a. La réorganisation

Une fois la paix revenue, le mouvement semble devoir se réorganiser (ou se modifier) puisqu’en 1924, la comtesse de Longevialle vient donner une série de conférences destinées à promouvoir la réorganisation de la Ligue des femmes françaises2722. À la fin de l’année 1923, Mgr de La Villerabel avait projeté la constitution d’une fédération diocésaine des œuvres de dames et de jeunes filles2723. Est-ce dans ce but qu’il fait venir une membre du comité ? En tout cas, cette série de conférences coïncide avec les attaques anticléricales du Cartel des Gauches. Il est alors paradoxal de constater, pour la Ligue des femmes françaises, comme pour la jeunesse catholique2724 que ce sont ces événements qui accélèrent et terminent la réorganisation2725. Les femmes se groupent aux côtés des hommes pour la défense des intérêts religieux2726, ce qui donne l’occasion au journal républicain Le Progrès de la Haute-Savoie de rappeler que « depuis quelques semaines, des réunions sont organisées dans la plupart de nos cantons où sont conviées les femmes “si sagement relancées par notre vaillant évêque” »2727.En 1924, elles se mobilisent afin d’« obtenir pour le monde entier, mais tout spécialement pour [la] France, une nouvelle effusion de grâces et de nouvelles miséricordes »2728 en priant ardemment le Sacré-Coeur de Jésus. Ces demandes de prières ne sont sans doute pas étrangères aux résultats de l’élection du Cartel des gauches. C’est le 15 juin que madame de Longevialle, du comité directeur de Lyon, ouvre une série « de réunions cantonales » destinées à faciliter l’organisation de la ligue dans toutes les paroisses2729. Il est alors clairement rappelé que la Ligue « veut être le lien qui, unissant toutes les œuvres, doublera leur puissance d’action. Elle formera l’unité d’effort dans le diocèse, l’armée disciplinée si nécessaire aujourd’hui pour défendre sous la direction [des] Évêques et [des] prêtres, [les] libertés religieuses »2730. Comme pour la jeunesse catholique et l’UDH, la paroisse est la base de l’organisation, et l’échelle cantonale occupe une place importante dans le dispositif de la Ligue2731 qui propose d’« exister séparément, [et d’] agir ensemble » 2732 . Le 24 août, la comtesse Desvernay, vice-présidente de la Ligue, entretient les femmes de Megève et de Flumet sur la nécessité de s’organiser. Elle est aidée dans sa tâche par Mgr Harscoüet qui a bien voulu « apporter aux nouvelles ligueuses les encouragements et les bénédictions » de l’évêque2733. Cette série de conférences se poursuit jusque fin novembre, ce qui prouve que la réorganisation d’immédiat après-guerre n’a pas été aussi rapide que pour les jeunes gens.

En janvier 1925, la Revue du Diocèse d’Annecy publie une mise au point concernant la Ligue des femmes françaises. Il est alors rappelé que « pour réaliser le but de l’œuvre, la rendre vivante, active, il ne suffit pas d’appeler les adhérentes à “l’union diocésaine”, d’établir des listes sur du papier. Il faut former les âmes, les instruire, pour la restauration de l’esprit chretien dans l’individu, la famille, la société »2734. Il est alors rappelé « la nécessité de la réunion mensuelle à jour fixe »2735 où le journal L’Appel est lu et expliqué. Il est ensuite recommandé d’encourager « vivement » les ligueuses à assister à la messe du premier vendredi du mois2736. La Ligue doit également offrir une messe pour la France, au minimum deux fois par an et, dans le meilleur des cas, tous les premiers vendredis du mois. Le budget paroissial de la Ligue se compose de cotisations annuelles2737. Le 14 septembre 1925, la ligue reprend sa journée annuelle de prières2738. Le mouvement connaît un essor important et, en octobre 1925, il se dote d’un bulletin de liaison intitulé L’Étoile du Foyer 2739 . Mgr de La Villerabel bénit « ce petit bulletin […] attendu très impatiemment par toutes [les] ligueuses du Diocèse. »2740 Cet organe « sera entre elles un lien très précieux ; il soutiendra leur zèle et encouragera leurs efforts dans les bons combats qu’elles se proposent de mener pour le bien de tous et pour que s’étende encore […] le règne de Dieu »2741. En 1926, Mgr Harscoüet cède l’aumônerie du mouvement à l’abbé Terrier, qui s’occupe également du mouvement des hommes2742, il occupe ce poste jusqu’en novembre 1928, date à laquelle il est remplacé par l’abbé Clavel2743. MadameWarchex est remplacée à la tête de la Ligue par la comtesse Antoine de Menthon, qui donne sa démission en octobre 19302744. C’est sous sa présidence que la Ligue semble terminer sa réorganisation, puisqu’en mars 1930, afin de couvrir « les frais d’installation et de fonctionnement du nouveau secrétariat permanent de la Ligue à la Maison du Peuple », les ligueuses vendent des œufs et cloches de Pâques2745. En 1940, les ligueuses sont vingt-cinq mille2746, alors qu’en 1937, elles étaient vingt-trois mille deux cent sept2747. Elles représentent 9 % de la population départementale2748. Elles sont présentes dans deux cent quatre-vingt dix-huit paroisses2749. Nous pouvons donc constater que ces chiffres sont supérieurs à ceux des hommes, ils sont environ quinze mille répartis dans deux cent quatre-vingt paroisses. L’UDH toucherait environ 6 % de la population2750. Ce qui signifie donc que seulement 15 % de la population serait touchée par les œuvres catholiques de défense religieuse ou d’apostolat. Toutes les paroisses n’ont pas la même activité, certaines sont plus assidues que d’autres à l’organisation de réunions. Sur les trois cent paroisses que compte le diocèse, 25 % organisent des réunions de dizainières2751, 18 % ne font que des réunions générales groupant toutes les ligueuses2752, et 57 % n’organisent aucune réunion2753.

