Comme en 1901, les cantons préalpins composent principalement les zones de forte pratique4700. Pour beaucoup, ils sont également les lieux d’origine des prêtres, des religieux ou des religieuses. Dans ces cantons, la pratique des adultes s’accompagne d’un fort respect du baptême et de la catéchisation des enfants4701, même si des dénivellations apparaissent. Les taux de scolarisation d’enfants dans les établissements privés sont les plus élevés dans ces cantons4702. Le canton de Rumilly semble être le plus respectueux du baptême avec 0,16 %4703 des enfants qui ne sont pas et ne seront pas baptisés4704. Le canton d’Annecy Sud, quant à lui, offre le plus fort taux d’enfants non baptisés avec 0, 78 % des enfants qui ne recevront jamais le baptême.
Sont placés dans cette zone, les cantons dont le taux moyen de la pratique pascale est d’environ 60 % alors que celui des messalisants s’approche des 50 %. Au nord du diocèse, les cantons d’Abondance et du Biot maintiennent leur fort attachement déjà évoqué en 1901. Le taux de pascalisants pour ces cantons est de 82,43 % et 73,85 % alors que celui des messalisants est de 68,72 % et 62,55 %4705. Plus au sud et au centre du diocèse, les cantons de Cruseilles, de Rumilly, d’Annecy Nord et Sud, de Thorens, de Sallanches et de Thônes forment un ensemble encore attaché à la pratique4706. Cet ensemble, situé principalement dans les Préalpes et en partie dans l’avant-pays, se partage par rapport à la pratique pascale ou à celle des messalisants. Le canton de Thônes, par exemple, est celui qui a les taux de messalisants et de pascalisants4707 les plus importants du diocèse : c’est également ici que la différence entre les deux est la plus faible (2,9 %). De la même façon, ce sont dans les paroisses de la vallée de Thônes que les différences de pratique entre les hommes et les femmes sont les moins élevées. Les cantons de Boëge et de Frangy, situés à la limite des Préalpes et de l’avant-pays, présentent des taux de pascalisants et de messalisants respectivement de 64,94 % et de 54,72 % (Boëge) et de 63,47 %, et de 54,05 % (Frangy)4708. Ils peuvent ainsi être classés parmi les cantons dont l’attachement à la religion reste au dessus de la moyenne diocésaine, même si leurs taux sont légèrement plus bas que dans les cantons cités précédemment.
Nous souhaitons faire une présentation de ces différents cantons en utilisant l’élément géographique4709 et en débutant par les Préalpes du Chablais. Ces dernières, comme en 1901, comptent deux cantons dont la pratique est assez élevée. Comme souvent, la pratique des femmes est plus importante que celle des hommes, et les écarts entre les deux sexes ne sont pas forcément parmi les plus bas du diocèse. Si à Abondance la différence entre les pascalisants et les pascalisantes est inférieure à la moyenne diocésaine, la situation est différente pour le Biot, où le taux est supérieur à cette moyenne4710. Dans le cas de l’assistance à la messe dominicale, les taux de ces deux cantons sont supérieurs à la moyenne diocésaine (17,62 %)4711. Quoi qu’il en soit, ces deux cantons des Préalpes du Chablais comptent parmi les meilleurs du diocèse avec une forte pratique pascale et un fort taux de messalisants. Abondance conserve une avance non négligeable sur son voisin du Biot, puisque le taux de pratique pascale des adultes est de 82,43 % dans le premier cas et de 73,85 % dans le second. Dans une moindre mesure, un phénomène semblable se rencontre avec les messalisants puisque les taux sont de 68,72 % et de 62,55 %.
L’étude de la pratique par tranches d’âge montre, dans les deux cas, que celle des hommes diminue très fortement, et de façon assez nette jusque vers l’âge de soixante-cinq ans, période où elle remonte très clairement4712. Cette diminution existe également chez les femmes, mais de manière nettement moins importante ; le taux de pascalisantes passe de 96 % à 91 % entre les 15-19 ans et les plus de soixante-cinq ans. Si ces cantons offrent un taux de pratique plutôt élevé, il n’en reste pas moins que leur attitude face à la communion reflète un fort attachement à la pratique ancienne. Les cantons d’Abondance et du Biot ont des taux de cénalisants particulièrement faibles, ce qui peut surprendre lorsque l’on connaît leur pratique générale. Dans le premier, seuls 5,04 % des hommes communient alors que 46,78 % des femmes s’approchent de la Sainte Table ; dans le cas du Biot, les taux sont encore plus faibles, puisque ce sont seulement 3,82 % des hommes et 29,14 % des femmes qui communient. La moyenne diocésaine est respectivement de 14,22 % pour les hommes et de 42,52 % pour les femmes.
