Conclusion

Christian Sorrel rappelle que « l’historien, confronté à l’objet de son étude, peut être tenté de souligner son exemplarité, rassurante, ou sa singularité, valorisante »5704. Il est patent que l’histoire du diocèse d’Annecy entre la Séparation et Vatican II n’échappe pas à cette tension. À la fin du XIXe siècle, il offre une attitude semblable à celle des autres diocèses savoyards en présentant un fort attachement à la religion malgré des dénivellations cantonales. Son évolution varie au cours du demi-siècle étudié et lui offre une place qu’il n’était pas aisé de prévoir dans les années 1880. Tout au long de cette période, il ne cesse de maintenir et d’accroître son dynamisme et de se détacher progressivement des diocèses savoyards, affirmant ainsi une certaine spécificité, qui apparaît dès les événements de la Séparation et qui est confortée à plusieurs occasions.

Si, dans le diocèse de Chambéry, les « novateurs trouvent difficilement une percée »5705, la situation est différente à Annecy où ils peuvent être assurés du soutien épiscopal, surtout dans l’entre-deux-guerres. Cela ne doit cependant pas faire oublier qu’au début du siècle les abbés sillonnistes avaient été invités par l’évêque à entrer dans le rang. La mobilisation du laïcat est une constante entre 1905 et 1962, même si la période de l’entre-deux-guerres reste l’âge d’or d’une action catholique dynamique, entreprenante et efficace. Le maillage de celle-ci, notamment celle qui est spécialisée, n’est sans doute pas sans rapport avec le maintien de ce dynamisme. À cela doit également s’ajouter le rôle joué par des personnalités – évêques, aumôniers ou laïcs – qui ont su prendre des initiatives parfois audacieuses. Il convient de rappeler que le rôle des évêques peut parfois être surévalué. En effet, il est parfois difficile de savoir réellement qui est à l’origine d’une initiative et la plupart du temps, le chef du diocèse est considéré comme le père de celle-ci, alors que bien souvent il ne fait que l’avaliser.

L’entre-deux-guerres permet le maintien, ou la consolidation, du dynamisme diocésain. C’est en effet, au cours de ces années que s’effectuent un certain nombre de changements, mais également que s’affirme une certaine prépondérance annecienne par rapport aux autres diocèses savoyards. Si la période est propice aux initiatives et à la reconstruction, il ne faut pas omettre le rôle important joué par l’évêque. En effet, le diocèse de Chambéry, par exemple, bénéficie du même climat général et pourtant il n’a pas le même dynamisme que celui d’Annecy. Mgr du Bois de La Villerabel semble donc être celui qui a le plus marqué le diocèse de son empreinte et qui a le plus favorisé et maintenu ce dynamisme. Les dix-huit années de son épiscopat sont fécondes à la fois en initiatives pour le clergé (encouragement des vocations par la construction d’un petit séminaire dans le Chablais, convocation de synodes diocésains…), pour le laïcat (encouragement des mouvements de jeunes et d’adultes) et pour les fidèles plus largement (créations de nouvelles paroisses, de nouveaux lieux de culte…). Il est d’ailleurs intéressant de souligner que la plupart des évêques, originaires d’Annecy, sacrés dans la seconde moitié du XXe siècle, ont accédé à la prêtrise ou ont fait leurs études sous l’épiscopat de Mgr de La Villerabel. Toutefois cela ne doit pas faire oublier que les deux autres épiscopats ont préparé ou continué son travail. Son successeur a également su préserver l’héritage qui lui avait été remis lors de la prise de possession du siège épiscopal en 1940. Il a su œuvrer pour conserver et augmenter le dynamisme diocésain en réussissant à allier à la fois la tradition et la modernité.

À l’exception de quelques paroisses de montagne, les Inventaires se déroulent sans heurts majeurs et confirment la différence que les diocésains font entre leur foi et la politique. Cette idée est confortée par les élections du printemps 1906, où les quatre députés radicaux, qui ont voté la loi de Séparation, sont réélus. Le faible nombre d’écoles libres est également révélateur de cet état d’esprit. Les années qui suivent sont celles d’une réorganisation rapide et efficace. C’est véritablement à ce moment-là que se fait la prise de conscience du rôle du laïcat, mais également de celui des différents mouvements qui s’attachent à la défense religieuse. La mise en place des congrès diocésains permet de dynamiser les groupes ainsi formés mais également à conforter les croyants. Mgr Campistron réussit à faire face à la situation et à empêcher une trop grande division des fidèles, comme des prêtres, ce qui aurait paralysé les actions de restauration. Les conflits internes, qui ne touchent qu’une minorité du diocèse, ne prennent pas une ampleur trop importante et, de ce fait, n’entravent pas le dynamisme diocésain. Si des oppositions ont lieu, elles ne semblent pas sortir de la sphère privée. Mgr Campistron5706 entreprend une lutte contre le réseau intégriste de la Sapinière, alors qu’au même moment, Mgr Dubillard, son archevêque, s’enferme, au contraire, dans une logique intégriste.

