D-4) Sur la frise des Panathénées : la scène du péplos.

Sur la frise Est du Parthénon est représentée la remise du péplos aux autorités qui en avaient la charge à l’occasion de la procession des Panathénées (Fig. 1-15)150. La scène centrale (Fig. 3-4 correspondant aux personnages n° 31 à 35 de la frise) montre cinq personnages plus petits que l’assemblée des dieux située tout autour d’eux, indiquant qu’il s’agit de mortels. Une femme portant péplos et himation, à la stature dénotant la femme mature, les cheveux relevés en chignon (Personnage n° 33) regarde s’approcher et accueille deux jeunes filles (Personnages n° 31-32) portant un chiton long et un péplos, une tenue élégante, avec de nombreux plis, dénotant une certaine position sociale, la richesse. Un manteau est accroché sur l’épaule droite, l’épaule gauche est dégagée. Elles sont coiffées de la même façon, leurs cheveux sont attachés en chignon. Le personnage n° 31 (Fig. 5) semble marquer un temps d’arrêt. Elle est de face et sur sa tête, elle porte un plateau sur lequel se trouve ce qui semble être un vêtement151. Elle fait un geste de la main droite comme semblant vouloir maintenir le plateau. Dans sa main gauche, elle tient un objet difficilement identifiable, mais la forme qui se dessine des contours droits de l’objet fait penser à une corbeille152. Sa compagne (Personnage n° 32) porte un vêtement semblable au sien, elle est de profil et s’avance vers la femme (Personnage n° 33). Elle aussi porte sur la tête le même plateau avec des vêtements dessus. Dans sa main droite, elle tient son manteau de façon élégante, et dans sa main gauche se trouve une torche153(Fig. 6). La femme tend son bras vers le plateau que tient la jeune fille. La scène montre les arrhéphores se dirigeant vers la prêtresse d’Athéna Polias, avec le nouveau péplos 154. Elles portent pour les identifier les insignes symboliques de la charge de l’arrhèphorie athénienne ainsi que nous le verrons dans le chapitre 2 : une corbeille ou panier et une torche. Leurs statures ne correspondent pas à celles de fillettes de sept ans, elles sont représentées sous les traits de filles approchant de la maturité ou à peine pubère, ayant conservé des traits enfantins, dont l’âge pourrait se situer entre 10/12 ans155. Chacune apporte un vêtement, l’une le péplos et l’autre un himation tissés pour la déesse156.

Dans la deuxième partie de la scène, derrière la prêtresse, lui tournant le dos, se trouve un homme (Personnage n° 34) de haute stature, musculeux, portant un vêtement sacerdotal. Il tient dans ses mains une pièce de tissu de forme rectangulaire ou carré (Fig. 7). En face de lui, un personnage (Personnage n° 35) qui semble plus jeune d’apparence que les deux jeunes filles. Ses cheveux sont courts ou relevés, il porte un manteau ouvert, accroché sur l’épaule, long, drapé, mais qui laisse entrevoir son corps nu. Il a les pieds nus. Le sexe de ce personnage n’est pas identifié avec certitude, mais si son apparence semble plus jeune, sa stature est proche de celle des deux autres jeunes filles. Leur âge doit correspondre, et le personnage - fille ou garçon - doit avoir une dizaine d’années. Cette scène montrerait le Basileus tenant dans ses mains le péplos qu’il s’apprête à dérouler ou bien à donner au petit personnage157.

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Ainsi, à Athènes, filles et femmes158 de citoyens tissaient conjointement le péplos, cependant seules les filles recevaient les honneurs. De plus, la charge de tisseuse sacrée connut une évolution avec la création de la fonction d’ergastine à l’époque hellénistique, ouvrant la participation religieuse à un plus grand nombre. Les jeunes filles qui furent alors choisies étaient matures, mais les gynaikes continuèrent à participer, servant de guide et de modèles à leurs filles comme elles le faisaient déjà au sein de l’oikos.

Notes
150.

