c. La mission régionale et son déroulement

Le nombre des missionnaires varie en fonction des demandes de chaque secteur. Prenons l’exemple de la vallée de l’Arve, où ce sont près de quatre-vingts missionnaires qui s’occupent d’environ quarante-cinq mille âmes regroupées dans de trente-deux paroisses4979. L’origine des missionnaires est variée. Dans le cas d’Annemasse, par exemple, ils viennent de Lons-le-Saulnier, de Petit-Lancy (Suisse), de Lyon, de Nancy, d’Épinal, de Tallence (Gironde), de Fontaine-les-Dijon, d’Annecy, de Ville-la-Grand, de Macon ou encore de Maizières (Doubs) ; ils peuvent être Oblats de Marie Immaculée, ou Missionnaires de Saint-François-de-Sales entre autres4980.

Les missionnaires, placés sous l’autorité d’un « directeur de mission »4981, collaborent à la fois avec les prêtres de la zone et avec les membres de l’action catholique. Organisant et animant les réunions, ils visitent également les foyers, afin de mieux présenter les buts et les raisons de la mission4982. Enfin, au moment de la mission à proprement parler, ils sont les prédicateurs4983. L’importance de la prédication est telle qu’elle est même considérée comme « extrême »4984. Tel est le cas lors de la mission de la vallée de l’Arve, où il faut prêcher « à toutes les messes, sinon il y a une portion du troupeau qui régulièrement n’est pas évangélisé »4985. C’est l’occasion pour le vicaire général Duret de rappeler qu’il y a un « plan diocésain de prédication en préparation, qui sera d’un grand secours pour les curés »4986.

La mise en route d’une mission régionale entraîne de facto la mise en place d’un certain nombre de comités destinés à organiser au mieux les différentes étapes de l’événement. D’abord, un « comité directeur de la mission » se constitue ; le nombre des membres varie entre quatre et huit personnes. Il se compose d’un vicaire général4987, représentant de l’autorité diocésaine, du ou des archiprêtres du secteur intéressé, de prêtres, qui peuvent tenir les fonctions de secrétaire ou trésorier, mais qui sont surtout les représentants de l’église locale ; enfin, le directeur de mission représente les missionnaires. Prenons l’exemple de la mission de la vallée d’Aulps qui se tient en 1958. Le comité se compose du vicaire général Duret, du père Pouts, directeur de la mission, des archiprêtres de Morzine et de Saint-Jean-d’Aulps, et des abbés Vulliez et Dumas, exerçant respectivement les fonctions de secrétaire et de trésorier4988.

Au niveau paroissial, des comités de mission sont également constitués en vue de réunir les volontaires et de coordonner les actions entreprises à cet échelon. Ces comités sont notamment présents lors des missions de la vallée de l’Arve, de la Vallée Verte (secteur de Boëge) ou encore de Frangy-Seyssel4989. Ces derniers ont pour but de « veiller au déroulement normal de la préparation de la mission et spécialement de s’assurer que les commissions pastorales poursuivent régulièrement leur travail »4990.

Des commissions pastorales de mission sont également constituées. Elles se composent de prêtres et de laïcs ; elles sont « ecclésiales » ou de « milieu »4991 et prennent en charge, chacune dans leur domaine, les buts de la mission. Leur nombre varie entre cinq et huit à chaque mission. Un prêtre dirige chaque commission qui est composée de spécialistes, d’un missionnaire – lui aussi spécialisé dans un domaine – , d’un secrétaire, de plusieurs prêtres et de laïcs. Ces derniers sont choisis par les prêtres au sein des commissions ecclésiales alors que les dirigeants des équipes fédérales d’action catholique choisissent les laïcs susceptibles de faire partie des commissions de milieu4992.

