Il n’est pas aisé de connaître la position précise de Mgr Cesbron, arrivé dans le diocèse en 19404060. Les Archives diocésaines, largement lacunaires pour la période de la guerre, n’offrent que peu de documents pour tenter de comprendre comment cet évêque réagit face à la situation, notamment quand il doit faire face à l’assassinat de plusieurs de ses prêtres. Nos propos se basent sur l’étude des documents imprimés que nous avons consultés ainsi que sur quelques documents écrits plus personnels, ou encore sur lee témoignages de prêtres. Mais à l’exception des écrits, il ne s’agit pas réellement de documents permettant de saisir véritablement l’attitude de Mgr Cesbron. Il faut également souligner que Mgr Cesbron est déjà atteint par la maladie pendant la guerre. Son absence à plusieurs manifestations du régime est-elle dûe à la maladie ou marque-t-elle véritablement son opposition de plus en plus affirmée ?
En 1940-1941, comme une majorité de Français et d’évêques, Mgr Cesbron semble enthousiaste – pour ne pas dire fervent – face au nouveau régime, prônant des valeurs chrétiennes, qui se met en place. En 1942, il paraît se détacher de son enthousiasme des premiers mois, refusant de participer à la cérémonie de création du SOL4061 et interdisant à ses prêtres d’y paraître. La messe dominicale étant célébrée, à la basilique de la Visitation4062, par un bénédictin d’Hautecombe. Cette prestation de serment est proche de la baignade du comte de Menthon, qui a eu pour cible l’ancien président national de l’ACJF. Mgr Cesbron refuse d’honorer de sa présence une cérémonie dont certains membres ont eu l’indélicatesse de s’en prendre à un ancien responsable national de l’action catholique. Sa prise de position ne semble pas lui avoir attiré d’ennuis de la part des légionnaires. Il nous semble nécessaire de présenter cet événement qui a un certain retentissement dans le diocèse.
François de Menthon affirme rapidement ses opinions résistantes. Il n’hésite pas à défiler le 1er mai 1942, avec femme et enfants pour répondre à l’appel lancé, par le mouvement ouvrier de Londres, sur les ondes de la BBC. Il est reconnu parmi les manifestants. Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, la statue de saint François de Sales, patron du SOL, est peinte en rouge alors que le tilleul planté en l’honneur du Maréchal est coupé. Il n’y a qu’un pas pour penser que Menthon est lié à ces deux incidents. Des membres du SOL, parmi lesquels le catholique de La Ney du Vair, fabriquent une fausse convocation à l’intention de François de Menthon. Par celle-ci, il est invité à se rendre à l’Hôtel de Ville d’Annecy. Une fois arrivé devant la bâtisse, des légionnaires le jettent dans la fontaine sise devant la mairie. L’affaire est rapportée par le syndicaliste Viret4063 ; la préfecture ayant donné l’ordre aux journalistes de ne pas parler de l’incident. L’affaire est connue à Londres, et à Vichy. Dans la cité britannique, la voix de la France Libre la présente afin de montrer les exactions des gens de Vichy, et dans la capitale de l’État Français, les légionnaires sont sermonnés, et par là entraînent la révocation du général Cartier, maire d’Annecy, à qui l’on reproche d’avoir laissé prendre du papier à en-tête de la mairie et d’avoir imité sa signature.
À l’évidence, cette affaire a un retentissement local important car comment les catholiques savoyards peuvent rester insensibles à ce qui arrive à François de Menthon, premier président de la jeunesse catholique d’après-guerre. C’est lui qui réorganise le mouvement grandement ébranlé par le conflit, c’est également lui, qui invite les jeunes à se mobiliser pour empêcher le départ des Clarisses d’Évian-les-Bains4064, et pour faire échouer la politique du Cartel des gauches. Enfin, la spécialisation des mouvements, qui ouvre une nouvelle voie, prospère et dynamique à l’ACJF, a lieu alors que Menthon est président national du mouvement. De plus, les hommes influents de cette période, sont pour un certain nombre passés à l’école de l’ACJF, que ce soit au temps de Tapponnier ou de Menthon. Sans aucun doute, les légionnaires n’ont pas pensé que leur acte se retournerait contre eux, justement parce qu’ils avaient choisi Menthon comme cible. Nous ne serons donc pas étonnés de constater qu’Édouard Pochat, président de la Légion de Thônes donne sa démission à ce moment-là4065. Son attitude n’est sans doute pas isolée dans le monde catholique savoyard d’alors. Il semble qu’une part importante des catholiques prennent conscience des dangers que peuvent représenter les organisations de Vichy. Cette baignade marque probablement l’affirmation de l’entrée dans la résistance de la Vallée de Thônes par exemple4066.