La Première Guerre mondiale est à la fois une rupture et un élément révélateur. Par le brassage des combattants, elle permet la rencontre de deux mondes qui sont longtemps restés clos l’un envers l’autre : les hommes découvrent les curés et inversement. Les prêtres sont l’égal des laïcs par le lourd tribut qu’ils paient durant ces longs mois d’intenses et d’abominables combats. La guerre a permis aux catholiques de retrouver une place dans la société et laisse entrouvrir l’espoir d’un apaisement des querelles sur fond religieux. Le clergé et les fidèles ayant activement participé à la Victoire estiment que la vie politique doit tenir compte de leurs attentes. Si les élections de 1919 laissent un espoir, la situation est différente avec celles de 1924, qui ouvrent une nouvelle brèche dans la lutte religieuse. Les catholiques se mobilisent très largement pour défendre leurs intérêts et dans le diocèse, cette mobilisation est encouragée par l’évêque lui-même qui ne craint pas d’affirmer ses opinions et qui encourage les militants de la Jeunesse catholique à se mobiliser.

Au cours de l’entre-deux-guerres, le diocèse d’Annecy réussit à mobiliser les militants catholiques et à développer des organisations puissantes, qu’il s’agisse de l’ACJF, de l’UDH ou de la Ligue des femmes françaises, alors qu’au même moment, celui de Chambéry connaît une succession « de ruptures et de crises et mobilise inégalement les fidèles »5707. En quelques années, les jeunes du diocèse d’Annecy prouvent que leur mouvement est à la fois religieux et engagé sur le plan civique. Tel est le cas en 1924, où l’action catholique répond massivement à l’appel lancé pour résister contre la politique du Cartel des Gauches. Avec son président François de Menthon, elle est l’une des premières de France à constituer une légion civique pour la défense des intérêts religieux. Enfin, le diocèse est l’un des premiers à répondre à l’appel du général de Castelnau et à s’affilier à son mouvement, la FNC. L’évêque encourage les initiatives et en 1926, devant la condamnation romaine de l’Action française, il demande à ses diocésains de se soumettre ; attitude qu’il adopte lui-même. Toutefois, au milieu des années Trente, il prend des positions affirmées quant à la question des Ligues, ce qui n’est pas sans susciter quelques heurts avec certains de ses collaborateurs ou de ses confrères, mais son vicaire général Pernoud semble parfois jouer un rôle modérateur.

La reprise rapide des activités montre combien le terreau militant préparé avant 1914 est fertile. En effet, c’est dès l’été 1919 que les jeunes montrent leur détermination à relancer une ACJF largement désorganisée par les nombreux décès. Ce renouveau et cette rapidité sont le fruit à la fois du dynamisme qui a été insufflé au mouvement à la veille de la guerre, notamment par le président Paul Tapponnier, mais également de la volonté de reconstruction voulue par Mgr Campistron, dont le rôle est trop souvent négligé5708. En 1919, il nomme au poste d’aumônier adjoint de la jeunesse catholique l’abbé Clavel, jeune vicaire d’une paroisse annecienne. Même s’il n’est pas le seul à l’origine de la décision, il n’en demeure pas moins que le choix de cet abbé reste déterminant quant à l’importance prise par le mouvement de l’action catholique. L’encouragement constant du pape Pie XI pour la participation du laïcat à l’apostolat n’est sans doute pas étranger au succès rencontré par les mouvements, notamment spécialisés, dans le diocèse. Il n’est pas exagéré de dire que le chanoine Clavel est véritablement l’âme de l’action catholique de l’entre-deux-guerres et qu’il joue un rôle important dans la conservation du dynamisme religieux. Il n’a de cesse de former les jeunes toujours plus, pour les responsabiliser davantage et ainsi leur faire prendre conscience du rôle qu’ils auront à jouer dans la Cité. Cependant, son rôle ne doit pas faire oublier celui des Jésuites, qui s’installent à Annecy, en 1925 et qui font de leur maison de Trésum un haut lieu de la réflexion spirituelle diocésaine. En effet, par les retraites et les sessions qui y sont organisées, les Jésuites forment également toute une frange de la jeunesse catholique, qui sera amenée à prendre des positions face au fascisme montant dans les années Trente puis plus tard face au régime de Vichy. Tout ce travail est également rendu possible par la montée d’une nouvelle génération d’aumôniers d’action catholique qui permettent aux militants de prendre davantage de responsabilités et qui sont ainsi prêts à prendre leur vie et leur milieu en main.

