II – Ordonnancement des ensembles.

D’enfant à femme, la fille faisait l’expérience de différents rituels, accomplissait divers services sacrés qui allaient la conduire au mariage. Les pratiques étaient toujours collectives, la fille n’agissait pas seule. Le groupe formait à la fois un ensemble valorisant et protecteur. La fille se sexualisait peu à peu au rythme des initiations : quittant le monde de l’enfance pour entrer dans celui de la parthénos, elle se socialisait et acquérait petit à petit cette beauté qui marquait son accomplissement charnel, la rendant désirable pour les hommes. Par conséquent, cette période n’était pas sans danger : en suscitant ainsi le désir elle risquait l’action violente, en témoigne l’histoire tragique des karyatides ou les rapts de Korè, d’Oreithyia, des Leucippides748. L’ensemble collectif procurait ainsi une certaine sécurité et en même temps, ces groupes attiraient les regards et créaient un effet attractif recherché comme sur l’île de Céos.

La façon dont ces groupes s’organisaient répondait à un contexte précis. Ceux-ci se comprenaient en fonction de la signification du rituel et s’exprimaient via une série de codes, de signes extérieurs qui, tels des marqueurs socioculturels, définissaient l’agencement de la scène qui se déroulait. Dans ce jeu de rôle où les acteurs arboraient ostensiblement leurs différences par rapport au reste de la communauté, modèles et contre modèles se succédaient. Ces divers rites de transition, initiatiques et/ou de passages marquaient l’évolution de la fille, témoignant de sa maturation. Ils se déroulaient dans des espaces spécifiques qui situaient l’initiée sans pour autant l’enfermer. Ces espaces n’étaient pas clos, ils se rencontraient, s’entrelaçaient. Ils formaient un ensemble cohérent où la parthénos toujours en mouvement, passait d’un espace à l’autre, évoluant sous les regards concernés des dieux et de la cité pour devenir une nymphè.

Notes
748.

D’autres histoires légendaires témoignent encore de la dangerosité de l’état de parthénos avec des violences faites aux parthénoi par des dieux ou des humains : viol des nymphes Nicaia et Aura par Dionysos (Nonnos de Pannopolis, Les Dionysiaques, Chants XXVI et XXVII) ; viol de la prêtresse d’Artémis dans son sanctuaire (Pausanias, VIII, 5, 12) ; viol de Creuse par Apollon (Euripide, Ion, 8-15) ; viol d’Augè par Héraklès (Hygin, Fables, XCIX,). cf. N. Loraux, Les enfants d’Athéna, p. 86-88 « la parthénos, cette femme à problèmes (…) dans l’univers du mythe, il n’est pas d’être plus ambigu que la parthénos qui concentre en elle tout l’interdit redoutable de la féminité » ; P. Brulé, « Des osselets et des tambourins pour Artémis », Clio 4 (1996), p. 11-32 et L. Bruit-Zaidman, « Le temps des jeunes filles dans la cité grecque : Nausicaa, Phrasikleia, Timaréta et les autres … », Clio 4 (1996), p. 33-50 sur l’état de parthénos et son évolution en femme.