Le canton de Thônes, situé dans les Préalpes des Bornes, montre une attitude proche de ceux du Chablais, même si dans la vallée de Thônes, tous les taux obtenus sont les meilleurs du diocèse, et parfois même largement supérieurs à ceux des autres « bons cantons ». Comme nous l’avons déjà évoqué la vallée de Thônes accorde un intérêt particulier à la défense de la religion, comme elle l’a montré en 1793, en 1906 ou encore en 19084713. En 1961, le père Daille rappelle que le relief incite à un habitat dispersé et peut avoir une influence sur la non pratique, bien que celle-ci soit tout de même assez faible4714. Il souligne en effet que nombreuses sont les habitations à être situées à plusieurs kilomètres de l’église4715, et il ajoute qu’en été, du fait des alpages, ces distances peuvent être largement multipliées par deux4716. Le canton de Thônes maintient la position qu’il occupait déjà en 1880 et en 1901, même s’il était alors devancé par le canton d’Abondance. Quoi qu’il en soit, tout au long du XXe siècle, ce canton affirme très nettement son attachement à la foi qui avait déjà été louée en son temps par Mgr de La Villerabel lors de l’inauguration du collège de Thônes4717. La population masculine a un taux de pratique nettement supérieur à la moyenne diocésaine4718 et la différence de pratique entre les hommes et les femmes est la plus basse du diocèse4719. Les taux féminins sont également les meilleurs du diocèse avec 90 % des femmes qui assistent à la messe et 92, 20 % qui sont pascalisantes4720. L’étude de la pratique selon l’âge montre une certaine stabilité. Pour les hommes, elle ne descend jamais en dessous de 72 %, tous âges confondus. Pour les femmes, le taux minimum est de 87 %. Alors que pour les hommes, il y a une baisse continuelle entre les 15-19 ans et les 45-64 ans, la situation est différente pour les femmes où la pratique évolue de façon ondulatoire. Ce phénomène est visible à la fois pour la pratique pascale et pour l’assistance à la messe. En effet, il est surprenant de constater qu’à Thônes uniquement, les taux de la tranche 20-24 sont plus importants que ceux des 15-19 ans. Les femmes de 20 à 24 ans sont 98 % à se rendre à l’église pour les cérémonies pascales, alors qu’elle ne sont que 95,97 % à le faire pour la tranche d’âge des 15-19 ans. Le même phénomène, avec une ampleur semblable, se retrouve pour les messalisantes. Pour la catégorie des plus de soixante-cinq ans (hommes et femmes), les taux remontent selon un schéma que l’on rencontre fréquemment dans le diocèse. La vallée de Thônes est un bastion de la chrétienté encore pratiquante, obéissante et fidèle à son clergé, qui occupe d’ailleurs 8 à 10 ‰ de sa population, en 19564721. C’est ici également que le taux d’enfants scolarisés dans les écoles primaires privées est le plus important, puisqu’il atteint 45 %4722. Il est cependant nécessaire de nuancer cette forte pratique, puisque les taux de non baptisés ne sont pas parmi les meilleurs du diocèse. Ce sont 0,50 %4723 des enfants de la vallée qui n’ont pas reçu et ne recevront pas les sacrements du baptême. Sans doute faut-il voir dans ce taux, les quelques paroisses, qui ont longtemps votées à gauche et qui ont été considérées comme les moins pratiquantes, tel est le cas de Serraval ou encore de Saint-Jean-de-Sixt. Le taux d’enfants non catéchisés reste, en revanche, bien inférieur à la moyenne diocésaine (5,63 %) puisqu’il est de 1,47 %4724.
