En 1926, Mgr de La Villerabel encourage les femmes à se dévouer encore plus pour l’œuvre de la presse. Il leur rappelle en septembre, dans la crypte de la Visitation, que « cet apostolat lui paraît extrêmement urgent, et que, pour le poursuivre efficacement, il compte beaucoup sur [la] Ligue »2754. Outre la bonne presse, les ligueuses s’attachent à l’éducation des enfants. Les Ligueuses sont fortement sollicitées pour apporter un soin particulier à l’éducation religieuse de leurs enfants, mais encore plus à celle des garçons qui seront pour certains des prêtres. En 1926, se tient, à Marseille, le second congrès du recrutement sacerdotal2755. À cette occasion, un article de l’Étoile du Foyer ne manque pas de souligner que la France a besoin de prêtres, tout en soulignant que le diocèse d’Annecy est « encore […] favorisé » et « on peut dire qu [‘il n’a] pas encore réellement souffert de l’absence des prêtres… »2756. C’est l’occasion de rappeler aux mères chrétiennes qu’elles doivent être aussi mères de prêtres2757.
Elles doivent avoir un intérêt tout particulier pour les jeunes filles qui seront les épouses et les mères de l’avenir. Il est nécessaire de veiller à leur moralité, mais également leur faire prendre conscience qu’il ne faut pas déserter les campagnes. L’exode rural est un fait avéré et, en 1931, la population des villes est égale à celle des campagnes. Même si dans le diocèse ces proportions ne sont pas atteintes, il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de jeunes filles partent en ville pour y trouver un travail et s’y installer. C’est pour empêcher cet exode, qui est également source d’abandon des devoirs religieux, que la Ligue met en place des cours par correspondance destinés aux jeunes filles, pour acquérir les connaissances nécessaires pour rester à la campagne. Ces cours sont organisés en collaboration avec l’Union des syndicats agricoles du Sud-Est2758. Ils s’adressent aux jeunes filles qui ne peuvent pas se rendre dans les différentes écoles ménagères ouvertes dans le diocèse2759. En 1927, la mise en place d’un cours ménager et agricole ambulant permet à de nombreuses jeunes filles de bénéficier de cette formation2760. Cette école semble rencontrer un vif succès puisqu’en avril 1928, vingt jeunes filles de Thônes en bénéficient2761. Devant la réussite de cette nouvelle initiative, il est envisagé, pour l’année 1928-1929, de créer une seconde équipe enseignante. Les cours débuteraient le 1er octobre pour se terminer fin juin, avec une durée de trois mois dans chaque paroisse désireuse de faire bénéficier de cet apprentissage aux jeunes filles2762. En 1932, il semble que l’école rencontre un certain repli puisqu’en août, elle « n’est encore demandée nulle part »2763. À cette date, les frais d’inscription sont de vingt-cinq francs2764 par mois et par élève. Faut-il voir dans ce repli, une influence de la pénétration des cours par correspondance ou des mouvements agricoles qui débutent ?
Le programme de la Ligue, présenté à la veille de la guerre2765, reste d’actualité ; les femmes étant toujours les gardiennes de la maison et de la famille. En 1932, elles accueillent avec satisfaction l’encyclique Casti Connubii qui encourage les naissances et redoublent leurs activités pour lutter contre l’avortement2766. Elles doivent éduquer les enfants. Deux choses leur incombent, elles doivent être particulièrement attentives à l’éducation des filles, qui seront les mères et les épouses de l’avenir. Pour les garçons, les mères doivent porter une attention particulière à leur éducation religieuse, car c’est dès le plus bas âge que les vocations se préparent. Ce discours tend à se développer surtout à partir de la seconde moitié des années Vingt, date à laquelle le nombre de prêtres dans de nombreux diocèses laisse craindre pour l’avenir. Leur bulletin rappelle les paroles de Joseph de Maistre pour qui « si l’homme moral n’a pas été formé sur les genoux de sa mère, il ne le sera jamais »2767. La Ligue approuve la déclaration des droits de la famille faite par le général de Castelnau2768. L’UDH souligne l’importance de la mise en place d’allocations familiales.