En 1943, Mgr Cesbron n’assiste pas, comme aucun de ses prêtres, à l’assemblée constitutive de la Milice française de Haute-Savoie4067. Ce refus s’inscrit dans le détachement progressif du soutien de Mgr Cesbron à Vichy. Ayant refusé de participer à la cérémonie du SOL, comment aurait-il pu participer à la création de la Milice4068 ? Dans ces différentes attitudes faut-il voir son détachement face à la politique de Vichy, tout en conservant de l’estime pour le maréchal Pétain ? Ou alors prend-il conscience qu’un soutien trop soutenu aux organisations armées de Vichy risquerait d’être compromettant pour lui ?
Sa lettre pastorale de 1943 évoque pourtant l’arrivée providentielle du Maréchal, et le bien fondé de la devise de l’État Français. Veut-il par là dresser un bilan des trois années passées, et ainsi montré que les promesses de l’an 1940 n’étaient que de doux rêves dont les Français se sont bercés jusqu’à l’invasion de la zone sud ? Lorsque la Légion offre un vitrail évoquant une scène de la vie de saint François de Sales, à la basilique de la Visitation, Mgr Cesbron accepte de se rendre à la cérémonie pour clore la neuvaine et non pour inaugurer le vitrail. Pour lui, cette inauguration serait une manifestation trop politique.
Nous avons vu précédemment qu’il ne donnait aucune directive précise aux jeunes concernés par l’épineuse question du STO. Sans doute souffre-t-il de ces querelles qui divisent ses diocésains, mais pour lui le respect de l’autorité et l’obéissance sont les deux maîtres mots pour vivre la situation. Cependant, en 1944, son attachement à l’obéissance s’il est toujours présent semble se charger, de plus en plus de prudence. C’est au cours de cette année tragique, qu’il semble le plus affirmer son détachement à Vichy. Selon le chanoine Duval, alors vicaire général, Mgr Cesbron serait intervenu en faveur des prisonniers de la prison d’Annecy jugés par la cour martiale, le 4 mai 1944. Les neufs résistants étaient aux Glières, cinq sont exécutés dans les vingt-quatre heures, alors que les quatre autres attendent leur exécution. Toujours d’après le chanoine Duval, l’évêque « dépêchait le vicaire général Fuzier auprès du […] Nonce Apostolique [et] du directeur du secrétariat de l’Épiscopat, pour leur demander d’intervenir auprès du gouvernement ». Cette démarche « sauva les survivants et ne fut pas inutile pour arrêter la Patrie dans le cycle infernal des représailles inutiles »4069.
Les interventions de l’évêque se font plus nombreuses, à l’approche du débarquement. L’affirmation de son détachement total face à Vichy intervient à l’occasion de la messe de Requiem pour Philippe Henriot, à laquelle il refuse d’assister. Cette cérémonie n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes à l’épiscopat ; Philippe Henriot étant un fervent catholique4070, orateur de la FNC avant la guerre. Dans son journal clandestin, l’imprimeur annécien Dépollier note que « la Milice a été profondément vexée par cette abstention qu’elle considère comme voulue »4071. Cette vexation semble même être connue au niveau national, puisque le journal milicien Combats n’hésite pas à coucher sur le papier les reproches faits à Mgr Cesbron. Dans son numéro du 22 juillet 1944, Combats rappelle que « la prudence a toujours été une vertu sacerdotale », et qu’à ce jour les Français peuvent « compter sur le clergé français pour la mettre en pratique. Témoin de cette attitude : personne parmi les autorités civiles et militaires de la ville a cru pouvoir se dispenser d’y assister. Seul l’évêque […] Mgr Cesbron jugea qu’il se compromettrait en présidant la cérémonie dédiée à la mémoire d’un grand catholique, et il s’abstint d’y paraître. Car, Mgr Cesbron conserve soigneusement ses habits d’apparats pour le jour tant attendu où le général de Gaulle fera son entrée dans son diocèse »4072. L’auteur termine en demandant à l’évêque s’il « a le sentiment d’avoir accompli jusqu’au bout son devoir de prêtre et de chrétien »4073. Selon Dépollier, Mgr Cesbron se serait adressé à la Milice pour « protester contre cet article, et exprimer son vif mécontentement »4074.