L’attitude du canton de Thônes est partagée entre les paroisses du haut de la vallée, comme La Clusaz, Le Grand-Bornand ou encore Manigod, qui présentent une très forte pratique, et les autres paroisses comme le Bouchet de Serraval4725, situé à la limite du canton, et qui marquent un certain détachement. Ces constats sont confirmés par la consultation paroissiale du 27 mars 1955. Alors que 60 à 70 % des paroissiens de La Clusaz, du Grand-Bornand ou encore de Manigod participent à la consultation, ils ne sont qu’entre 20 et 30 % à le faire au Bouchet de Serraval4726. Lors de la préparation de la mission régionale de ce secteur, il est d’ailleurs rappelé que « la non-pratique de quelque quatre cents âmes à Thônes reflète moins une déchristianisation des indigènes que l’influence d’un apport étranger à la paroisse »4727. À Thônes, comme à Abondance ou au Biot, la pratique est très bonne, mais le taux de cénalisants ne suit pas ce mouvement, puisque seulement 29,33 % des paroissiens s’approchent de la Sainte Table au moins une fois par mois4728. Faut-il voir dans ces taux le signe d’un attachement à la tradition et une difficulté pour la mise en place des nouveautés comme la communion fréquente ? Il serait intéressant de connaître la proportion de cénalisants qui ont été militants de l’ACJF4729 par rapport aux plus anciens qui restent attachés à une tradition religieuse. En effet, il est fort probable que les militants d’action catholique soient plus ouverts aux nouveautés que leurs parents. Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils ont appris à vivre différemment la religion, ils vivent le christianisme en s’engageant, alors que les parents le subissent plus en se contentant d’assister aux offices, aux cérémonies et grandes fêtes du temps chrétien.
Après avoir présenté la pratique dans les Préalpes, intéressons-nous à présent aux cantons de l’avant-pays, qui sont principalement situés autour de ceux d’Annecy Nord et Sud, à savoir Cruseilles, Thorens, Frangy ou encore Rumilly. Nous avons fait le choix de les réunir dans cette partie parce qu’ils présentent un certain nombre de points communs. Il semble qu’ils se tournent principalement vers Annecy, même si géographiquement tous ne font pas partie de la cluse d’Annecy. C’est par les migrations scolaires ou celles liées au travail que nous pouvons dire que les habitants de certaines paroisses de ces cantons se tournent vers le chef-lieu départemental4730.
Débutons par les cantons de Thorens et de Cruseilles que nous avons déjà évoqués en 19014731 pour leur forte pratique, mais également pour l’attitude de certaines paroisses au moment des Inventaires4732. Il semble qu’une forte pratique soit maintenue dans ces paroisses, comme le montrent les résultats de la pratique pascale, particulièrement élevés dans le canton de Cruseilles avec plus de 78,65 % des adultes qui participent aux cérémonies pascales4733. Les chiffres sont assez proches dans le canton de Thorens avec 76,91 % des adultes qui pratiquent4734. La même situation se retrouve pour les messalisants adultes, puisqu’ils sont 66,51 % à Cruseilles4735 et 63,23 % à Thorens4736. Concernant la pratique par tranches d’âges, ces cantons présentent une pratique qui reprend un schéma presque classique dans le diocèse : une diminution de la pratique pour les catégories comprises entre vingt et soixante-quatre ans, puis une reprise à partir de soixante-cinq ans.
Dans le canton de Thorens, la remontée est significative, puisque les taux de pascalisants passent de 56,9 % à 70,64 %4737. Les écarts de pratique entre les hommes et les femmes sont assez importants. Si la différence de pratique des pascalisants adultes reste en dessous de la moyenne diocésaine4738, la situation est inversée avec celle des messalisants. La moyenne est de 17,62 % et les écarts pour Thorens et Cruseilles sont respectivement de 21,05 % et 18,08 %. Malgré tout, ces deux cantons restent fervents. Le taux d’enfants non baptisés est relativement faible à Cruseilles (0,17 %) et légèrement plus élevé à Thorens (0,51 %)4739. De la même façon, la proportion d’enfants non catéchisés reste bien en dessous de la moyenne diocésaine avec 0,92 % à Cruseilles et 0,63 % à Thorens.
Faut-il voir dans ce maintien le respect de la tradition, notamment dans les paroisses du plateau des Bornes, ou alors le résultat d’un travail effectué par les mouvements d’action catholique qui sont présents dans quasiment toutes les paroisses de ces cantons et qui sont bien structurés4740. Il semble d’ailleurs que cette présence de l’action catholique soit en partie à l’origine du bon accueil réservé à la communion fréquente. Dans ces deux cantons, les taux de cénalisants sont légèrement supérieurs à la moyenne diocésaine, puisqu’ils sont de 35,05 % à Thorens et de 34,27 % à Cruseilles4741. Cependant, la différence entre les hommes et les femmes est nettement plus importante dans le canton de Cruseilles que dans celui de Thorens. En effet, dans le premier, les hommes sont 13,14 % à s’approcher de la Sainte Table alors que les femmes sont 50,97 % à le faire ; à Thorens, les hommes sont 19,09 % et les femmes 46,46 %4742. La place tenue par l’enseignement primaire privé n’est pas négligeable, même s’il est nettement plus présent à Cruseilles qu’à Thorens. Dans le premier cas, ce sont 23,12 % des enfants qui fréquentent les écoles libres alors que dans le second, ils sont 9,27 %4743.
