a. La pastorale d’ensemble

C’est à la fin des années Cinquante que la « pastorale d’ensemble » se met en place dans le diocèse5459, même si dès le milieu de la décennie, la question est évoquée. En effet, en novembre 19565460, trois journées sont organisées, sous l’autorité du chanoine Boulard, successivement à Annecy, La Roche-sur-Foron et Thonon-les-Bains, pour évoquer cette question5461. Elles sont considérées, par la Revue du Diocèse d’Annecy, « comme une transposition locale des enseignements du dernier congrès des œuvres de Versailles sur la Pastorale »5462. La situation « concrète des diverses régions » est évoquée, et ce afin de pouvoir « en déterminer les problèmes humains les plus importants et les plus étrangers à [l’] action pastorale »5463. Le constat est alors dressé que la paroisse est impuissante à assurer la persévérance chrétienne des adultes, et des jeunes, déracinés par le travail, l’apprentissage ou encore le tourisme5464. Ces journées marquent véritablement la « mise en route d’un travail qui s’amorce au cours de l’année [1957] » et qui « vise à étudier, pour l’aider, la transformation du monde »5465. Cette réunion montre la « nécessité de l’enquête sociologique »5466. Afin de mener au mieux ces différentes enquêtes, le diocèse est divisé en plusieurs zones, dites « zones pastorales d’ensemble »5467. Elles ne se découpent plus suivant une logique ecclésiastique, par le regroupement de paroisses ou d’archiprêtrés, mais par région naturelle. Des commissions spécialisées se mettent alors en place de façon à pouvoir mieux approfondir le travail. Il reste parfois peu aisé de véritablement dissocier la pastorale liée aux missions, de celle dite « d’ensemble », puisque l’utilisation de termes similaires est parfois ambiguë. Le compte-rendu des journées pastorales du Chablais et de la moyenne vallée de l’Arve rappelle que « ce que l’on appellera plus tard la pastorale d’ensemble a commencé à se chercher dès le moment où l’on a pris conscience que la déchristianisation n’était pas seulement individuelle, mais collective, avec tout le poids de la collectivité non seulement locale mais régionale »5468. C’est dans le numéro du 5 décembre 1957 que la Revue du Diocèse d’Annecy écrit : « Il nous faut une pastorale d’ensemble ». Cette décision fait suite à la série de neuf réunions tenues, dans le diocèse, sous l’autorité du chanoine Boulard, « un des maîtres de la sociologie religieuse »5469. Il semble donc que la mise en place, effective, de la pastorale d’ensemble, date de la fin de l’année 1957 ou plutôt 19585470.

D’abord, il importe de s’arrêter sur les raisons qui ont permis au clergé de prendre conscience des changements s’opérant dans la société d’alors, avant d’évoquer l’organisation de cette pastorale d’ensemble qui s’adapte aux conclusions dressées par les enquêtes de sociologie5471.

Notes
5459.

Christian Sorrel rappelle que les diocèses savoyards ne réagissent pas de la même façon face à l’enquête sociologique et à la mise en place de la pastorale d’ensemble. Il montre notamment que, dans celui d’Annecy, la mise en place de nouvelles structures se fait rapidement, alors que pour celui de Maurienne, la division en zones se fait en 1961 ; et que la pastorale d’ensemble a du mal à s’imposer à Chambéry. c. sorrel, « Les diocèses français à l’heure Boulard. Missions générales et pastorale d’ensemble en Savoie dans les années 1950 et 1960 », Mélanges Étienne Fouilloux (à paraître). Voir la carte en annexe n° 111.

5460.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 44, 1er novembre 1956, p. 617. Elles ont lieu les 21, 22 et 23 novembre.

5461.

Ibid.

5462.

Ibid., n° 39, 27 septembre 1956, p. 535.

5463.

Ibid.

5464.

Ibid., n° 44, 1er novembre 1956, p. 616.

5465.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 49, 6 décembre 1956, p. 703.

5466.

Ibid. Christian Sorrel, évoquant l’attitude des évêques face à l’enquête sociologique du chanoine Boulard, rappelle que « Mgr Cesbron … divise aussitôt le diocèse en huit zones, dotées d’un conseil et de commissions, identifie sept priorités (monde ouvrier, ruraux-ouvriers et paysans-ouvriers, petite exploitation agricole, milieux indépendants, monde scolaire, santé, tourisme) et institue un conseil diocésain de pastorale chargé de coordonner les activités ». c. sorrel, « Les diocèses français à l’heure Boulard. Missions générales et pastorale d’ensemble en Savoie dans les années 1950 et 1960 », Mélanges Étienne Fouilloux, à paraître, p. 3.

5467.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 50, 13 décembre 1956, p. 722. Elles se composent par le regroupement d’archiprêtrés. En décembre 1956, leur découpage n’est pas encore définitif. Il se présente comme suit :

Haute Vallée de l’Arve : Chamonix, Sallanches, Saint-Gervais-les-Bains, Megève.

Vallée Moyenne de l’Arve : Cluses, Bonneville, Taninges-Samöens.

Haut-Chablais : Morzine, Saint-Jean-d’Aulps, Bellevaux, Abondance.

Annemasse rural : Boëge, Bonne, Viuz-en-Sallaz, Reignier, La Roche-sur-Foron.

Semine et Saint-Julien : Saint-Julien, Viry, Frangy, Seyssel, Chaumont.

Annecy Nord : Thorens, Cruseilles, Notre-Dame, Sillingy, Saint-Joseph des Fins.

Annecy Sud : Alby, Marcellaz-Albanais, Menthonnex-sous-Clermont.

Thônes : Thônes, Saint-Maurice, Dingy-Saint-Clair, Saint-Jorioz.

Savoie : Ugine, Flumet, Faverges.

À ces zones s’ajoutent Annecy et Cran ; Annemasse : Ambilly, Gaillard, Ville-la-Grand.

5468.

ADA, 4 F VAP Pastorale d’ensemble, 1956-1970. « Impératifs et modalités de la pastorale d’ensemble. Journées pastorales du Chablais et de la moyenne vallée de l’Arve ».

5469.

Revue du Diocèse d’Annecy, n° 32, 5 décembre 1957, p. 564.

5470.

ADA. 4 F VAP. Pastorale d’ensemble, 1956-1970. Dans un document de 1962, le chanoine Duret écrit que le « travail de zone a commencé cinq ans avant 1962 ».

5471.

La Revue du Diocèse d’Annecy du 5 décembre 1957 (p. 563) écrit : « Nous avons uni nos pensées, en face des révélations de l’enquête ; nous devons unir nos efforts en face des actions apostoliques. C’était comme une reprise, après deux ans passés, des résolutions sorties de la mission régionale de la haute vallée de l’Arve en 1955 ». Il est intéressant de noter l’utilisation de « révélations » pour parler des résultats de l’enquête Boulard. Le fait d’employer ce nom montre combien l’enquête Boulard a été révélatrice de phénomènes pourtant largement existant dans le diocèse. Cela permet de confirmer le fait qu’elle a servi pour motiver les prêtres à prendre conscience que les choses changeaient.