La messe de Requiem pour Henriot n’est pas la seule manifestation du refus de Mgr Cesbron. En effet, il s’abstient d’assister à la cérémonie d’hommage destinée à honorer la mémoire du docteur Desplanches, milicien, et chef de centaine à Faverges, tué fin juillet 1944, non loin d’Annecy. Il est abattu alors qu’il vient donner des soins à un Franc-Garde, blessé par la résistance, à la sortie de la messe.
Le chef départemental de la Milice, Yvan Barbaroux, adresse un courrier à l’évêque le priant de bien vouloir relever de sa présence la cérémonie qui aura lieu, le 2 août 1944, à Annecy. En marge de la lettre, Mgr Cesbron note « Je n’assiste pas ! »4075. Le milicien espère pourtant que la venue de l’évêque rassurera les fidèles, et les éclairera sur le véritable chemin4076. Quelles sont les raisons qui poussent Mgr Cesbron à refuser d’assister aux obsèques ? Sans doute n’a-t-il pas apprécié que sa présence soit utilisée comme pour donner une certaine légitimité à la Milice. En effet, dans sa lettre, Barbaroux donne l’impression que la présence de l’évêque permettrait d’accroître l’audience de la Milice, bien que celle-ci soit loin d’être appréciée dans le diocèse, depuis le printemps, et surtout à cette période de l’année 1944. A-t-il l’impression que la fin de la guerre est proche, que le département est très ancré dans la résistance, et donc que sa présence à une cérémonie pour un milicien pourrait être perçue comme un signe de sympathie à l’encontre des sbires de Darnand ? À propos de ce refus, Dépollier écrit que la Milice « aurait “sommé” l’évêque » d’assister au service anniversaire de Desplanches, « faute de quoi, il pourrait lui arriver de graves ennuis »4077. Cette hypothèse est-elle fondée ou porte t-elle sur des « on dit » ? Il ne semble pas que Mgr Cesbron subisse des conséquences de cet acte. Soulignons que l’évêque n’assiste à aucune cérémonie funéraire, qu’ils s’agissent de miliciens ou d’inspecteurs de police. En effet, en novembre 1943, le chef départemental de la Milice, Gaston Jacquemin, est tué à Thônes. Une cérémonie funéraire est organisée à Annecy, et l’évêque n’y paraît pas. En mars 1944, Philippe Henriot se rend à Annecy, pour honorer la mémoire des inspecteurs de la Section Anti Communiste, tués en janvier, à Saint-Laurent, non loin de La Roche-sur-Foron. À cette occasion, l’évêque ne semble pas être présent à la cérémonie. N’avait-il pas été convié à y participer4078 ? Ou alors les miliciens ne jugeaient pas utile à ce moment-là de bénéficier du soutien épiscopal, estimant que leurs forces étaient suffisamment puissantes, et n’avaient pas besoin de propagande.
