Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale sont une période d’intense activité spirituelle : les célébrations menées autour de la venue de Notre-Dame-de-Boulogne, en 1946, et la reprise des missions, qui touchent un certain nombre de paroisses4905. Christian Sorrel rappelle à ce propos que « l’objectif missionnaire occupe alors […] une place centrale dans le catholicisme français »4906. Les missions changent de style et d’objectifs en tentant de s’adapter à la nouvelle société qui éclot en ce début des « Trente Glorieuses ». Il n’est donc pas surprenant de constater que les missions régionales « mobilisent [pourtant] des forces importantes pendant une quinzaine d’années »4907.
En 1947, dans la préface des Orientations des missions paroissiales, Mgr Saliège rappelle que « toute mission suppose une connaissance préalable de la géographie, de l’histoire, de l’économie, de la moralité d’une paroisse, causes qui expliquent souvent sa mentalité actuelle. Il y a des choses que le réel économique fait comprendre. Il y a des choses que le réel géographique explique. Il y a des choses dont l’histoire rend compte. Méconnaître ces vérités, ou les ignorer, c’est s’exposer à ne pas frapper juste. Nous sommes encore loin de cet idéal »4908. Les missions régionales qui apparaissent au début des années 1950 ne sont-elles pas, d’une certaine façon, une réponse aux attentes exprimées par l’archevêque de Toulouse ? En effet, ne sont-elles pas l’occasion de mener des enquêtes précises sur les différents aspects sociologiques, économiques, géographiques… ?
L’entrée du diocèse d’Annecy dans ce nouveau type de rencontres est concomitante de l’enquête Boulard. À la suite de ces travaux, Mgr Cesbron prend un certain nombre d’initiatives visant à mieux s’adapter aux besoins de la pastorale. Au milieu des années Cinquante, de nombreuses paroisses vivent encore à l’heure de la mission paroissiale. Les prêtres ne faisant qu’obéir aux instructions qui leur avaient été données par Mgr Cesbron lors d’une réunion tenue le 6 octobre 1951, et au cours de laquelle l’évêque leur demandait de « penser aux missions paroissiales »4909. La mission paroissiale ne semble plus véritablement répondre aux attentes et aux méthodes d’une société en pleine évolution économique, technologique…
Christian Sorrel rappelle que « le diocèse amorce la démarche en 1955 en privilégiant les secteurs marqués par l’industrialisation (canton de Cluses) et intensifie le processus après l’enquête Boulard au point d’absorber une large part des effectifs missionnaires disponibles en Rhône-Alpes depuis la formation de pôles régionaux au sein du CPMI4910. Dès 1959, le Père Devilliers, directeur de l’équipe lyonnaise, écrit que le diocèse « se taille la part du “Lyon” dans le contingent annuel des missions possibles », ajoutant qu’il serait « sage de consentir un étalement plus généreux des missions demandées »4911. L’année 1958 a été particulièrement importante pour les missionnaires qui ont dû répondre à de nombreuses sollicitations puisque pas moins de six missions sont organisées4912.
Nous pouvons ainsi nous demander si l’enquête Boulard n’est pas d’une certaine façon un accélérateur pour les missions régionales dans le diocèse et la mise en place de tout un nouveau système d’organisation ? Cela se fait malgré l’état de santé de Mgr Cesbron qui se dégrade de plus en plus4913 ; ce sont ces vicaires généraux qui assistent aux réunions et qui les organisent. Dès 1957, des mesures sont prises et la rapidité d’exécution est excellente puisqu’en 1958, ce sont pas moins de cinq secteurs qui sont en mission. À la même période, le diocèse est découpé en plusieurs zones pastorales ce qui permet de mieux centrer les études des différentes commissions spécialisées par milieux « économiques ».
Revue du Diocèse d’Annecy, n° 3, 18 janvier 1951, p. 46. En 1951, il est rappelé qu’une paroisse du diocèse « n’a pas eu la grâce d’une mission depuis 1884 ».
c. sorrel, « Les diocèses français à l’heure Boulard. Missions générales et pastorale d’ensemble en Savoie dans les années 1950 et 1960 », in Mélanges Etienne Fouilloux, à paraître, p. 1.
I bid.
Équipes missionnaires, Orientations de la mission paroissiale, Éd. du chalet, Lyon, 1947, 138 p. Préface de Mgr Saliège, p. 7-8.
ADA. 1 D 22. Boîte Mgr Cesbron, n° 3. Note manuscrite de Mgr Cesbron.
Centre Pastoral des Missions Intérieures.
ADA, 8 E Missions : lettre au vicaire général d’Annecy, 11 mars 1959. Citée par Christian Sorrel, « Les diocèses français à l’heure Boulard. Missions générales et pastorale d’ensemble en Savoie dans les années 1950 et 1960 », in Mélanges Etienne Fouilloux, à paraître, p. 6.
Il s’agit d’Ugine (ville), du canton de Faverges, du secteur d’Annemasse (communes rurales et urbaines), du canton de Boëge, de ceux de Morzine et du Biot (Vallée d’Aulps) et de celui d’Ugine (Val d’Arly).
ADA. 1 D 22. Boîte Mgr Cesbron, n° 1. Même s’il ne s’agit pas des missions régionales, nous pouvons souligner que le 20 novembre 1961, Mgr Cesbron écrit dans ses notes personnelles que « les évêques de Savoie viennent chez lui qui est malade et n’a pas pu assister aux réunions de la rentrée de la Catholique les 15 et 16 novembre 1961 ».