Les activités de la Ligue ne s’arrêtent pas uniquement à la prière, et les ligueuses organisent le « trousseau du séminariste »2769, qui a pour but de doter les élèves du grand séminaire de différents vêtements dont ils seraient dépourvus. Il existe à Annecy depuis plusieurs années, un ouvroir de Saint-André qui fonctionne une fois la semaine. Les ligueuses doivent également s’occuper, par tous « les moyens aptes à promouvoir le relèvement du niveau intellectuel et moral des masses populaires »2770. C’est pour cette raison notamment qu’elles ouvrent et s’occupent des bibliothèques paroissiales ou instaurent le dépôt de lecture2771. Ce dernier consiste à déposer un ouvrage chez un commerçant. En 1932, six paroisses organisent ces dépôts2772, en 1936, elles sont vingt-deux. Les ligueuses se préoccupent de la «surveillance et de sauvegarde de la moralité publique, spécialement par une sollicitude et une vigilance de chaque instant pour tout ce qui concerne l’éducation, la formation et la préservation de l’enfance, dans la famille et à l’école»2773. Ces propos montrent une nouvelle fois la volonté de faire de bons chrétiens et de les préserver, notamment les jeunes, de la tentation qui pourrait les entraîner hors du droit chemin. La Ligue des femmes françaises fait partie du comité catholique du cinématographe en vue de vérifier la moralité des films. Elle s’engage également dans la « croisade contre les modes immorales », l’évêque les encourage à diffuser le « tract de la modestie » qui est signé par mille trois cent soixante-quatre ligueuses2774. Les ligueuses font partie de droit de « l’union régionale pour l’éducation civique et sociale de la femme »2775, qui est d’ailleurs reconnue comme groupement catholique par l’évêque2776. La présidente de l’Union, la comtesse Desvernay, vient à Thônes, Annecy, Chamonix, Annemasse ou encore Thonon-les-Bains pour évoquer le suffrage féminin. La comtesse « d’une manière claire et pleine d’humour » a fait comprendre à ses nombreuses auditrices qu’il était « urgent que toutes les femmes catholiques s’unissent pour aider au rétablissement de l’ordre social chrétien »2777.
En s’intéressant à la question de la moralité et des mœurs, la Ligue se préoccupe également des questions sociales. En 1931, alors que de nombreuses femmes travaillent (surtout dans les villes), les ligueuses se mobilisent pour le retour de la femme au foyer. En 1932, la Ligue des femmes françaises demande ce retour par le biais d’une pétition2778 qui recueille neuf mille signatures, réparties en cent quarante paroisses2779. La même année, elles se préoccupent des chômeurs. Les ligueuses proposent d’entreprendre des travaux pour les faire travailler2780. À Annecy, une cuisine populaire est prévue afin de donner à manger aux plus démunis2781. Elles décident également au seuil de la nouvelle année, de ne pas donner d’étrennes ou de cadeaux à Noël, afin de pouvoir verser des dons aux œuvres charitables d’assistance aux chômeurs2782. En collaboration avec la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul2783, les ligueuses distribuent bons de soupe, pain, épicerie et légumes2784. Elles lancent également une neuvaine pour les chômeurs en février 19322785. Comme les hommes ont les mouvements de jeunesse pour former les militants adultes, les femmes organisent également un genre de mouvement semblable avec les Pâquerettes.
L’Étoile du Foyer, novembre 1926.
Ibid.
Ibid.
Il aurait été intéressant de pouvoir établir la proportion de prêtres dont la mère est ligueuse, ou dont l’un des parents est engagé dans les mouvements d’action catholique. Le registre des entrées au grand séminaire ne fournit aucun renseignement de ce type.
a. giuge, La Ligue patriotique…, op. cit., p. 69.
Par exemple à Annecy, Annecy-le-Vieux, Sallanches ou encore Challonges.
a. giuge, La Ligue patriotique…, op. cit., p. 69.
Revue du Diocèse d’Annecy, n° 19, 11 mai 1928, p. 293.
Ibid. Un diplôme marque la fin de la formation qui a une durée minimale de trois mois. Cette dernière est exigée par la Direction des Syndicats du Sud-Est.
Revue du Diocèse d’Annecy, n° 33, 12 août 1932, p. 541.
Ibid. Ce qui représente environ 14,6 euros (2006).
Cf. supra, p. 109 et suiv.
En 1936, Mgr de La Villerabel demande à ses prêtres de lire au prône du dimanche un résumé de la doctrine chrétienne, où il rappelle « qu’il est interdit aux époux, sous peine de péché grave, de répudier les charges du mariage en se dérobant à la loi providentielle qui préside à la transmission de la vie. Et c’est aussi pour les parents une très grave obligation d’élever les enfants et d’instruire leurs enfants chrétiennement ». Modifications aux constitutions synodales de 1926…, op. cit., p. 29.
Abbé Stephen Coubé, Le patriotisme de la femme française, Paris, P. Lethielleux, 1916, p. 205.
a. cova, Au service de l’Église, de la Patrie et de la famille, Paris, L’Harmattan, 2000,p. 167.
L’Étoile du Foyer, mai 1927.
L’Étoile du Foyer, mai 1927.
Ibid., juin-juillet 1932.
Annecy, Menthon, Faverges, Saint-Jean-de-Tholome, Hauteville-sur-Fier et Alby.
Statuts de la LFACF, p. 2.
L’Étoile du Foyer, octobre 1926.
Revue du Diocèse d’Annecy, n° 5, 29 janvier 1926, p. 57.
Ibid.
Ibid.
L’Étoile du Foyer, février 1932.
Ibid., avril 1932.
a. giuge , La Ligue…, op. cit., p. 73.
Ibid.
L’Étoile du Foyer, janvier 1932.
Cette société fondée en 1833 par Frédéric Ozanam est implantée dans le diocèse à Annecy et Thonon-les-Bains. Revue du Diocèse d’Annecy, n° 27, 5 juillet 1929, p. 432.
Ibid.
Ibid., n° 5, 29 janvier 1932, p. 71.