3. Les jeunes filles

Les mouvements présents sont les mêmes que pour les jeunes gens. La JOCF est créée à Clichy par Jeanne Aubert et un petit groupe de Pâquerettes. Le 22 février 1928, une réunion regroupe ces dix femmes sous la direction de l’abbé Guérin, le 26 février, elles sont affiliées et deviennent les premières militantes JOCF2986. Comme pour les hommes, le diocèse ne reste pas en dehors du mouvement. En 19292987, un groupe de quatorze jocistes est constitué à Thônes2988.

En juin 1937, il y a « sept sections JOCF affiliées et neuf en formation »2989. Françoise Richou estime à environ mille huit cent quatre-vingt le nombre de jeunes filles encadrées par la fédération2990. Les jeunes du monde rural s’engagent également dans l’apostolat par milieu, et progressivement les groupes de Pâquerettes se transforment en groupe de JACF. Cette dernière naît le 22 juin 1933, et est reconnue par la hiérarchie le 23 novembre2991. C’est en 1936, à Cluses, que la première section JACF est affiliée. Le lancement des deux mouvements (masculin et féminin) se fait avec un léger décalage. En décembre 1939, elles ont douze groupes affiliés nationalement2992, alors que les hommes n’en ont que neuf. Lors du congrès de mai 1939, il est estimé à environ mille jeunes filles qui se penchent sur les résultats de l’enquête portant sur « la vie et le travail de la femme à la campagne »2993. Nous pouvons remarquer que quelques paroisses bénéficient des deux groupements (jeunes gens et jeunes filles) à la veille de la guerre : Sallanches, Megève, Thonon-les-Bains et Hauteville-sur-Fier. Le but de la JACF est « de refaire une “paysannerie” chrétienne »2994. Dans ce dessein, il est nécessaire que les jeunes filles voient autour d’elles ce qui se dit, ce qui se fait, d’où l’importance des enquêtes. Ensuite, il s’agit de « juger à la lumière de l’Évangile si cette façon de penser, d’agir est chrétienne. Et c’est en réunion que se fait ce travail »2995. Les jacistes, dont plusieurs viennent des Pâquerettes connaissent l’importance de s’occuper des adolescentes. C’est pour cette raison qu’elles constituent le groupe de pré-jaciste Les semeuses 2996 , dont la déléguée est Madeleine Chambaz. L’affiliation de la première section de jeunes semeuses à lieu à Seynod le 15 décembre 19382997. En 1939, le bulletin Lettres aux sections JACF rappelle que plusieurs groupes sont étonnés de ne pas avoir été acceptés à l’affiliation. Il est alors souligné qu’il ne s’agit pas de rendre un bon devoir d’écolière en guise d’enquête, mais que cette dernière est un moyen pour elles de « connaître, d’influencer et de transformer le milieu rural »2998. Donc si l’enquête est bien faite, elle montrera ce qui ne va pas, ce qu’il faut changer et elle conduira à une action organisée.

Le premier congrès de la jeunesse féminine a lieu en juin 1937. Le chanoine Clavel souligne qu’il constitue « le lancement dans la jeunesse féminine des mouvements spécialisés »2999, pourtant des mouvements féminins sont déjà largement constitués. Après avoir présenté le nouveau fanion diocésain qui « sera le symbole de l’union des divers mouvements »3000, mademoiselle Forceville3001, présidente diocésaine, cède la place à Bénédicte Tissot3002, présidente de la jeunesse indépendante d’Annecy3003. Les jeunes jocistes bénéficient de la visite de l’abbé Rodhain, aumônier de la JOC3004. En 1937, des sections JECF et JICF sont présentes dans le diocèse, puisqu’elles bénéficient d’une présidente3005. Il semble que ces mouvements apparaissent en 1936. À cette date Mgr de La Villerabel écrit au chanoine Clavel : « Le Noël3006 fait partie de l’action catholique et correspond précisément à cette spécialisation que vous désirez fonder, dans ces milieux indépendants, bourgeois ou semi-bourgeois, qui ne sont à proprement parler ni ouvriers, ni agricoles, ni artisans, ni étudiants. Les Noëlistes3007 ont leurs méthodes particulières et ont comme but de “christianiser”, elles aussi, leur milieu, comme les JOCF par exemple, ont leur esprit propre et leur milieu d’action propre, tout en appartenant à la grande famille de la jeunesse catholique féminine. Ici, le Noël diocésain est fortement constitué, a des cadres solides, des œuvres florissantes, en un mot une organisation complète »3008. L’évêque demande donc au chanoine Clavel de ne pas créer de groupes JICF là où il existe déjà des comités noëlistes, cela ne « pourrait qu’engendrer une regrettable confusion »3009. Il ajoute « qu’en tant que groupe reconnu d’action catholique féminine – sorte de spécialisation réelle – le Noël fait partie, au même titre que toutes les spécialisations, de la grande famille diocésaine de jeunesse catholique, doit prendre comme tel, sa part d’action apostolique et conquérante et répondre à tous les appels adressés dans ce sens aux jeunes filles catholiques du diocèse »3010. Les mouvements étudiants et des milieux indépendants connaissent un démarrage plus lent. Au niveau national, ils sont constitués en 1931 pour la JECF et en 1935 pour la JICF3011.