La répartition des commissions ecclésiastiques se fait comme suit : quatorze travaillent sur l’enfance et le « monde scolaire », onze sur la « presse et [l’] information » et dix sur l’action catholique générale4993. Les commissions par milieux sont plus nombreuses et se répartissent selon les besoins des différents secteurs de la mission, parfois de façon équivalente puisque le monde rural en compte treize alors que celui des ouvriers en a douze4994. Le monde indépendant quant à lui en compte neuf. Les commissions peuvent se diviser en sous-sections destinées à mieux approcher les problèmes d’un milieu4995. Il est intéressant de souligner que les commissions « sociologie » semblent disparaître à partir de 1958, soit au moment où les résultats de l’enquête Boulard sont connus4996. Cette dernière ayant en effet mis en évidence les difficultés et les spécificités de chaque zone. Il semble qu’après 1958, les contacts globaux des missions, qui constituent une présentation géographique, économique, sociologique de la région à missionner, soient préparés uniquement par une personne et non plus par un groupe. Dans de nombreux cas, le spécialiste est un missionnaire, les noms des pères Daille (OMI) ou encore Marc (capucin) se retrouvent fréquemment après 1958. Le premier signe en effet le contact global de la vallée de Thônes en 19614997, alors que le second prépare, en collaboration avec le père Terretaz, celui de la mission de La Roche-sur-Foron – Reignier, ou encore celui de la mission de Saint-Julien – Viry en 19614998.

Les commissions travaillent en deux temps. D’abord, elles préparent des questionnaires qui sont destinés à connaître avec précision les points sur lesquels la mission devra insister. Citons l’exemple de la commission « communauté paroissiale » du secteur Frangy-Seyssel qui interroge les paroissiens et leurs prêtres afin de mieux pouvoir cerner les rapports qu’ils entretiennent les uns avec les autres4999. Une synthèse est ensuite réalisée afin de dresser un bilan précis de la situation ; c’est à partir de celui-ci que les objectifs prioritaires de la mission sont définis. C’est donc ce bilan qui est à l’origine du plan de mission. La seconde étape du travail consiste à organiser des réunions, des récollections ou encore à visiter les laïcs pratiquants, qu’ils soient ou non engagés dans une activité religieuse5000. Les laïcs ainsi concernés se réunissent, autour d’un responsable, dans des « équipes de mission » qui se composent de huit à dix personnes et qui travaillent sur les thèmes proposés par la mission5001.

En effet, la mission régionale doit être capable de distinguer et de former une sorte d’élite catholique apte à évangéliser son milieu et sa région. L’un de ses buts importants est de conduire le maximum de militants potentiels vers l’action catholique, qui doit assumer, en accord avec la hiérarchie, une sorte de mission permanente de l’Église. Les mouvements d’action catholique, qu’ils soient généraux ou spécialisés, collaborent donc avec les différentes commissions. Peu avant la tenue de la mission d’Annemasse, son but est rappelé ; il ne s’agit pas « tant de convertir et de ramener les non pratiquants pour en faire des chrétiens authentiques et militants » mais il s’agit également « de travailler la paroisse, en tant que telle, de lui donner un équipement pastoral qui lui permette de jouer son rôle missionnaire par la mise en place de tous les organismes essentiels de l’ACG et spécialisée. La mission est un temps fort, dans la vie de la communauté paroissiale, un temps de reprise et de relance dans l’œuvre d’évangélisation que doit accomplir toute paroisse qui veut être missionnaire »5002. Nadine Broisat souligne par exemple, que c’est à l’initiative des mouvements d’action catholique spécialisée que le comité directeur de la mission crée les commissions pastorales de milieux5003.

Notes
4979.

Ce qui représente environ un missionnaire pour 562 personnes. Lettre Pastorale de Mgr l’Évêque d’Annecy au clergé aux fidèles de son diocèse sur l’apostolat (les leçons de La Mission Régionale). Dans le cas de la mission Cruseilles-Sillingy-Thorens, les missionnaires sont 53 pour une trentaine de paroisses et quinze mille habitants. Le vicaire général Chauplannaz en demande d’ailleurs davantage au père d’Haëne dans une lettre qu’il lui adresse le 26 février 1959. ADA. 8 E 1962. Mission Cruseilles-Sillingy-Thorens.

4980.

ADA. 8 E 1958. Mission du secteur d’Annemasse.

4981.

Nous retrouvons comme directeurs de missions, le père Motte, franciscain qui s’occupe de la mission de la vallée de l’Arve (1955) ou encore le père d’Haëne, jésuite de Colmar, qui s’occupe de la mission Cruseilles-Sillingy-Thorens en 1962.

4982.

Cet aspect existait déjà dans le cas des missions paroissiales.

4983.

