A-1) Inscriptions.

Elles apparaissent dans les sources épigraphiques au Ier av. J.C. et durant toute l’époque romaine : elles reçurent des dédicaces honorifiques faites par le Dèmos (IG II2 3514 ; 3527) ou leurs familles (IG II2 3585). Comme elles étaient hiéronymes, leur identité n’est pas toujours connue, cependant sur les dédicaces civiques elles sont quelquefois désignées par leur nom. Par conséquent, lorsqu’elles quittaient leur charge, elles retrouvaient leur identité, ce qui indique soit que la charge n’était pas à vie, soit que les dédicaces furent faites après leur mort. Nous possédons une liste d’une dizaine de hiérophantides. Cinq sont simplement nommées par leur titre « hiérophantide » (IG II2 3553 ; 3514 ; 3546 ; 3575 et 4062), signifiant qu’elles étaient encore en service lorsque la dédicace a été faite. Trois dédicaces ont été faites en l’honneur d’un membre de leur famille (IG II2 3553 ; 3984 ; 4062)1648.

1 - IG II2 3514, datée peut-être de l’époque d’Auguste, la nomme simplement hiérophantide, fille d’Amphios du dème de Philaidai. Dédicace du Dèmos en son honneur.

2 - IG II2 3527, datée peut être de l’époque d’Auguste, est une dédicace du Dèmos pour Mos[ch…], fille d’[…]amios du dèmed’Aphidna.

3 - IG II2 3553, datée peut être du Ier ap. J.C. est une dédicace faite par la hiérophantide elle-même en l’honneur de sa petite fille Athènaïs qui fut pais aph’hestias sous son sacerdoce (n° 9, Infra pais aph’Hestias, Addenda).

4 - IG II2 3546, vers la fin du Ier ap. J.C., évoque la hiérophantide neôtéras (ἱερόφαντις νεωτέρας), fille de Périclès d’Oion1649. La désignation l’identifie comme hiérophantide de Korè. Elle accomplit sa charge alors que Flavia Laodameia, fille de de Kleitos du dème de Phlya, était prêtresse de Déméter et Korè.

5 - IG II2 3984, IIème ap. J.C. Hiérophantide Flavia [….]krateia. Il s’agit d’une dédicace faite par l’Aréopage et la Boulè pour son petit fils, T. Flavius Euthycomas de Paiania, prytane éponyme en 166/7, fils de T. Flavius Straton II du dème de Paiania, prêtre de l’autel. Le grand-père d’Euthycomas, T. Flavius Straton I, fut hiérophante 1650.

6 - IG II2 3575, époque d’Hadrien, IIème ap. J.C. Hiérophantide, fille de Dèmètrios, mère de Marcien. Elle est nommée à la ligne 3 de l’inscription « (…) Δηοῖ θέσαν ἱερόφαντιν » indiquant qu’elle était hiérophantide de Déméter.  Il s’agit d’une épigramme votive de la hiérophantide qui remémore le fait le plus marquant de son sacerdoce : l’initiation de l’empereur Hadrien. K. Clinton pense qu’elle l’initia alors qu’il était archonte à Athènes, en 112/113 et que l’inscription fut faite des années plus tard après qu’il fut devenu empereur1651, soit après 124/5. Au début de l’inscription, elle précise que son nom ne doit pas être prononcé, et qu’elle l’a elle-même enseveli dans les profondeurs des abîmes (de la mer), lors de sa cérémonie d’entrée en charge.

7 – IG II 2 3585, époque d’Hadrien, IIème ap. J.C. Hiérophantide neôteras Claudia Philoxéna (LGPN II, Φιλοξένα, p. 457, 1), fille de T. Claudius Patrôn I du dème de Mélitè. Il s’agit d’un monument érigé en sa mémoire par son fils Claudius Lysiadès, alors que Timothéa était prêtresse de Déméter et Korè. Il est rappelé dans l’épigramme qu’elle a embelli l’autel de la déesse Korè, dont elle était la hiérophantide, en le couvrant d’argent (l. 5-6), signifiant qu’elle était fortunée. Son fils Claudius Lysiadès était le fils de Tib. Claudius Patrôn II de Mélitè, ce qui pourrait indiquer que ce dernier a été adopté par le père de Philoxéna ou qu’il était membre de la famille des Claudii de Mélitè1652. Il s’agissait d’une grande famille qui contrôla la charge de dadouque presque continuellement pendant deux siècles. L’ergastine Akestion (IG II2 1034) faisait partie de cette famille (cf. stemma Supra Chapitre 1 : 2-4, B-4, 2, b, Akestion).

8 - IG II2 4062, datée d’après 126/7 ap. J.C. est une dédicace de l’Aréopage, la Boulè et le Dèmos pour la fille de la hiérophantide, nommée Mundicia Secundilla. Son mari était Mundicius Burrus1653.

9 – IG II2 3633, milieu du IIème ap. J.C. Hiérophantide Junia Mélitinè, fille de Junius Patrôn II du dème de Bérénikidai et d’Annia Aristokleia (LGPN II, Μελιτίνη, p. 303, 1). Il s’agit d’une dédicace faite après sa mort. Elle fut pais aph’hestias (n°12, Infra pais aph’Hestias, Addenda)1654. Sa grand-mère maternelle, Flavia Laodameia, fut prêtresse de Déméter et Korè. Elle venait d’une famille influente, et par sa mère appartenait au génos des Kèrykes. (Sur cette famille : Chapitre 4, 1-1, B-1, 3 : Prêtresses de Déméter et Korè à Eleusis, Flavia Laodameia.)