Notes
2722.

En mai 1919, elles tiennent leur première réunion d’après-guerre à Sallanches. Madame Warchex est toujours présidente du mouvement. Revue du Diocèse d’Annecy, n° 22, 30 mai 1919, p. 212.

2723.

La Croix de la Haute-Savoie, 4 novembre 1923.

2724.

Les deux associations communiquent entre elles, et pour preuve, Henri Voisin intervient plusieurs fois auprès des ligueuses pour leur faire des conférences. Étoile du Foyer, octobre 1926.

2725.

C’est en 1924 qu’apparaît sa réorganisation active. Revue du Diocèse d’Annecy, n° 38, 18 septembre 1925, p. 449. « Depuis une année environ, la Ligue des femmes françaises restaurée dans notre diocèse par le zèle si apostolique de notre Évêque vénéré, s’organisait peu à peu dans la plupart des paroisses, grâce au dévouement bien méritoire des premières ligueuses qui devaient bientôt constituer le bureau diocésain ». En novembre 1927, l’Etoile du Foyer rappelle que « commence la troisième année de la Ligue, depuis sa réorganisation dans le diocèse ».

2726.

D’ailleurs il est rappelé que les femmes peuvent faire partie du comité de l’Union de défense pour les intérêts religieux. Elles se retrouvent dans les unions paroissiales, qui comme nous l’avons vu avant la guerre, possédaient une section d’hommes et une de femmes.

2727.

Le Progrès de la Haute-Savoie, 29 novembre 1924. Cette attaque du Progrès de la Haute-Savoie souligne toutefois que la réorganisation se passe à ce moment-là.

2728.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 24, 13 juin 1924, p. 297.

2729.

Ibid., n° 25, 20 juin 1924, p. 315. Deux cents femmes assistent à la réunion à Sallanches.

2730.

Ibid.

2731.

Ibid. Il est rappelé qu’au « comité diocésain, qui relève directement de l’Évêque du diocèse, doivent s’adjoindre les comités paroissiaux, formés par Messieurs les curés, et qu’au chef-lieu de canton, une présidente cantonale se tient en rapport avec les divers comités paroissiaux de son canton, leur servant d’intermédiaire auprès du bureau diocésain ».

2732.

Ibid.

2733.

Ibid.,n° 36, 5 septembre 1924, p. 412.

2734.

Ibid.,n° 3, 16 janvier 1925, p. 25.

2735.

Ibid.

2736.

Ibid.

2737.

Ensuite la répartition se fait comme suit : 2 % à envoyer à Annecy, au bureau diocésain pour ses frais généraux. Honoraires des messes offertes pour la France. Un abonnement combiné à L’appel et à La Ligueuse, pour le comité et la réunion. Les frais divers : cachets d’admission, carnets dizainières. Abonnements à la revue Peuple de France choisie par Mgr pour circuler dans toutes les dizaines.

2738.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 38, 18 septembre 1925, p. 449.

2739.

Ibid., n° 44, 30 octobre 1925, p. 523.

2740.

Ibid.

2741.

Ibid.

2742.

Étoile du Foyer, novembre 1926.

2743.

Il est déchargé de l’aumônerie de la LFACF en 1934. ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel, n° 1. Lettre de Mgr de La Villerabel au chanoine Clavel. 14 août 1934.

2744.

Ibid. Lettre de Mgr du Bois de La Villerabel au chanoine Clavel. 9 octobre 1930 : « Malgré mes vives instances, Mme la comtesse A. de Menthon m’a remis d’une manière définitive sa démission de présidente diocésaine et de présidente d’arrondissement de la Ligue des femmes françaises. Constatant sa résolution inébranlable, je n’ai pu que prendre acte de cette détermination. Aujourd’hui même, je lui ai fait savoir qu’à regret j’acceptais sa démission ».

2745.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 13, 28 mars 1930, p. 205.

2746.

ADA. 1 D 22. Boîte Mgr Cesbron, n° 9. Rapport présenté par le chanoine Bouvard, secrétaire des œuvres et vice-président du bureau diocésain à Mgr Cesbron en décembre 1940.

2747.

L’Étoile du Foyer, mai 1937. Entre 1937 et 1940, la ligue augmente donc ses effectifs de 7,72 %.

2748.

Ibid. Nous avons utilisé les chiffres donnés par le chanoine Bouvard, à savoir : 245 653 habitants et 23 207 ligueuses.

2749.

Ibid. Les paroisses où la ligue n’existe pas et où L’Étoile du Foyer ne pénètre pas sont Passy et La Chapelle-Rambaud. Voir la carte en annexe n° 87.

2750.

Nous avons pris le chiffre de quinze mille adhérents pour une population de 245 643 habitants.

2751.

Soixante-quatorze paroisses.

2752.

Cinquante-quatre paroisses

2753.

Cent soixante-douze paroisses.