B. L’aide apportée aux enfants

La LFACF porte un soin particulier pour aider les enfants venus des régions les plus durement éprouvées par la guerre. Soit elle travaille de façon autonome, soit en collaboration avec le Secours National. En 1941, ce sont quatre cent quatre-vingts enfants qui sont placés dans des familles d’accueil. L’année suivante, ils sont six cent cinquante, et, en 1943, ils sont quatre cent trente et un. Un maximum semble être atteint en 1944, avec le placement de mille cinq cents enfants3879. La LFACF œuvre également en faveur des enfants juifs. En trois années, elle place quarante-cinq enfants dans « des familles catholiques »3880. Selon le rapport de l’activité du diocèse pendant la guerre, il est rappelé que ces placements se font avec « la haute approbation de Mgr l’évêque »3881, or il semble que cette affirmation soit sans doute exagérée. Mgr Cesbron, sans doute, n’a rien dit contre ces placements, mais en même temps, rien ne permet d’affirmer qu’il a donné son accord. Les ligueuses encouragent les familles chrétiennes à recevoir les petits citadins pour la durée des vacances. Cela leur permet ainsi de bénéficier d’une nourriture plus riche et plus importante, mais également de pouvoir retourner à leurs devoirs religieux. Mgr Cesbron exprime ce souhait lorsqu’il demande à ses diocésains de recevoir ces jeunes, estimant que cela leur permettra de retrouver « la vie chrétienne qu’ils ignorent trop souvent et une éducation qu’ils ne reçoivent malheureusement pas tous »3882. Cette idée de ramener les enfants vers leurs devoirs religieux est également partagée par les mouvements qui se trouvent dans les villes. Tel est le cas de la LOC lyonnaise qui « s’applique elle-même à répandre autour d’elle dans les quartiers ouvriers […] cette même éducation chrétienne »3883. C’est par un appel lancé dans la Revue du Diocèse d’Annecy que les ligueuses soulignent la nécessité de permettre à ces enfants de regagner la ville en « excellente santé et en état » afin qu’ils « puissent supporter les privations des grands centres urbains »3884. Mgr Cesbron donne immédiatement son approbation pour cette initiative, n’hésitant pas à demander à ses diocésains de « ne pas tarder pour répondre à la demande de la LFACF »3885.

Dès l’été 1942, ce sont mille deux cents enfants qui sont accueillis dans les familles chrétiennes du diocèse3886, pour des séjours de deux à trois mois. La Ligue ne manque pas de souligner que les enfants sont « assurés contre les accidents survenus à eux-mêmes ou qu’ils peuvent causer »3887. Les familles d’accueil sont indemnisées par un versement de la LOC. Cette dernière agit ainsi, afin que l’indemnité soit identique dans tout le diocèse3888, et qu’il n’y ait pas « de surenchère et [de] marchandage »3889. Ce phénomène est largement redouté par le comité de coordination mis en place par le Secours National. Les dédommagements semblent s’appliquer automatiquement pour les ruraux, alors que les familles plus aisées doivent en faire la demande3890. Les déplacements et les accompagnements des enfants sont payés par la LOC et le Secours National3891. La charité des ruraux est montrée comme un exemple à suivre. La LFACF « confiant[e] dans la charité de la Haute-Savoie qui s’est si magnifiquement manifestée chez [les] ruraux » espère que « les familles de la bourgeoisie comprenant la nécessité plus urgente que jamais de la fraternité chrétienne se feront inscrire »3892. Les enfants des familles ouvrières sont placés dans les campagnes, alors que ceux des familles bourgeoises ne quittent pas leur milieu puisqu’ils rejoignent les familles aisées principalement de la cité épiscopale. Il apparaît cependant qu’à l’élan rencontré en 1942 suive un ralentissement. En juin 1943, le chanoine Duval encourage les prêtres « à continuer leurs instances auprès des dames de la LFACF et [à] faire appel à toutes les bonnes volontés en faveur du placement d’enfants à la campagne »3893. Le directeur des œuvres rappelle que le diocèse « est chargé des enfants des quatre fédérations du Mouvement Populaire des Familles de Lyon (Lyon rive droite et gauche, La Croix Rousse et Villeurbanne) », et souligne que ce sont de « véritables supplications, des SOS, qui arrivent très nombreux au bureau de la Ligue à Annecy »3894. Le chanoine constate amèrement que les « adhésions des familles de la campagne sont moins nombreuses »3895 en 1943 qu’elles ne l’étaient l’année précédente.