Les trois autres cantons (Annecy Nord, Annecy Sud4744 et Rumilly4745) qui se trouvent dans cet ensemble de l’avant-pays semblent avoir une pratique moins soutenue, même si les taux restent relativement bons et ne varient pas beaucoup dans le cas des pascalisants. Le taux de pascalisants le plus élevé (adultes) est de 72,48 % à Rumilly et le plus faible à Annecy Sud avec 69,65 %, soit un écart de 2,83 %4746. Cependant, ces cantons présentent les différences les plus élevées entre pascalisants et messalisants, ce qui laisse transparaître un certain détachement. L’exemple du canton du Rumilly en est une bonne illustration, puisque la pratique masculine varie de 17,88 % entre les pascalisants et les messalisants, alors que pour les femmes, ce taux est de 21,56 %. Contrairement au schéma que nous avons rencontré jusqu’ici et concernant la pratique selon les catégories d’âge, nous pouvons remarquer que, dans le cas de Rumilly, il n’y a pas une reprise de la pratique pour la messe dominicale dans la classe d’âge des plus de soixante-cinq ans4747. En revanche, il y a un certain maintien de la pratique au niveau des pascalisants ; dans ce cas les taux qui sont très élevés pour les 15-19 ans diminuent de façon continue jusqu’à la reprise constatée chez les plus de soixante-cinq ans. Le canton d’Annecy-Nord connaît également une baisse continue de la pratique des messalisants, puisque le taux ne remonte pas chez les plus de soixante-cinq ans. En revanche la situation est différente pour les pascalisants où le taux passe de 55,04 % à 59,76 %4748. De la même façon, pour les deux cantons d’Annecy Nord et Sud, la reprise de la pratique pascale féminine se fait non pas après soixante-cinq ans comme dans la plupart des cas, mais à partir de la classe d’âge 45-64 ans4749.
La ville d’Annecy n’est pas incluse dans les statistiques des cantons, cependant nous pouvons souligner que sa pratique est nettement moins importante que celle des paroisses avoisinantes. Dans la première moitié du XIXe siècle, Annecy connaît une période de « catholicisme résolu et conservateur »4750, cependant, dans la seconde moitié du siècle, l’anticléricalisme s’installe, tout comme la franc-maçonnerie qui compte une loge dans la ville à partir des années 1860. L’évolution démographique de la ville ainsi que les différents changements apparus au cours du XXe siècle peuvent sans doute expliquer le faible taux de participation à la vie religieuse. Rappelons également que les personnes qui se rendent en ville pour le travail peuvent parfois venir d’une paroisse pratiquante, mais qu’au contact de la vie nouvelle qui s’offre à eux et de tous les changements d’habitude, ils choisissent de se détacher progressivement de la religion. Le phénomène de détachement dans les villes peut également être expliqué par la difficulté d’adaptation ou d’intégration des nouveaux arrivants dans leur nouvelle paroisse.
D’autres secteurs entrent dans la catégorie des cantons pratiquants : ceux de Sallanches, de Boëge et de Frangy. Le canton de Sallanches est le seul du sillon alpin à présenter une forte pratique. Il fait figure d’exception au milieu d’un environnement peu pratiquant qu’est la haute vallée de l’Arve, première zone des missions régionales. C’est dans ce canton que l’on retrouve les taux de cénalisants les plus importants du diocèse pour les hommes avec 32,03 %4751, alors que pour les femmes ce taux est de 46,56 %4752. Pour le reste de la pratique, ce canton entre dans la moyenne rencontrée pour l’ensemble du monde rural français. C’est également ici que l’on retrouve le second taux le plus important d’enfants scolarisés dans l’enseignement primaire privé avec 43,12 %4753. En revanche, si le baptême est quasi unanime avec seulement 0,40 % des enfants qui ne le reçoivent pas, la situation est différente avec le taux de ceux qui sont catéchisés, puisque 4,59 % ne fréquentent pas les cours de catéchisme4754. Comme pour le canton de Thônes, celui de Sallanches présente une partition de la pratique. D’un côté, il y a la zone la plus élevée qui conserve une bonne pratique autour de Megève4755 et des paroisses voisines, alors que de l’autre se situent les paroisses plus basses, qui présentent déjà un certain détachement par rapport à celles du seuil de Megève. Ces dernières ne sont pas encore trop influencées par le tourisme et elles maintiennent encore une certaine tradition même si l’appât du gain facile tend à s’implanter dans cette zone4756. Malgré ces différences régionales, le canton de Sallanches ne fait pas figure d’exception quant à la pratique par tranches d’âge puisque comme pour de nombreuses autres régions, la pratique pascale diminue à partir de vingt ans pour remonter chez les plus de soixante-cinq ans. Cette diminution est particulièrement nette chez les hommes pour qui le taux passe de 82,4 à 69,77 %4757. La diminution se poursuit pour atteindre 51,03 % pour la catégorie 45-64 ans. Les taux des messalisants et des pascalisants remontent ensuite pour les plus de soixante-cinq ans. Un phénomène semblable est visible pour la pratique pascale féminine. En revanche, pour les messalisantes, la reprise semble se faire pour la catégorie des 45-64 ans4758.
