Chapitre 4
Etre prêtresse en Grèce ancienne

‘« Je pensais que gardien était parfait. Il veillait tranquillement à ce qu’une chose continue à exister sans changement. Parfois, il la réparait un peu ou l’entretenait mais ne la modifiait pas, ne lui ajoutait rien de nouveau. Il la chérissait dans une attitude qui ressemblait aussi à celle de la prière 1105  ». ’

La prêtrise était perçue, en Grèce ancienne, comme une magistrature d’un genre particulier car elle dépendait de la sphère sacrée1106 ; mais elle était intimement liée à la sphère de l’Etat du fait de l’imbrication entre religieux et politique pour les prêtresses qui officiaient pour le Démos. En ce sens, la fonction possédait un caractère qui transcendait la condition féminine de la desservante, sa charge lui octroyait plus de liberté, de pouvoirs et privilèges que n’en possédaient les autres femmes, même celles de conditions aisées. La prêtresse était chargée par la cité d’accomplir, au nom de la communauté, les devoirs religieux prescrits par la divinité. Elle était la principale servante de la divinité, formant un lien entre celle-ci et la communauté des hommes. Elle détenait une charge civique, pour une durée limitée ou à vie. La prêtresse était affiliée à un dieu et à son sanctuaire, elle accomplissait les rites ou participait à chaque fête et cérémonie la concernant. Elle avait pour devoir de prendre soin de la divinité, de veiller au maintien de l’ordre à l’intérieur de l’enceinte sacrée, et d’accomplir les rites sacrés selon les traditions. Elle n’enseignait rien, ne prêchait rien. Elle devait  se conformer aux coutumes religieuses des ancêtres et ne pas innover, assumer les rites sans déroger à la tradition, car ceux-ci étant transmis par les dieux, les modifier était sacrilège, ne pas les accomplir correctement une offense1107. Toutefois, sa sphère d’influence dépassait le domaine liturgique, les prérogatives et honneurs qu’elle recevait trahissaient sa fonction supérieure. En même temps, comme toute magistrature, prêtres et prêtresses étaient soumis aux lois du Démos, leur autorité lui était assujettie. De plus, entièrement dévoués à une divinité, leur autorité était limitée aux cadres géographiques de son sanctuaire et aux cadres cultuels de son domaine liturgique, tout en créant une relation exclusive et quasi-identificatrice entre la divinité et ses principaux serviteurs. La prêtresse détenait l’autorité du culte, un culte qu’elle ne devait pas altérer, dont elle devait prendre soin à travers la divinité même - c'est-à-dire sa statue de culte -, le temple qui en était sa demeure, et les rites anciens et sacrés faisant d’elle une gardienne sacrée du dieu et du culte.

Notes
1105.

Yoko Ogawa, La petite pièce hexagonale, p. 77, Actes Sud, 2004.

1106.

Aristote, Politique, 1299 A « Il n’est pas facile de savoir quelles sortes de fonctions doivent être appelées magistratures : la communauté politique a besoin de beaucoup de fonctionnaires, aussi il ne faut pas considérer comme magistrats tous ceux qui sont désignés par élection ou tirage au sort : c’est le cas comme des prêtres ». (éd. Belles Lettres, 1968/1989, J. Aubonnet)

1107.

[Démosthène], Contre Néera, 75 et Exordia, 54.