Lors du congrès de 1939, elles sont deux mille à se réunir à Bonneville pour leur seconde manifestation3012. À cette occasion, il est rappelé que les jeunes filles du milieu rural sont environ un millier à se réunir sous la conduite de l’abbé Dufournet, leur aumônier, et Lucienne Pernet leur présidente3013. Le millier d’autres participants se répartissent dans les trois autres mouvements. Les étudiantes se divisent en deux groupes, celles des écoles primaires supérieures qui ont l’abbé Dechavassine comme aumônier, et celles des lycées, qui ont l’abbé Grenet comme aumônier. Tous les groupes sont visités par le chanoine Clavel, le vicaire général Bouvard, secrétaire du bureau diocésain des œuvres et représentant de l’évêque empêché, et par le chanoine Paravy, du diocèse de Chambéry.

Les apports de cette jeunesse spécialisée sont nombreux, notamment pour la vie personnelle de ses membres. Des innovations apparaissent comme les maisons familiales et rurales, qui se développent surtout au cours du conflit et où plusieurs jacistes prendront des responsabilités. Nous pouvons donc nous demander comment les différents mouvements spécialisés ou non réagissent aux évènements de la décennie 1930 dont l’issue est la guerre.

Notes
2986.

p. pierrard, Les laïcs…, op. cit., p. 216.

2987.

Ibid. Il rappelle qu’en août 1929, la JOCF compte 6 000 membres en 45 diocèses. En 1935, elles sont vingt mille adhérentes réparties en cinq cent quatre sections.

2988.

ADA. 1 D 21. Boîte Mgr de La Villerabel, n° 1. Lettre adressée à Mgr de La Villerabel par une femme. Aucun élément ne permet d’identifier la personne. Elle est datée de 1929. Cette personne écrit : « Je rentre de Thônes, ravie, enchantée, car nous venons d’y établir un nouveau groupement de quatorze jocistes qui ont promis de se doubler à brève échéance. M. le curé de Thônes et mademoiselle Sylvestre ont été admirables de condescendance et de dévouement. La chose a été littéralement enlevée ; présidente, secrétaire, trésorière ont été nommées immédiatement ». Elle demande à l’évêque de présider une réunion et lui écrit : «  … si vous ne présidiez pas le soir ou le matin ce serait d’un effet déplorable, non seulement pour le diocèse mais pour la fédération. Tous les évêques ou cardinaux président ces sortes de cérémonies en France. Pardon, Mgr de vous parler ainsi, mais c’est dans l’intérêt de vos œuvres et je vous … très humblement l’absolution de mon langage ».

2989.

Revue du Diocèse d’Annecy,n° 23, 10 juin 1937, p. 396.

2990.

f. richou, La JOC/F dans l’Ouest…, op. cit., p. 174. Les chiffres sont légèrement supérieurs à la fédération savoyarde qui compte mille quatre-vingts jeunes filles. Christian Sorrel rappelle que les statistiques présentées par Françoise Richou « font problème » puisque « la documentation locale contredit » les évaluations présentées par Françoise Richou. Alors qu’en 1940 Charles Bosson estime que la « fédération diocésaine comprend cent militants, groupe quatre cents membres aux assemblées générales et influence directement plus de milles jeunes ouvriers », F. Richou estime à plus de trois mille le nombre de travailleurs encadrés par la JOC en Haute-Savoie. Christian Sorrel s’interroge sur l’utilisation du terme « d’ encadrement ». En effet, est-il bien approprié ? Voir c. sorrel, Les catholiques..., op. cit., note 14, p. 416.