Pour terminer cette présentation des « bons » cantons, évoquons ceux de Boëge et de Frangy. Ces derniers sont isolés géographiquement, mais ils présentent un certain nombre de similitudes avec les « bons » cantons évoqués précédemment. C’est par exemple le cas de Boëge, situé dans la Vallée Verte et qui présente, comme Thônes ou Sallanches, une opposition entre la pratique des paroisses d’altitude et de celles de la plaine4759. Ces mêmes paroisses d’altitude présentent encore une activité agricole, contrairement à celles de la plaine qui sont déjà tournées vers une certaine industrie. Les luttes politiques du début du XXe siècle ont particulièrement marqué ce canton, qui voit de très vives oppositions entre ses habitants jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 1958, il est d’ailleurs rappelé que « l’hostilité contre l’Église et le clergé semble bien atténuée et s’être [même] généralement transformée plutôt en indifférence »4760. Les auteurs de ce constat poursuivent en rappelant qu’il « y a moins [en 1958] de sectarisme de part et d’autre, de même chez les prêtres ! »4761 et que la résistance « au clergé et à l’Église qui semble datée de 1880, aggravée au moment de la Séparation, fut entretenue pendant plusieurs décades par des meneurs dans chaque paroisse aujourd’hui disparus »4762. Ils soulignent également que « pendant une certaine période […] les maîtres d’écoles ont largement contribué à éloigner de l’Église certains jeunes gens ou des familles entières, d’une façon assez peu habile »4763.
Les taux de pascalisants et de messalisants sont assez proches de ceux des cantons que nous avons évoqués jusqu’à présent. Les écarts entre les différentes tranches d’âges sont importants pour la pratique pascale masculine. Les taux passent en effet de 83,47 % à 44,5 %4764 entre les 15-24 ans et les 45-64 ans ; la reprise est ensuite assez significative pour les plus de soixante-cinq ans puisque le taux de pascalisants est de 61,09 %. Contrairement aux autres cantons, le taux des pascalisantes ne remonte pas pour les plus de soixante-cinq ans. La diminution se fait progressivement et est moins importante que pour les hommes entre les catégories 15-24 ans et 45-64 ans. L’écart pour les femmes est de 19 % alors que pour les hommes, il est de 38,97 %. Un constat semblable peut être dressé pour les messalisants. La pratique masculine affiche une reprise pour les plus de soixante-cinq4765 ans alors que pour les femmes, la présence aux offices ne cesse de décroître même pour les plus sexagénaires4766. Faut-il voir dans ce phénomène le résultat de la pression sociale4767 ou est-ce le signe d’un début de déchristianisation ?
Les taux de cénalisants, quant à eux, restent assez élevés puisque 14,42 % des hommes et 46,01 %4768 des femmes s’approchent de la Sainte Table. Est-ce là un signe du travail effectué par les mouvements d’ACJF ? En effet, ces derniers ont formé et forment encore de bons chrétiens4769. Malgré cette pratique parfois en opposition au reste des bons cantons, nous pouvons souligner que le taux des enfants baptisés est le meilleur de tous les « bons » cantons. En effet, seul 0,12 % des enfants ne reçoivent pas le baptême. Est-ce par conviction réelle ou par une sorte de pression sociale liée à la tradition ? Pour la catéchisation des enfants, la situation est différente, puisque 1,93 %4770 de ceux-ci ne fréquentent pas le catéchisme. Les écoles primaires privées sont le lieu d’apprentissage de 18,38 % des enfants du canton. Faut-il voir dans ce taux, un résultat de la lutte qui a opposé instituteurs et curés au cours de la première moitié du XXe siècle ?