Le chanoine Clavel, ami des chanoines Desgranges et Thellier de Poncheville, passé maître dans l’art de la conférence contradictoire, est un homme plein d’initiatives. Toutefois, ces réalisations ne peuvent voir le jour qu’avec l’aval de l’évêque, Mgr du Bois de La Villerabel, avec lequel pourtant il ne partage pas les mêmes idées politiques. Si des oppositions apparaissent, elles ne sortent pas de la sphère privée et les deux hommes œuvrent toujours pour le bien de la jeunesse et la pérennité de la foi catholique. C’est très probablement à cette sage attitude que l’on doit l’essor et le dynamisme de la jeunesse catholique du diocèse d’Annecy. Les mouvements spécialisés se développent et essaiment jusqu’à la veille de la guerre de façon croissante. Dans le diocèse de Chambéry, pour la même période, Christian Sorrel parle d’une action catholique paralysée, au moins jusqu’au milieu des années Trente et le changement d’évêque. Mgr Castellan, contrairement à son confrère d’Annecy, avec qui il partage pourtant la même sympathie pour l’Action française, n’a pas réussi à faire fi de ses divergences d’opinion avec le chanoine Paravy, directeur des œuvres. C’est donc avec près de dix années de retard que l’action catholique prend son impulsion dans le diocèse chambérien.

C’est également au cours de ces deux décennies que le diocèse d’Annecy s’ouvre au catholicisme social et à la démocratie chrétienne. Cette évolution entraîne l’abandon progressif de l’ancrage radical-socialiste de la Haute-Savoie. Ce changement a lieu notamment sous l’influence de l’engagement de militants d’action catholique, dont quelques-uns prennent une part active dans l’engagement civique, comme Louis Martel, élu du PDP en 1932. C’est donc bien au cours de l’entre-deux-guerres que le nouveau visage politique du diocèse d’Annecy se profile et cela n’est pas sans rapport avec le travail effectué par l’action catholique. À partir de cette date, la prépondérance des partis de droite est une constante que la guerre ne fera que confirmer.

C’est donc un diocèse dynamique qui accueille un nouvel évêque dans le second semestre 1940. Au départ, la situation annecienne est semblable à celle de nombre d’autres régions françaises et Mgr Cesbron est relativement conformiste5709. Le clergé pense qu’un retour aux autels est possible, voire même indispensable, mais devant la tournure prise par les événements, il se révèle presque chimérique. L’arrivée du maréchal Pétain est perçue par beaucoup comme providentielle, et nombreux sont ceux à apprécier les idées de la Révolution Nationale dans les premiers mois du nouveau régime de Vichy. Au cours de ces cinq années, le diocèse montre une nouvelle fois combien les diocésains sont capables de faire face à une situation complexe. En effet, en 1940, le département de la Haute-Savoie est très largement favorable au nouveau régime qui met en valeur des idées proches de celles de l’Église, mais dans le même temps, en 1944, il est le premier département français libéré par les seules forces de la Résistance. Cette évolution ne se pas fait sans heurts. Les militants de l’ACJF forment un foyer de refus face à la situation, et nombreux sont ceux à prendre une part active à la résistance, qu’elle soit spirituelle avec la diffusion de Témoignage Chrétien, ou plus armée. Il semble d’ailleurs que l’affaire de Menthon, intervenue en 1942, soit pour une part responsable de l’engagement d’anciens militants dans une opposition à Vichy. Des luttes fratricides ont lieu, mais les années de guerre sont l’occasion pour de nombreux Savoyards, prêtres ou laïcs, de montrer leur générosité non seulement matérielle mais également morale. La situation géographique du diocèse favorise la mise en place de réseaux vers la Suisse et nombreux sont ceux à payer de leur vie l’aide apportée aux personnes en détresse. L’installation de nombreux maquis et l’opposition vive qui se fait avec la Milice créent un climat de guerre civile, qui déchire encore plus le diocèse au cours de l’année 1944. Les règlements de compte causent des morts, notamment dans les rangs du clergé où cinq prêtres sont exécutés pour avoir été trop favorables à Vichy.