Il n’est pas inutile de souligner que les prises de position épiscopales interviennent, principalement, après le 6 juin 1944. C’est par exemple, le 17 juillet que Mgr Cesbron demande aux autorités allemandes de mettre un prêtre aux côtés des condamnés à mort4079. Pourquoi attend-il le mois de juillet pour intervenir alors que dès, le mois de janvier 1944, un nombre important de maquisards ou de résistants sont passés par les armes4080. C’est le 20 janvier 1944 que les cours martiales sont instituées, et leur jugement est exécutoire dans les vingt-quatre heures. La demande de Mgr Cesbron intervient le lendemain de l’exécution du RP Favre. Sans doute n’y-a-t-il pas de liens réels entre l’exécution du prêtre, et la demande de l’évêque, mais s’agit-il pour autant d’une simple coïncidence ? L’évêque prend-il conscience à ce moment-là de la détresse dans laquelle se trouvent les condamnés à mort ? Dans la lettre qu’il adresse au préfet Marion, Mgr Cesbron rappelle que « plusieurs fois, des prisonniers ont été passés par les armes par les autorités d’occupation, sur le champ de tir de Sacconges. Parmi ces malheureux, il y avait des Catholiques et ils n’ont pas pu voir un prêtre avant de mourir »4081. L’évêque exprime alors le « désir que l’autorisation soit donnée à un prêtre de voir, avant leur exécution, les prisonniers que l’on doit passer par les armes »4082. Le préfet accepte d’être l’intermédiaire entre Mgr Cesbron et le chef de la police allemande. Cependant, il ne réussit à obtenir qu’un « “Non” catégorique »4083. Le refus s’explique par le fait que cela n’a pas lieu « pour les nationaux Allemands, et que par conséquent, cela ne saurait se faire pour des Français terroristes »4084. Le préfet ajoute qu’il estime qu’il est « inutile et inopportun d’insister actuellement »4085. Toutefois, le 28 juillet, Marion informe Mgr Cesbron qu’il peut s’adresser à l’aumônier allemand. C’est dans ce dessein qu’il met un traducteur à sa disposition4086. Le 31 juillet, Mgr Cesbron informe le préfet de sa future visite à l’aumônier, qui « entend suffisamment le français pour que la question soit traitée directement »4087. Nous n’avons aucune information concernant cette entrevue. Nous ne sommes pas en mesure de dire si elle a eu lieu ou non. Si elle a eu lieu, nous ne savons pas ce qu’il en est ressorti. Cependant nous savons qu’une nouvelle exécution a lieu, le 10 août, à Sacconges, parmi lesquels de nombreux FTP. Ont-ils été assisté par un prêtre ?
Le 24 juin 1944, l’évêque adresse à ses prêtres une lettre dans laquelle il leur recommande d’être unis, et de se réunir autour de leurs archiprêtres, car les « heures graves, tragiques peut-être, sont arrivées ». Il leur demande de ne plus penser à leur douleur mais de se tourner vers celles des autres, de tous ces cœurs endoloris qui se présentent à eux4088. Il les incite à ne pas se laisser « accaparer par les soucis du moment, si captivants qu’ils puissent être, ici ou là ». Ils doivent rester « libres d’action et de pensée, comme doivent l’être des hommes d’éternité. Il est si facile, aujourd’hui […] de prendre des attitudes qui [les] feraient passer pour des violents ». Mais ils ne sont « pas d’un parti », ils sont « des Français, prêtres de l’Église catholique », ils sont « de Dieu ! ». Il termine en écrivant : « Si nous nous laissions entraîner par les préoccupations qui agitent tant d’hommes en un redoutable tourbillon, nous ne ferions qu’y apporter, pour tel ou tel, un prétexte à colère et vengeance, une cause de scandale peut-être ou de surprise et d’éloignement pénible. D’autres sont là qui sont attentifs à tous ces changements rapides des hommes, des choses, des événements, du présent et de l’avenir ; laissons-leur ces soins. À chacun sa place, à chacun son rôle »4089. Dans ces recommandations, Mgr Cesbron montre, une nouvelle fois, sa grande prudence, mais également la difficulté pour les prêtres qui ne doivent pas faire passer l’homme avant le prêtre, mais bien le prêtre avant l’homme.
