B-1) Pour la déesse Orthria.

Nous avons la mention, dans le «  Fragment 1 » d’Alcman (VIIème av. J.C.) (v. 60), de l’offrande d’un « φάρος » (pharos) 33, une robe, par un chœur de jeunes filles à une déesse Orthria, une déesse du matin identique à Aotis, déesse de l’aube nommée aussi dans le fragment34. Le culte d’Orthria n’est pas connu, aucune dédicace la concernant n’a été retrouvée. Claude Calame l’identifie à Hélène35 célébrée au Platanistas, et que Théocrite dans son « Epithalame d’Hélène » évoque encore au IIIème av. J.C. Hélène au Platanistas était une héroïne, une nymphè, la jeune fille nouvellement mariée, symbolisant l’amante et l’épouse. Son nom se rapporte au soleil, il désigne les rayons qui baignent de lumière la terre et les hommes, tout comme l’aurore vient éclairer le monde. Sa nouvelle condition marquait l’éclosion de sa beauté, incarnant la promesse d’une nouvelle vie, d’un commencement comme l’est le jour nouveau qui se lève.

Dans le texte, les parthénoi s’avancent en procession mais elles participent à d’autres cérémonies cultuelles : danses, courses, prières …. . La fête se déroulait dans un contexte lié au mariage. Les jeunes filles tissaient probablement elles-mêmes le voile pour l’offrir à la déesse, de façon à marquer leur changement d’état. Cependant, hors cette mention pour l’époque archaïque, cette offrande n’est pas évoquée dans d’autres sources. Théocrite ne mentionne aucune offrande de ce style et la coutume a pu se perdre au profit des danses et des courses, activités cultuelles importantes à Sparte durant toute l’époque archaïque et qui se perpétuèrent durant les époques suivantes. Cette offrande n’avait pas de rapport avec le rituel péplophorique pour le dieu Apollon Amycléen, qui concernait toute la cité alors que celle-ci n’impliquait qu’un groupe restreint d’âge et de sexe.

Notes
33.

L’écriture n’est pas assurée : « φᾶρος/ φάρος/ φάFος» selon les lectures. Le plus probable est soit une torche, soit un voile. Cl. Calame, Les chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque II, n. 161 p. 129 sur les différentes interprétations, lui-même p. 128-129 l’identifie comme un voile ; I. Juckers, « Frauenfest im Korinth », AK 6 (1963), p. 56 ; J. B. Carter, « Masks and Poetry in Early Sparta », p. 93-93 qui pense plus exactement à une robe de mariage, faisant le parallèle entre le « Fragment 1 » d’Alcman et l’hymne sumérien du mariage sacré d’Inanna et Dumuzi.

34.

M.P. Nilsson, op. cit., p. 195 ; A. Brelich, Paides e Parthenoi, p. 136 ; Cl. Calame, op. cit., I, p. 296-297 et II, p. 119-120  ; R. Hamilton, « Alkman and the Athenian Arkteia », Hesperia 58 (1989), p. 469-470. Ils notent que la déesse Orthria ne peut être identifiée à Orthia dont le sanctuaire est connu et important à Sparte. Les schémas métriques notamment ne correspondent pas. Contra : J. B. Carter, op. cit., p. 89-98 (p. 93) qui estime que si la déesse Aotis représente une déesse de l’aube, elle peut, sous l’appellation Orthria, être identifiée à Orthia/Ortheia. Elle s’appuie sur le fait qu’un scholiaste d’Alexandrie (A. Leutz, Herodiani technici reliquiae II, p. 942, Leipzig, 1870) parle de « ὀρθίαι φάρος » au lieu de « ὀρθρίαι φᾶρος » (rejetant cependant le fait qu’il considère le pharos comme étant une charrue). Cependant, soit le scholiaste d’Alexandrie a simplement fait l’analogie Orthria/Orthia, plusieurs siècles plus tard, soit il s’agit d’une erreur de transcription. Les premières inscriptions datent de la fin du VIIème av. J.C. et indiquent que la déesse du sanctuaire d’Orthia était nommée principalement Fορθασία/Fορθαία (sans restauration). Des restaurations avec l’appellation Fο[ρθ]εί[α]ont été faites mais ne sont pas jugées pertinentes par A.M. Woodward. (A.M. Woodward, « Laconia: Inscriptions », ABSA 24 (1919/1921), p. 89-117 et spécifiquement p. 116-117). Aucune forme avec ὀρθρία ouὀρθρίαιn’a été retrouvée jusqu’à ce jour.

35.

Cl. Calame, op. cit., II, p. 119-124. Il note que ni Aotis, ni Orthriai ne sont connues en dehors des poèmes d’Alcman ; S. H. Lonsdale, Dance and Ritual Play in Greek Religion, p. 199 : Aotis, déesse locale de type Aphrodite ou Hélène, célébrée comme divinité de la fertilité et du mariage.