1-6) Les sous-prêtresses d’Artémis à Délos.

Durant la période de l’indépendance de l’île de Délos, Artémis était desservie par une prêtresse, à laquelle était subordonné un néocore. Lorsque les Athéniens récupérèrent Délos au IIème av. J.C (-166), les deux charges ne sont plus mentionnées mais une hyphiéreia (ὑφιέρεια), soit sous-prêtresse, de la déesse est à plusieurs reprises honorée1635. Il est difficile de dire si la charge existait avant la période athénienne ou si elle fut créée par les Athéniens pour manifester leur volonté de montrer leur contrôle sur l’île, en ne modifiant pas le culte mais simplement en le réorganisant1636. Si aucune prêtresse de l’époque indépendante n’est identifiée, nous connaissons plusieurs sous-prêtresses, choisies parmi les filles des citoyens athéniens, dont certaines ayant assumé d’autres services cultuels, notamment la canéphorie1637.

Ménias, Sosandra, Stratonikè (fille d’Hipparchos) et Philippè furent canéphores, respectivement lors de la Pythaïde de Delphes de – 106/5 (FD III, 2, 30, 4), aux Lénaia à Délos (Tableau canéphore n° 19), pour Artémis (Tableau Canéphore n°18) et lors des Délia à Délos (Tableau canéphore n° 25). Sosandra fut ergastine en -103/2 avec ses sœurs, Apollodora et Théodora (IG II2 1943, Tableau B’, Tribu Cécropide, 1-3)1638.

Trois autres inscriptions mentionnent des sous-prêtresses ayant accompli leur charge au début du Ier av. J.C., mais leurs noms ne sont pas lisibles (ID 1872 (fille de Basileidès de Mélitè); 1873 ; 1874)1639. La charge était attribuée annuellement par décret d’Athènes (ID 1872 ; fin IIème av. J.C.), E. Perrin Saminadayar pense que Mèdeios II influença la désignation de sa sœur Philippè et de Sosandra, fille de son allié Sarapion II de Mélitè1640.

Ainsi que l’indique sa désignation, la charge de sous-prêtresse se présente comme une fonction d’assistante. Cette charge n’est pas très bien connue, nous possédons peu d’information à son sujet et il est difficile de déterminer sa réelle importance dans le sanctuaire. Tous les cultes ne possédaient pas de sous-prêtres ou sous-prêtresses, ainsi il n’en est pas fait mention dans celui d’Athéna Polias à Athènes ; par conséquent, la taille du sanctuaire et l’importance du culte ne signifiait pas sa présence parmi le personnel cultuel. La sous-prêtresse était plus généralement une collaboratrice proche de celle ou celui qui assumait le sacerdoce principal.

A Kos, dans le culte de Dionysos Thyllophoros, où elle était désignée par la prêtresse, la sous-prêtresse devait remplacer cette dernière lorsque celle-ci était absente. Toutefois, elle ne prenait pas réellement sa place ou son statut. Ainsi, si elle procédait à des sacrifices en l’absence de la prêtresse, elle devait lui remettre ultérieurement les parts qui lui revenaient alors que rien n’est indiqué concernant les parts qui lui revenaient à elle. De plus, la sous-prêtresse de Dionysos Thyllophoros pouvait aussi déposer les parts sacrés sur l’autel mais seulement si la prêtresse le lui autorisait1641. La sous-prêtresse avait le devoir de se substituer au prêtre ou à la prêtresse en son absence, mais elle demeurait une subalterne qui devait obéir. Le terme qui caractérise le mieux la fonction de sous-prêtresse est celui de remplaçante. C’était la disponibilité du détenteur du sacerdoce principal qui influait sur la nécessité ou non de la présence d’une personne qui assumait, en quelque sorte, la prêtrise lorsque le prêtre ou la prêtresse n’était pas là. Ainsi, aucune prêtresse pour l’époque de l’occupation athénienne n’est mentionnée mais P. Roussel suggère que le prêtre d’Apollon s’occupait du culte de la déesse1642, la sous-prêtresse l’assistant dans le culte et assurant le service cultuel lorsque ses autres devoirs l’appelaient.

La position ou le pouvoir de la sous-prêtresse dépendait des libertés sacerdotales que lui accordait son supérieur. Ainsi, la sous-prêtresse de Dionysos Thyllophoros apparaît plus comme une subalterne servant auprès de la prêtresse, alors qu’il semble que dans le culte d’Artémis à Délos, les sous-prêtresses possédaient véritablement les prérogatives sacerdotales et le statut de la prêtrise. En effet, l’une de ces hyphiéreiai - Stratonikè, fille d’Antiphon de Myrrhinoutta - dédia à la déesse une clé du temple en fer, décorée d’un protomé de lion en argent, symbole de la prêtresse grecque1643.

Notes
1635.

IG IX 2, 287, B, 61 et 147, 7 : « τῆς ἱερείας τῆς Ἀρτέμιδος »

1636.

Ph. Bruneau, Recherches sur les cultes de Délos à l’époque hellénistique, p. 504-506 sur le personnel cultuel à l’époque athénienne et les modifications apportées par rapport à l’époque de l’indépendance et p. 195-196 et 201 sur les sous-prêtresses.

1637.

P. Roussel, Délos colonie Athénienne, p. 216-217 donne une liste des sous-prêtresses d’Artémis à Délos et p. 220 n.2 pensait que toutes avaient été canéphores, ce qui n’est pas exact ainsi que l’a noté Ph. Bruneau, op. cit., p. 201 et p. 196 donnant une liste des sous-prêtresses d’Artémis à Délos ; M.-Th. Le Dinahet Couilloud, « Femmes dans le paysage délien », p. 403-404, B-3 et 4.

1638.

Respectivement G. Colin, Fouilles de Delphes, III/2, p. 38 ; cf. Supra Chapitre 2 (1-2, D-2 : Les porteuses sacrées sous l’ombre de la canéphore) ; Supra Chapitre 1 (2-4 : Les ergastines athéniennes). M.-Th. Le Dinahet Couilloud, op. cit., p. 393-396 : valorisation des familles des élites athéniennes par les rôles publics assumés par leurs filles, principalement, comme canéphores et sous-prêtresses à Délos.

1639.

Ph. Bruneau, op. cit., p. 196 met en doute l’inscription ID 1873.

1640.

E. Perrin Saminadayar, « Traditions religieuses et stratégies familiales », p. 58 n. 39.

1641.

ICos Ed 216, B, 9-12. (225-175 av. J.C.) 

1642.

P. Roussel, op. cit., p. 216 ; Ph. Bruneau, op. cit., p. 198.

1643.

ID 1442, B, 56 ; P. Roussel, op. cit., p. 216 et n° XXVI, A, 47-48 (Appendice 2) : « [κλεῖδα κλε]ιδουχικὴν σιδηρᾶν ἔχουσαν προτομὴν λέοντος ἀργυ[ρ]ᾶν [ἐφ’ἦ ἐ]πιγραφή [Στρατονίκη Ἀντιφῶντος ἐγ Μυρρινούτ]της, ὑφιέρεια γενομένη » (ibid. l. 56).