Le 19 août 1944, les seules forces de la résistance libèrent la ville d’Annecy, faisant ainsi de la Haute-Savoie, le premier département français libéré par la seule résistance4090. La Libération se passe sans trop de heurt, même si deux personnes sont tuées par des balles perdues. L’AS, représentée par le commandant Nizier, obtient rapidement, et sans coup de feu la reddition de la garnison allemande d’Annecy, commandée par le colonel Fritz Meyer. La situation aurait été différente si ce dernier avait appliqué les instructions de ses supérieurs. Dans une lettre qu’il adresse à Mgr Cesbron, en 1946, le colonel Meyer déclare que c’est par « hasard et en confiance par un fonctionnaire de la Gestapo » qu’il appris en août 1944, « qu’une liste d’otages [avait été] établie »4091. Il poursuit en déclarant que « l’arrestation d’une soixantaine des meilleurs citoyens de la ville, à la tête, le Préfet et Votre Éminence devait s’effectuer au moment critique »4092. Il semble donc que le sang-froid de cet officier soit à l’origine des bonnes conditions dans lesquelles se passent la reddition et la libération. En tant que catholique, il a refusé de prendre en otage l’évêque4093.
De grandes manifestations patriotiques sont célébrées à l’occasion de la Libération. Par un communiqué, qu’il fait lire en chaire dans toutes les églises4094, Mgr Cesbron manifeste sa joie. Le ton qu’il utilise, à cette occasion, tranche très nettement avec celui qu’il a utilisé tout au long du conflit, et qui se rapprochait de la prudence. Comme en 1940, le clergé avait vu dans la non invasion du diocèse une intervention divine, il voit dans ces événements une intervention divine. Mgr Cesbron, remerciant ceux qui ont permis cette libération du joug allemand, est heureux de « faire un pieux hommage […] au Dieu tout-puissant qui mène les événements et les hommes et à nos Saints très chers qui nous ont protégés »4095. L’auteur de l’article paru dans le journal du CDL souligne que l’évêque a « fort bien compris son devoir de prêtre et de chrétien, ennemi de la délation, de la violence, de la torture et du mensonge »4096. La rédactrice des annales de la Visitation ne semble pas partager la liesse populaire, car pour elle les « libérateurs font surtout honneur à la bouteille », et le « mouvement communiste s’accentue »4097. Elle rapporte que « c’est la complète anarchie », que le département court à la « révolution », car il « a la triste gloire d’être le premier département livré au communisme. Aussi aura-t-il le premier comité de ce genre, formé de deux communistes, deux socialistes, deux du Front Populaire, etc. »4098. Nous retrouvons ici l’anticommunisme évoqué précédemment, mais également le cliché selon lequel la résistance ne serait constituée que par les communistes4099. Les craintes de la Visitandine ne sont pas fondées puisqu’un certain nombre de catholiques participent au CDL4100. De plus, le préfet de la Libération n’est autre qu’Irénée Revillard, membre de la Conférence Saint-Vincent-de-Paul. En novembre 1944, Mgr Cesbron, malade, ne peut accueillir le général de Gaulle, venu rendre hommage aux combattants des Glières, et à la résistance plus largement ; il délègue à cette occaion, Mgr Pernoud4101, pour recevoir le chef du gouvernement provsoire.
Comme nous avons pu le constater, l’évêque reste prudent jusque tard dans l’année 1944. Quelles sont les raisons de son silence ? Sans doute choisit-il la prudence afin de ne pas attirer d’ennuis à ses fidèles, à ses prêtres, et à lui-même. Il poursuit inlassablement sa tâche apostolique, en tentant de faire fleurir les écoles libres, mais également en encourageant l’action catholique. Son vicaire général, Léon Duval, rappelle qu’il a « travaillé dans le sens voulu par Mgr Cesbron : développement de la vie spirituelle, des mouvements d’action catholique, des écoles chrétiennes, réflexion sur les événements extérieurs »4102. Nous remarquons donc que l’évêque ne se préoccupe que très peu des questions politiques. Sans doute cela provient de son éducation, mais nous pouvons également nous demander s’il n’est pas satisfait que l’Église retrouve une place dans la société. À partir de 1942, il prend la précaution de ne participer qu’aux cérémonies qui ont trait à la religion. Il prend part à la cérémonie de réparation à saint François de Sales, en 19424103. Il participe à l’inauguration de la statue de Jeanne d’Arc en 19434104, parce qu’il s’agit d’honorer la sainte. Contrairement à une idée reçue qui circule dans le diocèse, Mgr Cesbron n’a pas fait partie de la liste des évêques dont Bidault demandait le retrait4105. Plusieurs personnes interrogées souligne que Mgr Cesbron aurait rattrapé son attitude prudente de la guerre, en 1945, lors des obsèques de Camille Folliet4106. À cette occasion, il a fait un éloge du prêtre et de la résistance.
