoine Clavel : « Croyez-vous que le moment n’est pas venu de laisser passer purement et simplement, vue leur âge, à l’UDH : M. Gros d’Aillon et Tairraz ? ils ont vraiment fait leur temps à la jeunesse ». Voir annexe n° 88.
ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel, n° 1. Lettre de Mgr du Bois de La Villerabel à Clavel, 9 juillet 1933.
Ibid.
Ibid.
Aucune indication n’est donnée quant à la date. Nous pouvons supposer qu’il s’agit d’une lettre de 1933 ou 1934.
ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel, n° 1. Position de la jeunesse catholique dans le diocèse.
Ibid. Lettre de Mgr de La Villerabel à Clavel, 5 juillet ?.
Ibid. Lettre de Mgr de La Villerabel à Clavel. 14 août 1934.
Ibid.
Ibid. Mémoire relatif à un rapport présenté au comité de la FNC, 1937, p. 2. Il est présenté par Charles Bosson, président de l’ACJF, Georges Gros d’Aillon, vice-président de l’ACJF, Raymond Laurent, secrétaire, et le chanoine Clavel.
Ibid. Directives de l’évêque concernant le passage des membres de la jeunesse catholique à l’union diocésaine.
Le Clocher Savoyard, janvier 1936. Jusqu’à cette date, il paraît sous la forme d’une simple feuille de format A 3.
Floraisons des Alpes, décembre 1935, p. 152. Le nouveau journal se présente ainsi : une feuille A 3 recto-verso est consacrée aux hommes, et une feuille est destinée aux mouvements spécialisés qui se partagent l’espace entre les différents mouvements.