La situation du canton de Frangy présente un certain nombre de similitudes avec celle de Boëge. Les taux sont sensiblement les mêmes que pour ceux de la Vallée Verte et les luttes politiques ont également marqué le canton frangypan. Les taux de pascalisants et de messalisants (adultes) sont respectivement de 63,47 % et 54,05 %. Les écarts entre hommes et femmes sont au-dessus des moyennes diocésaines, puisqu’ils sont respectivement de 24,28 % (pascalisants) et de 17,68 % (messalisants)4771. Le taux de cénalisants est inférieur à la moyenne diocésaine, puisqu’il est de 29,64 %4772. Selon l’abbé Baud, auteur de l’enquête de sociologie en 1962, ce faible taux s’expliquerait par une « incompréhension du mystère de la messe chez beaucoup de pratiquants réguliers »4773. Si le baptême est relativement bien respecté, avec seulement 0,64 % d’enfants qui ne l’ont pas reçu, la situation est différente pour la catéchisation des enfants puisqu’ils sont 4,74 % à ne pas fréquenter ces cours4774. Ici, comme à Thônes, une opposition apparaît entre les paroisses élevées4775 (archiprêtré de Chaumont) et celles de la plaine (archiprêtré de Frangy). En effet, au niveau de la pratique, les paroisses de l’archiprêtré de Chaumont se rapprochent plus de celles du canton de Cruseilles, alors que celles de l’archiprêtré de Frangy se rapprochent de celles du canton de Seyssel qui présente une pratique moyenne4776.
Cf. supra., p. 39 et suiv.
La moyenne du taux d’enfants de familles d’ascendance catholique de 0 à 14 ans qui ne sont pas baptisés et ne le seront jamais est de 0,42 % alors que la moyenne diocésaine est de 1,01 %. Le taux d’enfants de familles d’ascendance catholique de 8-9 ans à 13 ans non catéchisés est de 1, 97 % alors que la moyenne diocésaine est de 5,63 %. Relevé effectué par Nadine Broisat.
Il s’agit d’un relevé effectué en 1967, cependant il est tout à fait possible de penser que les chiffres rencontrés lors de l’enquête Boulard soient similaires sinon plus importants.
Si l’on compte à part le canton de Boëge qui connaît une pratique légèrement moins bonne que le canton de Rumilly. Dans le cas de Boëge, ce sont seulement 0,12 % des enfants qui ne recevront jamais le baptême.
Relevés effectués par Nadine Broisat. Il s’agit des cantons d’Abondance et de Rumilly par exemple.
n. broisat , Le diocèse d’Annecy…, op. cit., p. 46.
La pratique pascale est respectivement de 78,65 % (Cruseilles), 72,48 % (Rumilly), 80,27 % (Annecy nord), 77,24 % (Annecy sud), 86,70 % (Thorens), 76,50 % (Sallanches) et 85,73 % (Thônes). Le taux de messalisants est de 66,51 % (Cruseilles), 52,80 % (Rumilly), 57,85 % (Annecy nord), 55,04 % (Annecy sud), 63,23 % (Thorens), 56,08 % (Sallanches) et 82,83 % (Thônes). La différence moyenne entre pascalisants et messalisants dans ces cantons est d’environ 17,6 % ; seuls ceux de Thônes et Cruseilles sont largement en dessous de cette moyenne.
Le taux de pascalisants est de 85,75 % et celui des messalisants est de 82,83 %.
Relevé effectué par Nadine Broisat.
Voir annexe n° 10.
Pour la pratique pascale, la différence moyenne entre les hommes et les femmes est de 20,09 %. Pour les cantons d’Abondance et du Biot, ces taux sont de 16,18 % et 22,15 %.
Les taux pour Abondance et Le Biot sont de 21,78 % et de 20,83 %.
Pour les pascalisants, dans le canton d’Abondance, la pratique passe de 99,29 % pour les 15-19 ans à 87,01 % pour les 20-24 ans puis 76,83 % pour les 25-44 et enfin 66,6 % pour les 45-64 et 82,05 % pour les plus de 65 ans. Alors que pour Le Biot, les taux sont moins élevés, ils passent tout de même de 91,71 % à 83,27 %.
Cf. supra, p. 79 et suiv.
ADA. 8 E 1961. Mission de la vallée de Thônes. Rapport du père Daille, Mission de la vallée de Thônes : contact global, « rapport de l’équipe vie paroissiale », janvier 1961.