Même si l’évêque a eu une attitude prudente tout au long du conflit, il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de ses prêtres ont pris position pour la résistance ou l’aide aux personnes traquées, comme nous l’avons vu précédemment. Un certain nombre d’entre eux joue également un rôle dans la libération des paroisses, mais également dans l’épuration.
Christian Sorrel rappelle à juste titre que « si l’itinéraire de Mgr du Bois de La Villerabel ne comporte guère de zones indécises, même après son départ d’Annecy, il n’est pas de même pour Mgr Cesbron que l’adjectif “prudent”, sans être inadéquat, ne suffit pas à qualifier. L’homme qui s’efface derrière la fonction, semble ne s’être jamais livré, sous réserve de la découverte hypothétique de correspondances ou de journaux intimes, et il n’est pas aisé de préciser et d’expliquer les inflexions d’un parcours qui le conduit du maréchalisme sans originalité dans l’épiscopat français et la société haut-savoyarde mais aussi sans exaltation particulière, à une prise de distance contenue face au régime et à une adhésion à la Libération plus nette que chez nombre de ses collègues. Prend-il en compte, en pasteur avant tout, les réalités de son diocèse, théâtre d’une violente guerre civile à laquelle les catholiques sont mêlés dans les deux camps, même si les résistants sont plus nombreux que les miliciens ? » c. sorrel, « Le catholicisme haut-savoyard… », in Les chrétiens en Haute-Savoie. Ombres et lumières …, op. cit., p. 199.
p. mouthon, Résistance, occupation…, op. cit., p. 303.
Ibid., p. 304.
Sur cette question voir Paul viret, L’affaire François de Menthon, Annecy, Gardet et Garin, 1945, 48 p. Le 12 mai 1942, le compte-rendu hebdomadaire de la censure d’Annecy rappelle qu’un « article concernant les événements qui se sont passés dans la nuit du 1er au 2 mai est supprimé » dans La Croix de la Haute-Savoie et dans la Revue du Diocèse d’Annecy. ADHS, 8 W 15. Voir annexe n° 98.
Cf. supra, p. 228 et suiv. pour la réorganisation de la jeunesse catholique ; p. 239 et suiv. pour l’affaire des Clarisses.
Est-il nécessaire de rappeler que c’est dans cette ville que s’est tenue la première réunion de l’ACJF d’après-guerre. Édouard Pochat s’y trouvait alors en temps que membre de la jeunesse catholique du Grand-Bornand. En 1925, il devient président de l’ACJF de l’arrondissement d’Annecy, et de fait, vice-président du mouvement.
Soulignons également que des enfants de François de Menthon étaient scolarisés au collège de Thônes. Entretien avec J. Golliet.
Le cultivateur savoyard, 4 mars 1943.
Mgr Mesguen, évêque de Poitiers, bénit une colonne de miliciens. e. fouilloux, Les chrétiens…, op. cit., p. 206.
Oraison funèbre de Mgr Cesbron prononcée par Mgr Duval, archevêque d’Alger, 27 juillet 1962, p. 12.
Annales écrites de la Visitation. 1943-1945. Document Monastère de la Visitation, 28 juin 1944. Les religieuses notent : « Nous apprenons la mort d’un bon serviteur de notre pauvre France, M. Philippe Henriot, ministre de la Propagande, que notre Très Supérieure Honorée Mère recommande à nos prières ».
ADHS, 1 Mi 162 R1. Cahier n° 5 : 28 mai-11 novembre 1944.
Ibid.Article de Combats, 6 août 1944.
Combats, 6 août 1944.
ADHS, 1 Mi 162 R1. Cahier n° 5 : 28 mai-11 novembre 1944.