Des personnes de bonne volonté, comme madame Gouilloud et sa fille, s’intéressent également aux enfants des zones sinistrées. En 1942, elles décident, en accord avec la JAC et le desservant du Grand-Bornand, d’accueillir soixante-trois petits dunkerquois3896. Mgr Cesbron approuve cette initiative et, en 1944, il incite ses diocésains à poursuivre leurs efforts en gardant les enfants qui se trouvent déjà chez eux et en leur demandant de prendre de nouveaux « petits réfugiés »3897.

Devant les bombardements, qui se font plus nombreux surtout vers la fin du conflit, la Ligue, en accord avec le Mouvement Populaire des Familles, demande aux familles rurales en charge d’enfants de bien vouloir les garder, afin d’éviter « une évacuation massive qui contraindrait à un hébergement obligatoire et immédiat »3898. L’établissement de listes de familles d’accueil provisoire permet ainsi d’avoir une organisation en cas de bombardements de villes, et ainsi un meilleur accueil des enfants. Le texte, lu en chaire, pour demander aux familles de venir en aide aux citadins, ne manque pas de souligner qu’il est préférable de recevoir les enfants rapidement afin d’éviter des situations dramatiques comme celles de juin 1940 avec ses tristes épisodes de l’exode3899.

Vers la fin de la guerre, un certain nombre de villes sont victimes de bombardements. La LFACF est avisée par la « direction du service des réfugiés du ministère de l’Intérieur »3900 qu’il serait nécessaire de garder les enfants dans les campagnes alors que d’autres sont susceptibles d’arriver. En janvier 1945, les familles d’accueil sont prévenues, par la LFACF, qu’elles recevront des « réfugiés d’Alsace »3901. La Ligue ne manque pas de souligner qu’elle travaille en collaboration avec l’office départemental des petits réfugiés. Ce dernier assure la question financière3902. L’accueil des enfants se poursuit tout au long de l’année. L’auteur d’un article de la Revue du Diocèse d’Annecy, du 8 juin 1945, se réjouit de « voir venir […] les petits enfants »3903. En effet, ce sont des centaines d’enfants qui arrivent de Lyon et de Paris, autour du 3 juillet3904. Cependant, il semble qu’environ cinq cents familles d’accueil manquent pour accueillir ces enfants. Un appel incite, une nouvelle fois, les diocésains à faire preuve, de charité. Une allocation est versée3905 à ces familles, ce qui montre que le registre n’est plus véritablement celui de la charité pure, mais bien plutôt d’une entr’aide.

Après avoir évoqué le travail, et la charité mis en place par les mouvements pour venir en aide aux plus démunis, intéressons nous aux prisonniers de guerre. À leur retour, ils ne retrouvent pas la France qu’ils ont quittée en 1940, et surtout ils sont victimes de vexations nombreuses par rapport à la défaite dont un certain nombre de Français les accablent. Pourtant tout au long du conflit, les prisonniers sont présents à la fois dans les intentions de prières mais également dans les manifestations de charité.

Notes
3879.

ADA. Boîte guerre 1939-1945. Rapport sur l’activité du diocèse…, op. cit., p. 3.

3880.

Ibid.

3881.

Ibid.

3882.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 24, 11 juin 1942, p. 371.

3883.

Ibid.

3884.

Ibid., n° 12, 1er avril 1943, p. 180.

3885.

Ibid.

3886.

Ibid.

3887.

Ibid.

3888.

À savoir 150 francs.

3889.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 24, 11 juin 1942, p. 371.

3890.

Ibid., n° 18, 13 mai 1943, p. 279. « Les personnes qui le désireront pourraient bénéficier d’un dédommagement en rapport avec leurs difficultés ».

3891.

Ibid., n° 12, 1er avril 1943, p. 181.

3892.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 12, 1er avril 1943, p. 181.

3893.

Ibid., n° 22, 10 juin 1943, p. 341.

3894.

Ibid.

3895.

Ibid.

3896.

Le cultivateur savoyard, n° 46, 12 novembre 1942.

3897.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 10, 9 mars 1944, p. 350.

3898.

Ibid., nos 33-34, 23-30 septembre 1943, p. 477.

3899.

Ibid.

3900.

Ibid.

3901.

Ibid., n° 4, 25 janvier 1945, p. 53.

3902.

Ibid.

3903.

Ibid., n° 23, 8 juin 1945, p. 227.

3904.

Ibid.

3905.

Revue du Diocèse d’Annecy,n° 23, 8 juin 1945, p. 227. Le montant varie entre 600 et 700 francs.