Tel est le cas au Grand-Bornand où le hameau du Chinaillon est éloigné de plusieurs kilomètres ou encore à La Clusaz, où les habitants des Confins doivent parcourir plus de huit kilomètres (aller-retour) pour se rendre à l’église.
ADA. 8 E 1961. Mission de la vallée de Thônes. Rapport du père Daille, Mission de la vallée de Thônes : contact global, « rapport de l’équipe vie paroissiale », janvier 1961.
Cf. supra, p. 203. Dans sa lettre pastorale évoquant la construction du collège de Thônes, Mgr de La Villerabel écrivait : « Elle la vallée de Thônes nous est chère à nous, chers Messiers, à un autre titre encore : cette terre compte en effet parmi les plus chrétiennes de notre diocèse ! Aux yeux de ses habitants, la foi fut toujours considérée comme le bien de famille le plus précieux, comme la richesse par excellence. On peut bien se passer des autres : mais de celle-là jamais ».
La moyenne diocésaine de la pratique masculine pascale est de 46, 35, alors qu’à Thônes les hommes pratiquent à hauteur de 78,85 %. Pour les messalisants, la moyenne diocésaine est de 36,77 % alors qu’à Thônes ce taux est de 75,22 %.
La différence de pratique entre les messalisants et les messalisantes est de 14,78 % alors que la moyenne diocésaine est de l7,62 %. Entre pascalisants et pascalisantes l’écart est de 13,35 % alors que la moyenne est de 20,09 %.
Enquête Boulard. Relevés de Nadine Broisat. La moyenne diocésaine des messalisantes est de 54,39 % et pour les pascalisantes elle est de 66,44 %.
n. broisat, Le diocèse d’Annecy…,op. cit., p. 52.
Ibid. Ce taux s’applique à une enquête effectuée en 1967. Cependant, nous sommes en droit de penser qu’en 1955-56, les effectifs étaient les mêmes voire peut-être légèrement supérieurs. c. sorrel, Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, t. 4, à paraître.
Enquête Boulard. Relevés de Nadine Broisat.
Ibid.
Cette commune naît en 1877 du démembrement de celle de Serraval, il y a fort à penser qu’elle adopte la même attitude religieuse.
n. broisat , Le diocèse d’Annecy…, op. cit., p. 53.
ADA. 8 E 1960. Mission secteur Thônes.
Ce taux est de 11,13 % pour les hommes et de 43, 64 % pour les femmes.
Nous pensons notamment aux jeunes qui ont milité dans les années 1930-1940 au sein de l’ACJF et qui sont donc en 1955, des personnes qui ont entre trente et quarante ans. Puisqu’il apparaît que les militants actifs de l’ACJF à cette date manquent d’un « approfondissement de la foi ». C’est du moins ce que rapporte le Père Daille dans son étude de la Mission de la vallée de Thônes : contact global, lorsqu’il évoque les constatations faites par la commission des jeunes gens de 15 à 25 ans.
n. broisat , Le diocèse d’Annecy…, op. cit., p. 55.
À cette date déjà, le canton de Cruseilles présentait une pratique supérieure à celle de Thorens. Ces taux étaient de 96,24 % et 95,33 %.
Cf. supra, p. 63-70.
87,76 % des femmes et 69,88 % des hommes.
86,70 % des femmes et 67,11 % des hommes.
75,72 % des femmes et 57,64 % des hommes.
73,79 % des femmes et 52,74 % des hommes.
Enquête Boulard. Relevé de Nadine Broisat.
La moyenne diocésaine est de 20, 09 %, la différence entre hommes et femmes pascalisants est de 19, 59 % pour Thorens et de 17, 88 % à Cruseilles.
Enquête Boulard. Relevé de Nadine Broisat.
ADA. 8 E 1962. Mission régionale Cruseilles, Sillingy, Thorens, enquête sociologique, document dactylographié, p. 26.
Enquête Boulard. Relevé de Nadine Broisat.
Ibid.
Les effectifs scolarisés dans l’enseignement privé du premier degré en 1967. c. sorrel, Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, t. 4, à paraître. Le taux de Thorens est le plus bas de l’arrondissement d’Annecy (le taux d’Alby n’est pas connu) alors que celui de Cruseilles est le plus haut de l’arrondissement de Saint-Julien
La ville d’Annecy n’est pas comptée dans ces statistiques. Il faut donc souligner que d’après les consultations paroissiales de 1955 et de 1963, les taux de messés sont de 15 à 20 % pour les hommes et de 20 à 30 % pour les femmes. Ces taux sont présentés par f.-a. isambert et j.-p. terrenoire dans leur Atlas de la pratique religieuse…, op. cit., p. 35, 62, 63, 85 et 113.
