2-2) A Corinthe, une représentation d’époque archaïque.

Dans un contexte proche de celui des jeunes filles de Sparte évoquées dans le « Fragment 1 » d’Alcman, sur une pyxis corinthienne datant de la fin du VIIème / début VIème av. J.C., (Fig. 97) nous voyons une procession de femmes rejoignant une autre femme assise en train de filer, la divinité à laquelle était destinée le culte mais qui n’a pas été identifiée avec certitude36. Certaines de ces femmes portent des fuseaux pour en faire l’offrande. Elles se ressemblent. Elles portent toutes un péplos long, des cheveux laissés longs dans le dos, un ruban décorant leurs coiffures. Leur comportement est solennel, leur attitude trahit les femmes respectables. Parmi elles, deux portent un voile, une robe qu’elles vont offrir à la divinité37, et nous pouvons penser que toutes ont participé à sa confection, venant offrir à la divinité les outils qui leur ont permis de le réaliser. Ainsi, à l’époque archaïque, lors d’une fête féminine, une pratique d’offrande d’un vêtement tissé par les femmes avait lieu à Corinthe. Cette pratique et cette fête concernaient des femmes et/ou des jeunes filles. Sur d’autres représentations, nous voyons ces personnages féminins pratiquer des activités cultuelles différentes avec d’autres femmes, filles ou enfants : les parthénoi dansent, les femmes et les filles vont en procession, certaines tenant des fuseaux dans leurs mains (Fig. 94-100). Le fait que cette cérémonie, sur ces représentations iconographiques, concerne des personnes d’âges différents dans un contexte purement féminin pour une divinité tutélaire féminine incite à considérer une fête à caractère initiatique, avec transmission d’un savoir typique d’un sexe par les aînées aux plus jeunes. Et le fait que les activités cultuelles soient différentes accentue cette différenciation entre elles, marquant le contraste entre celles qui savent et celles qui apprennent. Cette coutume n’est pas mentionnée dans les sources pour les époques suivantes ni d’ailleurs hors cette représentation pour l’époque archaïque. Peu de cérémonies corinthiennes féminines nous sont connues, il est difficile de dire si la pratique se perdit ou si au contraire, restreinte à un contexte intimiste féminin à caractère initiatique, elle se conserva.

Notes
36.

P. Jacobsthal (dans un compte-rendu de E. Dohan, JRS 33 (1943) p. 99-100 et résumé par P. Brulé, « Retour à Brauron », DHA 16, 2 (1990), p. 74-80) pense qu’il s’agissait d’Héra, s’appuyant sur le fait que plusieurs représentations de même époque et style montrant des femmes portant des fuseaux ou filant ont été retrouvées dans son sanctuaire à Pérachora ; I. Juckers, « Frauenfest im Korinth », AK 6 (1963), p. 56 pense à Artémis dont les liens avec le domaine textile sont affirmés ; D. Callipolitis Feytmans, « Déméter, Coré et les Moires », BCH 94 (1970), p.  54 y voit une des Moires en l’occurrence Clothô la fileuse ; G. S. Merker, The Sanctuary of Demeter and Kore : Terracotta Figurines of the Classical, Hellenistic and Roman Periods, p. 336 : pense qu’elles vont offrir le voile et les fuseaux à Déméter Epoikidia. Sur la possibilité qu’il pourrait s’agir de Déméter Epoikidia cf. Infra Chapitre 3 (D-1 : Célébrations à Corinthe).

37.

I. Juckers, AK 6 (1963), p. 56 y voit une offrande de vêtement et fait le lien avec le « pharos » du « Fragment 1 » d’Alcman ; D. Callipolitis Feytmans, BCH 94 (1970), p. 53 pense aussi à un vêtement.