Malgré toutes les souffrances endurées, la Libération est un temps de joie. Les fêtes mariales des années 1945-1946 sont les dernières à offrir une telle liesse. Les cérémonies entourant le retour de Notre-Dame de Boulogne sont d’une émouvante religiosité et montrent encore une fois l’attachement des fidèles à la religion. La paix enfin recouvrée est synonyme de liberté et de reconstruction. La guerre qui a causé des traumatismes certains est également un tremplin, notamment pour l’engagement civique des catholiques, et plus particulièrement des membres de l’action catholique. En effet, plusieurs anciens de l’ACJF ont participé à la résistance et se retrouvent à des postes clés dans les comités de libération. En souvenir de l’expérience de la Résistance. Refusant de s’enfermer dans un cadre confessionnel trop étroit, ils acceptent une collaboration avec leurs camarades de combat. Dans le diocèse d’Annecy, le succès du nouveau parti, le MRP, est immédiat avec l’élection dès 1945 de deux anciens présidents diocésains de la jeunesse catholique, à savoir François de Menthon et Louis Martel. Après leur départ de la scène politique, c’est Charles Bosson, lui-même ancien président diocésain de l’ACJF, qui est porteur de cet héritage. La guerre a été un tremplin pour les mouvements de jeunesse qui s’étaient spécialisés durant la décennie 1930-1940 et les années d’après-guerre sont véritablement celles du mouvement agricole. En effet, la JAC, comme le MFR, son prolongement, animent vigoureusement le monde rural et participent activement à son évolution. La situation est moins évidente pour le monde ouvrier qui connaît des difficultés au sein même de son militantisme. L’aumônerie est réorganisée de manière à prendre plus en considération les changements géographiques et humains qui se développent, en même temps que l’ACJF, au niveau national, vit ses derniers instants. Les efforts réalisés depuis près d’un demi-siècle pour les vocations semblent porter leurs fruits et les catholiques savoyards différencient toujours la politique de leur croyance, ce qui explique que malgré les efforts importants de Mgr Cesbron le nombre des écoles libres reste faible. Les années qui suivent le conflit sont l’occasion pour le diocèse d’affirmer un dynamisme supérieur par rapport à ses voisins savoyards. En effet, les ordinations du seul diocèse d’Annecy sont supérieures à celles des trois diocèses savoyards réunis. Il résiste mieux à la crise des vocations, qui apparaît de manière plus tardive que chez ses voisins.

Ces différentes évolutions sont mises en valeur par les travaux de l’enquête Boulard. Cette dernière a lieu au milieu de la décennie 1950, à peu près au même moment que l’apparition des missions régionales. Mgr Cesbron encourage très largement ses prêtres à participer à ces travaux qui sont d’ailleurs bien acceptés par le clergé annécien, et qui débouchent sur des réalisations concrètes, des remises en question des cadres administratifs. La mise en place de la pastorale d’ensemble permet la prise en considération des unités géographiques et l’encouragement du travail en commun des prêtres au sein des archiprêtrés. Le diocèse de Chambéry par exemple présente une attitude différente puisque ces travaux ne donnent pas lieu à d’aussi importantes modifications. Tous ces éléments permettent de dresser un tableau précis de la pratique dans le diocèse et de confirmer les décrochages locaux qui remontent, pour certains, à la fin du XIXe siècle. Quoi qu’il en soit la crise est perceptible dès la fin des années 1950 et les « remous ne sont pas moindres dans le diocèse d’Annecy, confié à Mgr Sauvage, comme si la violence du choc, qui atteint de plein fouet le clergé en mai 1968, était proportionnelle au dynamisme dont il avait fait preuve au cours du XXe siècle »5710. L’épiscopat de Mgr Sauvage, qui dure également une vingtaine d’années (1962-1983) voit des modifications importantes et il serait intéressant de connaître l’évolution du diocèse d’Annecy dans la seconde moitié du XXe siècle afin de savoir si le dynamisme des militants d’action catholique et du diocèse plus largement continue de perdurer.

Nous avons choisi d’arrêter notre étude en 1962, date du décès de Mgr Cesbron, mais également date de l’ouverture du Concile de Vatican II. Ce dernier ouvre d’ailleurs une période de mutations dans l’Église, et de ce fait dans les terres savoyardes. Le diocèse d’Annecy connaît des difficultés, peut-être moins importantes que celles rencontrées par les diocèses de Savoie, qui sont unifiés en 1966, mais il n’en demeure pas moins que les crises latentes déjà perceptibles depuis les années Cinquante le touchent et modifient considérablement son visage.

