C-5) La cérémonie.

Nous pouvons ainsi déduire qu’à Tégée, la prêtresse d’Athéna Aléa, lavait elle-même la robe de la déesse. Elle officiait en compagnie de jeunes filles, appelées plyntrides, qui rappelaient les jeunes compagnes d’Augè. Nous pouvons aussi supposer que les plyntrides apaprtenaient aux meilleures familles de Tégée, comme les autres filles qui à Argos et Athènes assumaient la charge de baigneuses sacrées. La cérémonie avait lieu lors d’une fête non identifiée, la nuit aux flambeaux avec des chœurs féminins, peut-être lors des Aleia 228. Elle avait lieu dans l’enceinte ou à proximité du sanctuaire de la déesse. Une fontaine se trouvait près du sanctuaire, située au nord du temple229. C’était un rituel de purification230 et de régénération. Il s’agissait de laver le péplos de la déesse pour le purifier de tous les miasmes qui s’étaient déposés dessus et de stimuler, de recréer la puissance divine. En même temps, il y avait la souillure du viol d’Augè alors qu’elle était en train d’accomplir le rituel sacré. Une souillure/sacrilège qui implique une certaine forme d’expiation dans la pratique.

En étudiant les objets trouvés dans l’enceinte du sanctuaire, M. Voyatzis231 évoque la nature originelle de la déesse qui était celle d’une maîtresse des animaux, de la fertilité mais aussi une protectrice de la ville. Elle observe que des objets en rapport avec la vie féminine se retrouvent en nombre dans le sanctuaire comme des quenouilles – ce qui indique un lien avec le tissage – ou encore de nombreux bijoux. Elle observe que les sanctuaires où ces derniers furent retrouvés en grand nombre étaient notamment des sites où l’on honorait des déesses comme Héra, Artémis, Athéna, dans des cultes en relation avec des phases transitoires de la vie (comme le mariage, la naissance). Ces divers éléments, notamment ceux concernant le tissage alliés à un rituel du bain et la présence de plyntrides parthénoi, suggèrent qu’un rite à caractère initiatique, pour des jeunes filles proches du mariage comme les lotrochooi et les hèrésides, devait exister aussi à Tégée pour certaines jeunes filles de la cité, du moins à l’époque archaïque. Il semble en effet qu’à partir du VII/VIème, les qualités guerrières de la déesse devinrent prédominantes et que les éléments se référant à la vie féminine s’amoindrir. Il est difficile de dire avec certitudes si ce rite du bain conserva des rapports avec la vie féminine dans les époques ultérieures. Mais en faisant le parallèle avec Athéna Pallas argienne, divinité athlétique et guerrière dont le culte ne semblait pas connecter à une vie féminine cultuelle importante, nous pouvons penser qu’à Tégée, le rituel conservait encore des liens avec ce monde féminin, impliquant toujours une phase de transition pour les jeunes filles au temps d’Euripide. Le fait que la déesse possédait un caractère de protectrice de la cité n’était pas inconciliable avec cette phase de transition, au contraire : la vie féminine était ainsi placée sous l’égide de la déesse protectrice comme c’était le cas pour les jeunes filles athéniennes, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant et comme nous l’avons déjà observé avec les ergastines.

Notes
228.

L. Koenen, ZPE 4 (1969), p. 14-18 ; N. Robertson, op. cit., p. 50-52 restitue l. 7-8 «τῆς πα[τρίας ἑορτῆς τῆι Ἀλέαι παρα]στάσης »au lieu de « τῆς πα[ννυχίδος τῆς τῇ Ἀλέᾳ τελουμένης ἐπι]στάσης » (restitution L. Koennen) et estime que la fête se réfère à un ancien festival autre que les Aleia.

229.

Pausanias, VIII, 47, 4 (éd. Belles Lettres, 1998, J. Marcadé, M. Jost) « sur le côté septentrional du temple, il y a une fontaine, et les Tégéates disent qu’à cette fontaine Augè fut violée par Héraclès ; en quoi ils sont en désaccord avec ce que Hécatée rapporte à ce sujet. » ; Pausanias, VIII, 4, 9 (= FGrHist 1 F 29 B) « A cette Augè, selon Hécatée, Héraclès s’unissait quand il venait à Tégée » signifiant qu’Augè était consentante et avait une liaison avec Héraclès.

230.

L. Koenen, ZPE 4 (1969), p. 17 interprète le rite comme un mariage sacré suivant E. Fehrle, Die Kultische Keuscheit im Altertum, p. 173-174.

231.

M. E. Voyatzis, « An Analysis of Votive Types Recently Found at Tegea », p. 159-168 où elle développe ses théories déjà élaborées dans The Early Sanctuary of Athena Alea at Tegea, p. 269-273. Elle pense que la nature première de la déesse était en rapport avec la vie féminine (fertilité, mariage, naissance).