2. Une nouvelle jeunesse unique ?

Le diocèse, libéré en août 1944, est l’un des rares à posséder un « Comité d’Union des Mouvements de Jeunesse »5095. Cette situation est jugée anormale lors d’une réunion tenue à Annecy le 21 septembre 1944. Il est alors décidé de la création « sans plus tarder des comités de Forces Unies de la Jeunesse Patriotique (FUJP) »5096 qui sont les seules reconnues par le gouvernement provisoire. Cette création est d’autant plus urgente que le territoire national n’est pas encore libéré et que l’un des buts des FUJP est de « chasser les Boches et de détruire le nazisme »5097. Leur but n’est pas d’être un « mouvement unique » mais de fédérer tous les jeunes résistants et combattants (et les autres) qui ont pour mission de faire « valoir et aboutir […] les revendications de toute la jeunesse »5098 auprès des pouvoirs publics. Félix Gavel ne s’oppose pas à cette création dans le diocèse, mais il attend de savoir ce que sont exactement les FUJP. Alain-René Michel rappelle qu’à la fin de la guerre « l’Association5099 avait accepté de participer aux FUJP, non pas directement mais par le biais des Jeunes chrétiens combattants5100 qui avaient été créés à l’occasion du conseil national de Montmartre »5101. Cependant, avec la libération progressive de la France, la question se pose de savoir comment organiser la jeunesse et cette union5102, les communistes souhaitant en garder le contrôle. Mademoiselle Fournier, responsable des Guides du diocèse, souligne dès septembre 1944, que les « FUJP avaient raison d’être au temps où il fallait agir dans la clandestinité. À l’heure actuelle, on ne voit pas nettement l’utilité »5103. Des tractations intervenues au niveau national montrent que les adhésions individuelles ne sont pas autorisées, car ce sont les mouvements qui doivent adhérer et non les militants. Le diocèse ne reste pas en dehors de la question, et le 14 décembre 1944, Félix Gavel, président de l’ACJF depuis peu, adresse une lettre aux militants pour les informer que des « conversations pour une véritable union de la jeunesse sont sur le point d’aboutir »5104. C’est le 27 décembre 1944, que les mouvements fédérés dans les FUJP et le Conseil privé des mouvements signent l’accord fondant l’Union Patriotique des Organisations de Jeunesse (UPOJ)5105. La circulaire rappelle qu’il s’agit de la création d’une union nouvelle et qu’aucun membre de l’action catholique ne doit plus faire partie des FUJP5106. L’UPOJ a un caractère fédératif ; elle n’a ni président, ni organe de presse et les décisions se prennent à l’unanimité5107. À sa fondation, le conseil de l’Union comporte treize membres parmi lesquels trois représentants du scoutisme, deux de l’ACJF, un des Mouvements féminins d’action catholique, trois des mouvements fédérés dans le FUJP dans la clandestinité5108. Les catholiques sont donc les plus représentés. Tous les six mois, deux secrétaires sont désignés par le Bureau et ils président alternativement les réunions du Conseil et du Bureau5109. L’UPOJ semble fonctionner jusqu’à sa dissolution en 19495110. L’un de ses buts a sans doute été aussi d’empêcher les communistes de prendre une importance trop grande sur les jeunes français. Félix Gavel nous déclarait qu’après la guerre, il y a eu « une volonté de réunir les différentes sections pour les unir et lutter contre les jeunesses communistes qui prônaient une sorte de jeunesse unique »5111.

Notes
5095.

ADA. 4 K ACJF. Divers. Le rapport de la réunion tenue le 21 septembre 1944 à Annecy, rappelle que ce comité « n’existe qu’en Haute-Savoie. Cela n’est pas normal ».

5096.

Ibid. Les FUJP sont créées en octobre 1943 de la fusion des Forces unies de la jeunesse et du Front patriotique de la jeunesse. Les FUJP différents groupes de jeunesse parmi lesquels les Jeunes Chrétiens combattants (JCC). Les FUJP sont sous le contrôle du Parti Communiste Français (PCF). http://www.ihtp.cnrs.fr/spip.php%3Farticle476&lang=fr.html Site consulté le 12 mars 2008.

5097.

ADA. 4 K ACJF. Divers. Réunion du comité d’union des mouvements de jeunesse, 21 septembre 1944.

5098.

Ibid.

5099.

Il faut entendre l’ACJF.

5100.

Dans le cas du diocèse, il est rappelé que les JCC sont encore au combat, mais que l’un d’entre eux, André Fumex, en résidence à Annecy, avait été « désigné primitivement comme représentant des FUJP ». ADA. 4 K ACJF. Divers. Réunion du comité d’union des mouvements de jeunesse, 21 septembre 1944.

5101.

a.-r. michel, Catholiques en démocratie…, op. cit., p. 426.

5102.

Ibid.

5103.

ADA. 4 K ACJF. Divers. Réunion du comité d’union des mouvements de jeunesse, 21 septembre 1944.

5104.

ADA, 4 K JOCF.

5105.

a.-r. michel, Catholiques en démocratie…, op. cit., p. 428 et ADA, boîte 4 K JOCF.

5106.

ADA, 4 K JOCF.

5107.

Ibid. Circulaire du 27 décembre 1944.

5108.

Ibid. Les autres membres du conseil sont : un représentant des Francs-Camarades et des Eclaireurs de France, un représentant du Conseil protestant de la Jeunesse et des Eclaireurs Unionistes de France ; un représentant de la Jeunesse Israëlite et des Eclaireurs Israëlites de France ; un représentant des usagers des Auberges de la Jeunesse.

5109.

Ibid.

5110.

a.-r. michel , Catholiques en démocratie…, op. cit., p. 431.

5111.

Entretien téléphonique avec Félix Gavel.