Cette étude a également mis en lumière quelques aspects qui sont parfois ignorés. En effet, jusqu’à présent l’épiscopat de Mgr Campistron n’avait pas suscité un grand intérêt. Était-ce à cause d’une personnalité effacée à laquelle s’ajoutaient des circonstances difficiles ? Ou est-ce parce qu’il est enserré entre deux évêques dont les prises de position ont marqué ? Quoi qu’il en soit, cette étude a montré que son épiscopat avait permis de poser des bases solides sur lesquelles le diocèse a pu se reconstruire après les événements du début du XXe siècle. De la même façon, souvent l’historiographie s’arrête à la Seconde Guerre mondiale pour juger NN. SS. du Bois de La Villerabel et Cesbron. Dans le premier cas, il est trop souvent perçu par rapport à l’action qu’il a eu lorsqu’il était archevêque d’Aix-en-Provence. Cela fait ainsi oublier le rôle important qu’il a joué à Annecy. En effet, n’a-t-il pas lui aussi participé à dynamiser le diocèse au lendemain de la catastrophe de 1918 et n’a-t-il pas permis l’éclosion des mouvements d’action catholique spécialisée qui ont été un véritable ferment pour la vie religieuse du diocèse ? Pour Mgr Cesbron, l’historiographie locale ne conserve souvent que son silence durant les Années Noires, oubliant toutes les initiatives qu’il a pu prendre dans les années Cinquante pour une meilleure connaissance de la pratique diocésaine et donc une meilleure appréhension de son avenir.

Nous pouvons également nous interroger pour savoir si le choix d’un cadre chronologique de court terme (1905-1962) est suffisant pour expliquer les différences de sensibilité qui apparaissent entre les différents diocèses composant l’ancien duché de Savoie. En effet, bien qu’ayant un passé commun, ils réagissent de différemment aux événements. Prenant un cadre chronologique large, nous pouvons souligner que la Savoie du Nord semble mieux résister aux différents événements intervenus depuis plusieurs siècles. Est-ce le fruit d’une certaine tradition ? Est-ce lié à l’histoire de la Réforme et de la Contre-Réforme dans la Savoie du Nord ? Même si des mutations apparaissent depuis l’époque moderne, il reste tout de même intéressant de souligner la ressemblance qui existe entre la carte du serment civique de l’époque révolutionnaire et celle de la pratique religieuse établie un siècle et demi plus par le chanoine Boulard. Des études complémentaires menées sur la période révolutionnaire par exemple permettraient peut-être d’établir un certain parallèle avec des attitudes de résistance rencontrée au cours de notre étude (la Vallée de Thônes, par exemple). Existerait-il une certaine forme de tradition résistante pour cette zone ? Le fait que la Savoie du Nord offre une plus grande opposition au régime en place pourrait-il expliquer le fait que le diocèse d’Annecy maintienne une meilleure pratique religieuse que celui de Chambéry, par exemple ?

Cette étude régionale associée à d’autres permettra sans doute d’accroître les connaissances de la France religieuse, notamment celle des terres de chrétienté. De plus, si la période précédant la Seconde Guerre mondiale a déjà été traitée dans un certain nombre d’études régionales, celle qui est enserrée entre la Libération et l’ouverture du Concile, l’est moins. De ce fait, la France religieuse des années Cinquante et Soixante est surtout connue par rapport aux travaux du chanoine Boulard, même si des enquêtes ont été menées ici ou là pour mieux appréhender les mutations qui apparaissent dans ces décennies et celles qui suivent. En effet, le visage des diocèses change considérablement dans le dernier quart du XXe siècle et il serait intéressant de pouvoir établir dans quelles mesures les crises latentes des années Cinquante ont modifié ce visage mais également dans quelles mesures les acquis des années d’entre-deux-guerres ont permis un certain maintien du niveau de pratique.

Notes
5704.

c. sorrel, Les catholiques…, op. cit., p. 391.

5705.

Ibid.

5706.

Nous ne pouvons pas établir de façon précise si la décision est propre à Mgr Campistron ou s’il est influencé par son entourage.

5707.

c. sorrel, Les catholiques…, op. cit., p. 392.

5708.

Peut-être est-ce parce qu’il se trouve enserré entre deux évêques imposantset à cause du manque d’archives.

5709.

c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 32.

5710.

c. sorrel, dir., Dictionnaire du monde religieux…, La Savoie, op. cit., p. 36.