D-1) Des jeunes filles qui courent.

1) Les jeunes filles d’Olympie.

Des concours avaient lieu lors des Héraia d’Olympie. Ils étaient organisés par le collège des seize femmes de l’Elide. « Le concours consiste en une épreuve de course pour les jeunes filles, (…)  (elles) ne courent pas ensemble (…) ; la première série est constituée par les plus jeunes ; ensuite viennent celles qui sont de la deuxième catégorie ; enfin la dernière série comprend les plus âgées des jeunes filles. Voici comment elles courent : leur chevelure est dénouée, leur tunique arrive un peu au dessus du genou, elle découvre «  ἄχρι τοῦ στήθους  » leur épaule droite jusqu’à la poitrine [i.e. : et leur sein droit]. Le stade olympique leur est réservé pour ce concours, mais on ampute à peu prés du sixième la longueur du stade pour leur course. On donne aux lauréates une couronne d’olivier et une part de la vache offerte à Héra en sacrifice, et elles peuvent consacrer leurs images 428 ».

Selon la légende, la fête et les courses auraient été créées par Hippodamie pour remercier la déesse d’avoir permis son mariage avec Pélops. Il précise que la première à avoir gagné une course rituelle fut sa nièce par alliance, Chloris, fille d’Amphion et de Niobé, sœur de Pélops, mari d’Hippodamie429. Hors ce contexte mythologique, nous ignorons à quelle date le culte d’Héra fut instauré à Olympie430, mais au VIème av. J.C., une fête pour la déesse existait et les courses de jeunes filles avaient lieu. En effet, d’après Pausanias, c’est en -580 que les Eléens et ceux de Pise décidèrent de faire la paix et de créer le collège des seize femmes chargé d’organiser les Héraia et les courses de jeunes filles431.Une statuette en bronze datée du VIème siècle av. J.C. (-560/540) (Fig. 65) et représentant une jeune coureuse, dans la tenue décrite par Pausanias, atteste que les courses existaient déjà à cette période, mais il est difficile de dire si elles existaient avant ou si elles remontaient à cette date432. De plus, nous devons aussi considérer que les informations que nous possédons sur ces courses datent de l’époque de Pausanias, soit le IIème ap. J.C., et que leur déroulement a pu évoluer.

Les filles couraient sur le stade olympique mais sur une distance moindre : 1/6ème de moins que les garçons, soit 155/160 m. Elles partaient d’une colonne de pierre qui fut retrouvée et dont les marques indiquent qu’une vingtaine d’athlètes pouvaient prendre position et participer. Elles arrivaient non loin de l’autel d’Héra et de Zeus, prés des sièges où se trouvaient les seize femmes, lesquelles assumaient ce jour-là la fonction d’agonothètes et d’hellanodice 433. Les gagnantes recevaient une part des vaches sacrifiées à la déesse et une couronne d’olivier, de plus elles avaient le droit de consacrer une image434 mais aucune trace archéologique n’a jusqu’alors été retrouvée et aucune fille ayant gagné l’une des courses aux Héraia, à part la légendaire Chloris, n’est connue.

Notes
428.

Pausanias, V, 16, 2-3 (éd. Belles Lettres, 1999, J. Pouilloux, A. Jacquemin, M. Casewitz)

429.

Pausanias, V, 16, 4  « On fait aussi remonter le concours des jeunes filles à l’antiquité : Hippodamie, dit-on, pour remercier Héra de son mariage avec Pélops réunit les seize femmes et la première organisa avec elles le concours des Héraia » ; Pausanias, II, 21, 9 : Chloris et son frère Amyclas furent les seuls à survivre au massacre des enfants de Niobé, perpétré par Apollon et Artémis à la demande de leur mère que Niobé avait outragée. La fillette se plaça sous la protection même de Léto et pour la remercier, lui institua un temple à Argos où sa statue jouxte celle de Léto.

430.

Cf. A. Moustaka, « On the Cult of Hera at Olympia », p. 199-205 qui remet en cause l’ancienneté et l’importance du culte d’Héra à Olympie. Cf. Supra Chapitre 1 (2-3 : Les ekkaideka gynaikes d’Olympie).

431.

Pausanias, V, 16, 5-7. Ce moment est vu comme une réorganisation de la fête des Héraia sous l’influence des jeux olympiques et aussi peut-être sous celle de Sparte. Cf. Daremberg et Saglio, DA, Heraea, p. 77 ; L. Weninger RE Heraia, p. 407-418 ; Der Neue Pauly, sv. Olympia, p. 1169-1184 ; Th. F. Scanlon, « The Footrace of the Heraia at Olympia », AW 9 (1984), p. 77-90 ; S. des Bouvries, « Gender and the Games at Olympia », p. 55-74 ; N. Serwint, « The Female Athletic Costume at the Heraia and Prenuptial Initiations Rites », AJA 97 (1993), p. 404-406.

432.

Th. F. Scanlon, AW 9 (1984), p. 85-87 pense que les courses de jeunes filles furent mises en place à cette époque et estime que le caractère agonistique de la pratique, subordonné au caractère religieux, fut probablement inspiré par les jeux olympiques. Contra : S. des Bouvries, op. cit., p. 62 ; N. Serwint, AJA 97 (1993), p. 406 qui estiment que les courses de jeunes filles étaient antérieures à la réorganisation. Sur les courses : G. Arrigoni, Le donne in Grecia, p. 95-101 ; P. A. Bernardini,« Le donne e la pratica della corsa », p. 166-169 ; R. Frasca, L’agonale nell’educazione della donna greca, p. 68-70.

433.

Th. F. Scanlon, AW 9 (1984), p. 81 ; N. Kaldis-Henderson, A Study of Women in Ancient Elis, p. 317-319 sur le stade olympique. Ce dernier n’existait pas avant le VIème av. J.C., les jeux avaient lieu auparavant sur l’Altis, puis le stade I fut construit et agrandi au fil des ans, jusqu’à comprendre de 20 000 à 40 000 spectateurs. Der Neue Pauly, sv. Olympia, I et II (p. 1169-1179). (Plan 11 a et c).

434.

Pausanias, V, 16, 3. Le terme « ἐικὸνας » peut signifier à la fois image ou statue.