En 1942, lors de la mission tenue aux Gets, l’abbé Philippe, demande aux missionnaires de faire porter leur prédication sur la liturgie. Cela permettant ensuite de laisser penser aux paroissiens que le changement de sens de l’autel provenait de la mission et non pas d’une initiative du prêtre. En effet, comme nous l’avons déjà souligné, l’abbé Philippe, est l’un des premiers prêtres du diocèse à célébrer la messe face au peuple.

4984.

ADA. 8 E 1955. Mission de la vallée de l’Arve.

4985.

Ibid.

4986.

Ibid.

4987.

Le choix du vicaire général dépend de la zone où se situe le secteur qui doit être en mission.

4988.

ADA. 8 E 1958. Mission de la vallée d’Aulps. Compte-rendu de la réunion du 14 novembre 1956.

4989.

Respectivement en 1955, 1958 et 1962. ADA. 8 E 1955. Mission de la vallée de l’Arve, Prémission-mission, plan de travail analytique, p. 16. 8 E 1958, Mission de la vallée Verte (secteur de Boëge), Après la réunion du 1 er octobre 1957. 8 E 1962. Mission du secteur Frangy-Seyssel, Compte-rendu du travail des commissions, p. 2.

4990.

ADA. 8 E 1958. Mission de la vallée d’Aulps. Mission de la vallée d’Aulps, Circulaire n° 1, p. 6. Le chanoine Duret, dans la présentation qu’il fait de la mission du Val d’Arly, rappelle que les commissions pastorales sont créées en avril 1957. ADA. 8 E 1958. Mission du Val d’Arly.

4991.

n. broisat , Le diocèse d’Annecy…, op. cit., p. 133.

4992.

Ibid. Ces commissions sont : sociologie, liturgie, communauté paroissiale, Action Catholique Générale Féminine, Catéchisme, enfance et milieu scolaire, enseignement, presse et information, jeunes gens, jeunes filles, action catholique spécialisée, MFR, monde rural, monde ouvrier, ruraux-ouvriers adultes, ruraux-ouvriers jeunes, jeunes travailleurs urbains, monde indépendant, tourisme/santé, religieuses. Toutes les commissions ne sont pas présentes dans toutes les missions, leur répartition se fait selon les besoins.

4993.

Si l’on tient compte du fait que certains secteurs possèdent une mission ACGH et une ACGF, le nombre de commissions ACG dépasse la dizaine. Nous retrouvons ce cas lors de la mission de la Vallée Verte ou encore dans celle du Val d’Arly. ADA. 8 E 1958. Mission de la Vallée Verte et 8 E 1958. Mission du Val d’Arly. Voir l’annexe n° 112.

4994.

S’ajoutent à celles-ci, les deux commissions « ruraux ouvriers » instaurées lors de la mission de la vallée de l’Arve.

4995.

En 1965, lors de la mission de la Vallée de l’Arve et Haut-Giffre, la commission « monde indépendant » se divise en trois sous-commissions à savoir celle du « monde patronal, industriel et professions libérales », celle des « artisans décolleteurs » et celles des « commerçants-artisans non décolleteurs ».

4996.

Soulignons toutefois que ces informations semblent disparaître des documents consultés, aux archives diocésaines. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur les raisons de ces lacunes : est-ce une disparition réelle ? c’est-à-dire que les résultats de l’enquête Boulard suffisent aux missionnaires ? Ou ces lacunes seraient dues à une disparition d’une partie des archives diocésaines ?

4997.

ADA. 8 E 1961. Mission de Thônes. Contact global de la vallée de Thônes.

4998.

ADA. 8 E 1960. Mission de La Roche-sur-Foron – Reignier. ADA. 8 E 1961. Mission de Saint-Julien – Viry. Le père Marc signe également des contacts globaux lors de missions postérieures à 1962, à savoir Thonon-Bellevaux en 1963, Évian-Saint-Paul, la Haute Vallée de l’Arve et Viuz-en-Sallaz en 1964.

4999.

ADA. 8 E 1962. Mission Frangy-Seyssel. Compte-rendu du travail des commissions, 6 p., p. 2.

5000.

n. broisat, Le diocèse d’Annecy…, op. cit., p. 136.

5001.

Ces membres sont choisis par le responsable et l’aumônier.

5002.

ADA. 8 E 1958. Mission d’Annemasse.

5003.

n. broisat, Le diocèse d’Annecy…, op. cit., p. 136.