2991.

p. pierrard, Les laïcs…, op. cit., p. 216. Nous pouvons constater que le délai de formation de la JACF par rapport à la JAC (quatre ans) est plus long qu’entre JOCF et JOC (un an).

2992.

ADA. Document sans cote, en cours de classement. Sont affiliés les groupes de Le Cohennoz, Thonon, Sallanches-Saint-Roch, Hauteville-sur-Fier, La Roche-sur-Foron (1937), Montagny, Megève, Saint-Paul-en-Chablais (1938), Saint-Gervais-les-Bains, Minzier, Challonges (1939). Les paroisses de Challonges et de Sallanches bénéficient d’une école ménagère. Voir la carte en annexe n° 91.

Pierre Pierrard estime qu’en 1938, la JACF regroupe douze mille militantes réparties en six cent quarante sections.

2993.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 22, 1er juin 1939, p. 384. Le compte-rendu parle de plus d’un millier de jeunes filles.

2994.

Lettre aux sections JACF, n° 1, décembre 1938. Il s’agit d’une feuille de liaison entre les différents groupes féminins qui ne bénéficient pas des colonnes de Floraisons des Alpes, qui depuis 1935, sans doute pour des raisons économiques, paraît avec Le Clocher Savoyard. Les jeunes ruraux bénéficient sans doute à la même période de Correspondance fédérale. Malheureusement, nous ne connaissons ce journal que par un numéro retrouvé aux Archives départementales dans le cadre de l’information en temps de guerre. Aucun numéro n’est conservé ni aux archives diocésaines, ni dans celles des mouvements pour la période concernée ici. Madame Comoli, ancienne secrétaire de la JAC, puis du MRJC, a effectué des recherches qui se sont révélées infructueuses.

2995.

Lettres aux sections JACF, n° 1, décembre 1938.

2996.

Ce mouvement s’adresse aux jeunes de 12 à 16 ans et fait suite aux benjamines pour celles de 8 à 12 ans. Lettres aux sections, n° 7, juin 1939.

2997.

Lettres aux sections, n° 7, juin 1939.

2998.

Ibid., n° 4, avril 1939.

2999.

Ibid.

3000.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 23, 10 juin 1937, p. 395.

3001.

L’évêque lui réserve la place de secrétaire administrative en reconnaissance des services qu’elle a rendu à la jeunesse catholique féminine. ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel, n° 1. Lettre de Mgr du Bois de La Villerabel au chanoine Clavel, 5 juin 1937.

3002.

Mgr de La Villerabel dans une lettre adressée au chanoine Clavel rappelle que la constitution du comité diocésain de la jeunesse féminine se fait selon les « normes de spécialisation ». ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel. Lettre de Mgr du Bois de La Villerabel au chanoine Clavel, 5 juin 1937.

3003.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 23, 10 juin 1937, p. 396.

3004.

Ibid.

3005.

ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel, n° 1. Lettre de Mgr du Bois de La Villerabel au chanoine Clavel, 5 juin 1937.

3006.

Le Noël est constitué en 1902 dans le sillage d’une revue de la Bonne Presse portant ce titre. g. cholvy, « Les organisations de jeunesse d’inspiration chrétienne ou juive XIXe-XXe siècle », Mouvements de jeunesse chrétiens et juifs. Sociabilités juvéniles dans un cadre européen, 1799-1968…, op. cit., p. 23-24.

3007.

En 1932, le comité noëliste comporte deux cents personnes réparties en vingt-trois comités. L’Union Républicaine et Sociale, n° 79, 25 juin 1932.

3008.

ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Clavel, n° 1. Lettre de Mgr du Bois de La Villerabel au chanoine Clavel, 5 juin 1937.

3009.

Ibid.

3010.

Ibid.

3011.

p. pierrard, Les laïcs…, op. cit., p. 217. Il rappelle que c’est « en 1935 que la JICF reçoit mandat de l’Église pour l’évangélisation des jeunes filles de l’aristocratie, de la bourgeoisie et des classes moyennes ».

3012.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 22, 1er juin 1939, p. 384.

3013.

Ibid.