Concernant ce dernier, les 4 paroisses dépendant du diocèse de Chambéry ne sont pas comptées.
Cet écart est plus faible entre ces trois cantons qu’entre ceux de Cruseilles et Thorens ou qu’entre Abondance et Le Biot.
Cela s’applique à la fois aux hommes et aux femmes. Une reprise de la pratique est relevée dans cette catégorie.
Enquête Boulard. Relevé de Nadine Broisat.
Pour le canton d’Annecy Nord, les taux passent de 77,99 % (25-44 ans) à 79,13 % (45-64 ans) puis à 82,01 % (plus de 65 ans). Pour celui d’Annecy Sud, le même phénomène est remarqué puisque les taux passent de 74,24 % (25-44 ans) à 75,61 % (45-64 ans) puis à 82,52 % (plus de 65 ans). La reprise est bien plus nette dans le canton d’Annecy Sud (plus 6,91 %) que dans celui d’Annecy Nord (plus 2,08 %).
h. baud, Le diocèse d’Annecy…, op. cit., p. 7.
c. sorrel, Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, t. 4, à paraître.
Ibid. Il s’agit du second taux le plus important du diocèse pour les femmes.
Ibid.
c. sorrel, Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, t. 4, à paraître. Si nous ne considérons que les cantons qui présentent véritablement des points communs de pratique comme Abondance, Le Biot, Cruseilles…, le taux de Sallanches est le plus élevé. Toutefois, si nous incluons les cantons de Boëge et de Frangy, le taux de Sallanches est le second plus important puisque Frangy a un taux de 4,74 %.
Comme pour les paroisses élevées du canton de Thônes, celles du seuil de Megève ont opposé une vive résistance aux Inventaires de 1906. Les zones de pratique se retrouvent presque par archiprêtrés, c’est-à-dire que le seuil de Megève recouvre l’archiprêtré de Megève et le même phénomène se retrouve pour Sallanches.
Tel est le constat dressé par le Père Virton, S.J., lors de la mission de la haute Vallée de l’Arve en 1955. ADA. 8 E. Mission 1955.
Enquête Boulard. Relevé de Nadine Broisat. Ces chiffres s’appliquent aux catégories 15-19 ans et 20-24 ans.
Ibid.
Cf. supra, p. 457 et suiv.
ADA. 8 E. 1958. Mission Annemasse, Aulps, Boëge.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Enquête Boulard. Relevé de Nadine Broisat.
Les taux passent de 38 % à 39,6 % entre les 45-64 et le plus de 65 ans.
Les taux passent de 63,4 à 58,62 % entre les 45-64 et le plus de 65 ans.
La commission de sociologie établit en 1958 que « la propagande orchestrée contre l’Église (Comment ! Tu vas à la messe ? Je te croyais républicain !) a produit les effets espérés dans une partie importante de la vieille génération. De nos jours, l’abstention à la messe n’est plus exclusivement d’ordre politique chez les moins de cinquante ans. On n’y va pas parce qu’on ne sait pas quoi y aller faire, parce qu’on a pas le temps sic. Aujourd’hui on ne sait pourquoi on pratique ou non ». ADA. 8 E 1958. Rapport de la commission de sociologie.
c. sorrel, Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, t. 4, à paraître.
En 1941, à l’exception de Saint-André-de-Boëge, toutes les paroisses du canton bénéficient de sections de JAC et JACF. Seul Villard-sur-Boëge n’a pas de section JACF. Nous avons choisi 1941, parce qu’il s’agit de la seule liste qui nous donne précisément l’état des sections d’ACJF dans le diocèse. ADHS, 5 J 24.
I bid . La moyenne est donc de 32,92 %, ce qui la situe au-dessus de la moyenne diocésaine.
Enquête Boulard. Relevé de Nadine Broisat.
10,28 % pour les hommes et 43,26 % pour les femmes.
ADA. 8 E 1962. Mission Frangy-Seyssel. Ce constat peut sans doute s’appliquer à un certain nombre d’autres cantons qui présentent de faibles taux de cénalisants.
Ce taux est inférieur à la moyenne diocésaine, mais il reste le plus important pour les zones de bonne pratique. Le baptême reste donc encore un acte social important, il faut que l’enfant entre dans la communauté chrétienne de ses parents, de ses grands-parents…
L’altitude reste cependant modeste.
n. broisat , Le diocèse d’Annecy…, op. cit., p. 62.