Le premier à avoir identifié la scène du péplos est James Stuart (Stuart et Revelt, The Antiquities of Athens, 2, 1787, p. 12). A. Michaelis, Der Parthenon, p. 257 ; A. Mommsen, Feste der Stadt Athen, p. 114, 141 ; L. Deubner, Attische Feste, p. 30 ; F. Brommer, Der Parthenon Fries, p. 254 et 263 ; H. Ruhfel, Kinderleben, p. 91 ; J. Boardman et D. Finn, The Parthenon and its Sculptures, p. 250 ; E. W. J. Barber, « The Peplos of Athena », p. 113 ; E. B. Harrison, « The Web of History : a Conservative Reading of the Parthenon Frieze », p. 198-214 ; Cl. Rolley, La sculpture grecque, 2, p. 81 considèrent qu’elle représente la remise du péplos. B. Holtzmann, L’Acropole d’Athènes, p. 134 pense que la scène montre le moment où le vieux péplos est retiré. Une autre interprétation, peu partagée, est en rapport avec la mythologie. Cf. E. Berger et M. Gisler-Huwiler, Der Parthenon in Basel, p. 172-174 qui ont recensé 36 interprétations entre 1828-1993, dont 4 mythologiques, toutes datées de la deuxième moitié du XXème siècle. Ainsi, J. B. Connelly, Parthenon and Parthenoi, p. 53-80, voit dans la scène retracée l’histoire du roi Erechthée, de sa femme Praxithéa, et de leurs trois filles qui donnèrent leurs vies pour sauver la cité. Pour elle, cette scène montre la famille royale prête pour le sacrifice de la plus jeune, se préparant à un rite funéraire vestimentaire. Cependant, aucune impression mortifère ne s’en dégage. Il émane des différentes scènes de la frise, tour à tour, de l’effervescence ou de la tranquillité, scènes à la fois enthousiastes, solennelles mais toujours naturelles. Certes, la reproduction de la procession civique n’est pas réelle mais je suis de l’avis de B. Holtzmann lorsqu’il estime qu’elle ne représente pas justement la procession mais qu’elle compose «  des morceaux choisis des grandes Panathénées, de manière à évoquer certains aspects marquants de cette fête nationale ». (L’Acropole d’Athènes p. 126-136, p. 134 pour la citation).

151.

A. Michaelis, op. cit., p. 255 ; F. Brommer, op. cit. p. 263 ; Cl. Rolley, op. cit., 2, p. 81 : des chaises (ou tabourets) et des coussins ; E. Berger et M. Gisler-Huwiler, op. cit., p. 158 identifient des plateaux.

152.

F. Brommer, op. cit., p. 267 et E. Berger et M. Gisler-Huwiler, op. cit., p. 157

153.

A. Michaelis, op. cit., p. 255 ; E. Berger et M. Gisler-Huwiler, op. cit., p. 158.

154.

De nombreuses interprétations sur ces différents personnages ont été faites, cf. A. Michaelis, op. cit. p. 262-263 qui recense 27 interprétations entre 1787 et 1871 et E. Berger et M. Gisler-Huwiler, op. cit., p. 172-174 qui recensent de même 36 autres interprétations de 1871 à 1993. Hors les interprétations mythologiques, les plus courantes voient les personnages n° 31-32 comme les arrhéphores (20 avec A. Mommsen, op. cit., p. 141 ; L. Deubner, op. cit., p. 12 et 30 ; E. Simon, op. cit., p. 66-67 ; H. Ruhfel, op. cit., p. 98-99 ; Chr. Sourvinou-Inwood, op. cit., p. 58-59 ; E.B. Harrison, op. cit., p. 205 ; S.B. Aleshire et S.D. Lambert, « Making the Peplos for Athena : a New Edition of IG II2 1060 + IG II2 1036 », ZPE 142 (2003), p. 71), des diphrophores (7 dont A. Michaelis lui-même), des servantes de la prêtresse : Kosmô et Trapèzô (3 et N. Robertson, « The Praxiergidae Decree (IG I3 7) and the Dressing of Athena’s Statue with the Peplos », GRBS 44 n° 2 (2004), p. 157) ou simplement des jeunes filles (13) ; B. Holtzmann, L’Acropole d’Athènes, p. 134 voyait dans ces deux jeunes filles les ergastines. Le personnage n° 33 est généralement interprété comme la prêtresse d’Athéna (26) et parfois comme la Basilinna (7).

155.

Chr. Sourvinou-Inwood, Studies in Girls’s Transition, p. 58-59 estime que leur apparence dénote la fin de l’enfance et les premiers signes de la puberté, et situe leur âge autour de 10 ans.

156.

IG II2 1060, fr. b, 2-3 (Fin IIème av. J.C.) qui mentionne un himation avec le péplos.

157.

A. Michaelis, op. cit. p. 262-263 et E. Berger et M. Gisler-Huwiler, op. cit., p. 172-174 donnant différentes interprétations où, en général, le personnage n° 34 est perçu comme étant l’archonte Basileus (23). Les considérations sur la fig. 35 se focalisent essentiellement sur son identité sexuelle plus que sur sa fonction, avec une prédominance pour le sexe masculin, ainsi E. Simon, op. cit., p. 66-67 ; H. Ruhfel, op. cit., p. 91-92 ; E.B. Harrison, op. cit., p. 202-205  pensent qu’il s’agit d’un garçon du temple, un serviteur âgé d’environ dix ans ; Cl. Rolley, op. cit., 2, p. 81 identifie un garçon sans présumer d’un rôle particulier ; B. Holtzmann, L’Acropole d’Athènes, p. 134 y voit l’une des arrhéphores avec le Basileus.

158.

Considérant leur âge, J.A. Turner, op. cit., p. 193 estime qu’elles devaient apprendre pendant un an ou deux à tisser. E.W.J. Barber, op. cit., p. 113 réfute l’argument de leur jeunesse en ce qui concerne leur capacité à tisser ; B. Holtzmann, op. cit., p. 222 pense au contraire qu’elles devaient déjà être expérimentées.