4-1) Images identitaires : un ensemble complexe.

Pris isolément, les divers éléments qui composaient la perception de la charge sacerdotale ne permettent pas de signifier cette identité. Ainsi, le sceptre et la couronne pouvaient aussi bien représenter prêtres et prêtresses que rois, reines ou divinités. Ces identifiants doivent donc être observés dans un ensemble composant une réalité qui alors devient perceptible en fonction des données, parfois sommaires.

La clé était l’élément le plus fort de cette identification, du moins en Grèce propre puisque le symbole n’était pas utilisé en Asie Mineure dans l’iconographie de la prêtrise féminine. Cependant, celle-ci ne permet pas de la situer en tant que prêtresse de telle divinité, à la différence de certains attributs comme les tympana pour les prêtresses de Cybèle (Fig. 211-215), la torche sur le monument de la prêtresse de Déméter à Smyrne (Fig. 216), la boîte que tenait Eirana, prêtresse d’Artémis Ortheia à Messène (Fig. 229), la volonté délibérée de la représenter à la ressemblance de la déesse comme Polyxèna qui expose le xoanon de Déméter et dont elle reproduit la posture sur son relief funéraire (Fig. 218). A ces attributs spécifiques s’ajoutent le contexte et/ou les gestes codifiés : devant l’autel, manipulant bols et coupes à libations, levant les mains en un geste de prières. Il convient aussi de noter l’attitude des prêtresses, les unes semblables aux autres dans leur maintien digne et fière, conscientes de leur importance, solennelles dans leurs gestes, emplies de sacralité.

A ces éléments picturalement visibles sur les reliefs, les vases, s’ajoutait la façon dont ceux et celles qui agissaient dans la sphère sacerdotale étaient habillées. Certaines couleurs possédaient des significations claires comme le blanc symbolisant la pureté, le pourpre et l’or exprimant l’autorité et le pouvoir. Des couleurs étaient ainsi parfois obligatoires ou interdites selon les cultes. Si ces dispositions s’inscrivaient dans la recherche de l’état de pureté1549, elles constituaient aussi un élément de différenciation visuellement fort. Lorsqu’ils officiaient prêtres et prêtresses devaient ainsi observer un comportement vestimentaire adéquat ou arborer certains emblèmes qui permettaient leur reconnaissance immédiate par les autres. Ainsi, dans le sanctuaire d’Eleusis, les fidèles pouvaient reconnaître ceux qui effectuaient le sacerdoce au vêtement pourpre qu’ils arboraient1550. Le fait que la prêtresse d’Artémis Pergaia, à Halicarnasse, recevait une somme sur l’argent du culte pour se vêtir indique qu’elle devait probablement porter un vêtement spécifique à l’occasion des cérémonies1551. Des codes vestimentaires régissaient ainsi certains cultes et si couleurs ou décorations spécifiques pouvaient servir d’identifiants et étaient compréhensibles par les anciens Grecs, ils le sont difficilement pour nous car, sur les statues et les reliefs funéraires, ces pigments ont disparu. Mais, généralement, les prêtresses étaient représentées portant chiton, himation, péplos, ou plus original comme le vêtement qui drape la statue de la prêtresse d’Héra à Samos (Fig. 226), sans que rien ne soit déterminant dans leur identification comme hiéreiai. De plus, sur les vases, même si nous voyons que certaines portent des tenues élaborées, aux riches motifs, selon un arrangement étudié (comme le manteau enroulé autour du corps, ramené sur le bras gauche, un pan parfois roulé sur lui-même ou au contraire disposé sur les épaules) et largement partagé, ce n’était pas nécessairement la preuve d’un statut sacerdotal. Le vêtement traduit un statut surtout social, une position, les tenues luxueuses et élégantes qu’elles arborent s’inscrivent non seulement dans leur société, reflétant leur appartenance à un milieu élitiste, mais aussi dans leurs époques selon la mode et les affinités de chacune. La vêture complète la représentation de la prêtresse mais se lit et s’interprète en fonction des autres éléments constituant la scène1552.

Au final, nous constatons que les différences dans la représentation se greffaient sur une physionomie homogène où s’exprimaient plusieurs types (prêtresse à la clé, en train de prier, de Cybèle, de Déméter,….) se composant parfois de certains identifiants, parfois d’autres,  pour constituer un portrait commun et perceptible de la prêtresse grecque.

Notes
1549.

Cf. Supra Chapitre 4 (2-3, A-3 : Etre en état de pureté).

1550.

[Lysias], Contre Andocide, 51 ; K. Clinton, Sacred Officials, p. 32-33.

1551.

LSAM 73, 32-35 = SEG XVI, 701 (IIIème av. J.C.)

1552.

H. Mills, « Greek Clothing Regulations : Sacred and Profane?», ZPE 55 (1984), p. 255-265 ; E. B. Harrison, « Greek Sculptured Coiffures and Rituals Haircuts », p. 247-254 ; A. Mantis, Problemata, p. 40 sur la vêture des prêtresses  ; L. J. Roccos, « Back mantle and Peplos, the Special Costume of Greek Maidens in 4th Century and Votives Reliefs », Hesperia 69 (2000), p. 235-236 : le costume est important car il indique le statut social et l’appartenance à un groupe ; A. Kosmopoulou, « Working women, Female Professionals on Classical Attic Gravestones », ABSA 96 (2001), p. 296-297 ; J. B. Connelly, Portrait of a Priestess, p. 85-115 et p. 115 : la vêture des prêtresses pouvait « communiquer le rang sacerdotal, mais non le confirmer ».