ADA. Boîte Meynet. 1939-1945. Lettre adressée par Yvan Barbaroux, chef départemental de la Milice à Mgr Cesbron, 31 juillet 1944.
Ibid.
ADHS, 1 mi 162 [R1] : Cahier n °5 : 6 août 1944.
Les archives diocésaines ne comportent pas de documents relatifs à ces cérémonies. Des lettres ont-elles été adressées à Mgr Cesbron puis détruites ? Ou n’a-t-il jamais été contacté pour participer à ces cérémonies ?
ADA. Boîte 1939-1945. Lettre de Mgr Cesbron au préfet, 17 juillet 1944.
Nous pensons notamment à l’exécution des membres du Corps franc Simon, au quartier de Galbert.
ADA. Boîte 1939-1945. Lettre de Mgr Cesbron au préfet, 17 juillet 1944.
ADHS, 22 W 9. Lettre de l’évêque au préfet, 17 juillet 1944.
ADHS, 22 W 9.Lettre du préfet à l’évêque, 20 juillet 1944.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid.Lettre de l’évêque au préfet, 31 juillet1944.
ADA. 1 D 22. Boîte Mgr Cesbron, n° 3. Lettre du 25 juin 1944.
Ibid.
Les anglo-américains, débarqués en Provence le 15 août, se trouvent à Grenoble le 19 août, et ils arrivent à Annecy le 22 août.
ADA. Boîte Meynet. 1939-1945. Lettre du colonel Meyer à Mgr Cesbron, 27 septembre 1946.
Ibid.
Ibid.
La Libération, n° 11, 5 septembre 1944.
Ibid.
Ibid.
Annales écrites de la Visitation. 1943-1945. Document Monastère de la Visitation, 19 août 1944.
Ibid. 22 août 1944. Nous ne sommes pas en mesure de savoir si l’opinion de la rédactrice est partagée par nombre de ses consœurs.
Il faut souligner que, pendant un certain temps, les Britanniques ont été hésitants avant d’envoyer les parachutages d’armes. Ils avaient peur que les Communistes ne prennent le pouvoir grâce à ces envois d’armes. Lors de sa venue à Annecy, le général de Gaulle déclare au lieutenant Jourdan, seul officier rescapé des Glières, que c’est grâce à eux qu’il a pu obtenir d’importants parachutages d’armes. Entretien avec L. Jourdan.
Louis Martel, par exemple, représente le PDP au sein du CDL.
ADA. 1 D 21. Boîte Mgr Cesbron, n°1. Dans une note manuscrite datant d’octobre 1944, Mgr Cesbron note qu’il ne peut se rendre au séminaire pour y recevoir les nouveaux élèves car il doit aller à la clinique à Lyon pour y subir une opération. La Revue du Diocèse d’Annecy du 28 septembre 1944 annonce que « l’évêque a dû s’absenter quelques temps pour raison de santé. Celle du 21 octobre 1944 rappelle qu’en « l’absence de … Mgr Cesbron, empêché par son état de santé », les ordinations ont été faites par Mgr Duc, coadjuteur de Mgr Grumel, évêque de Saint-Jean-de-Maurienne.
Notes du Cardinal Duval adressées en 1987 à Monsieur Christian Sorrel. Document communiqué par Ch. Sorrel.
La statue de saint François de Sales, patron du SOL, a été peinte en rouge pendant la nuit du 1er au 2 mai 1942, alors que le tilleul planté en l’honneur du Maréchal était coupé. Ces deux incidents sont à l’origine de la « baignade » du comte de Menthon. Voir annexes nos 97 et 98.
Voir annexe n° 99.
Sur cette question voir André latreille , De Gaulle, la Libération et l’Église catholique, Paris, Cerf, 1978.
Ce dernier, après avoir été travaillé dans les usines parisiennes, revient en Savoie où il participe, en tant qu’aumônier, aux combats pour la Libération des Alpes. Alors qu’il se trouve au Roc Noir, il se porte volontaire pour aller chercher un blessé, mais il est blessé. Ramené dans les lignes françaises, il est transporté à l’hôpital militaire d’Aix-les-Bains, mais il décède quelques jours plus tard.