10 – IG II2 3632, IIème ap. J.C., Hiérophantide Isidotè (LGPN II, Ἰσιδότη, p. 239, 3), fille d’Isaios II. Il s’agit d’une épigramme écrite par son petit fils Glaukos III, qui fut poète, rhéteur et philosophe (l. 36 et IG II2 3709, 6) et érigée après sa mort par sa fille et ses deux petits fils. Isaios I, sophiste syrien, maître d’Hadrien fut son grand-père (l. 6). L’épigramme mentionne qu’elle a couronné les empereurs Marcus Aurelius et Commode. L’épigramme ne mentionne pas son nom mais il se trouve sur un monument honorant sa petite fille Flavia Eunikè II, fille de T. Flavius Kallaischros II de Marathon (IG II2 3709, l. 3 pour Eunikè et l. 7 pour Isidotè), écrit par Glaukos III, oncle d’Eunikè. L’inscription pour Eunikè II fut trouvée devant le téléstérion, sans préciser de quelle nature fut la charge qu’elle occupa1655. La fille d’Isidotè épousa T. Flavius Zoilos II, du génos des Eumolpides, fils de Glaukos I de Marathon qui fut chevalier romain et procurator de Chypre entre 180 et 220 ap. J.C. (l. 24 et IG II2 3709, 5). Zoilos II fut prytane (IG II2 3709, 9), son frère T. Flavius Glaukos II, fut hiérophante (IG II2 3661 ; 3662, 14 ; 3709, 11 et K. Clinton, n° 32 Hiérophante) et son autre frère Kallaischros II devint philosophe (IG II2 3763, 5 et 3709, 12). Leur sœur [Eury]alè épousa un homme qui fut archonte, sophiste et hiérophante. Dryantianos, fils de Kallaischros II, fut éphèbe en 212/213 ou 211/212 et archonte des Eumolpides entre 215/6 et 225/6. (IG II2 1078, 3 ; 2208,8 ; 3763, 4). Les deux inscriptions permettent de reconstituer le stemma de sa famille1656.

[[Accès à la note 1669 : Dans le LGPN II, Κάλλαισχρος, p. 244, 19 et 20 : Kallaischros II est répertorié sous Kallaischros I et Kallaischros III sous Kallaischros II.]

11- IG II2 3764, II/IIIème ap. J.C. Hiérophantide Poplia Aelia Herennia I (LGPN II, Ἑρεννία, p. 155, 2). Il s’agit d’une dédicace pour son fils Poplius Aelius Apollonios II, fils de Poplius Aelius Apollonios I, datée de 217/8 ap. J.C., membre du génos des Kérykes. Sur cette dédicace, il est indiqué qu’elle a révélé les mystères des dieux, auprés de l’anactoron de Déo (« ἱερῆς μητρός … ἥ τελετὰς ἀνέφαινε θεοῖν παρ’ ἀνάκτορα Δηοῦς »), ce qui, pour K. Clinton, l’identifie comme hiérophantide de Déméter1657.

Poplius Aelius Dionysios, le père de son époux ou son oncle, fut dadouque entre 170 et 185 (K. Clinton, n° 22 Dadouque). Son mari, Poplius Aelius Apollonios I, fut archonte éponyme, Basileus, stratège des hoplites, épimélète de la gymnasiarchie, héraut de l’Aréopage (IG II2 3688, 4-12). Le fait qu’il fut archonte Basileus indique qu’elle assuma le rôle de Basilinna lors de la fête des Anthestéries. Sa fille, Poplia Aelia Herrenia II, fut pais aph’hestias (n° 20, Infra pais aph’Hestias, Addenda ; LGPN II, 1). Ses fils, Poplius Aelius Apollonios II et Poplius Aelius Dionysios, furent éphèbes au début du IIIème ap. J.C. (IG II2 3764, 7 et 2193, 101).

Les inscriptions attestent que certaines d’entre elles faisaient partie de familles influentes, voire riches, qu’elles étaient apparentées, par le sang ou par alliance, à des personnes qui accomplirent des fonctions à Eleusis comme hiérophante, dadouque, prêtre de l’autel, pais aph’hestias, ou encore prêtresse de Déméter et Korè…. Nous ignorons si elles étaient issues d’un génos en particulier, mais certaines d’entre elles étaient apparentées au Kèrykes et Eumolpides. Cependant, comme les principaux officiants du sanctuaire dont elles faisaient partie étaient tous choisis dans un ou plusieurs génè, il est possible que ce fût aussi leur cas1658.

Notes
1648.

K. Clinton, op. cit., p. 86-89 et p. 119 ; J.A. Turner, Hiereiai, p. 301-308.

1649.

J. A. Turner, op. cit., p. 305 l’identifie comme Kèrykes.

1650.

M. Woloch, Roman Citizenship, Flavius n° 29 ; K. Clinton, op. cit., p. 31 stemma. Cf. Euthycomas : LGPN II, Εὐθυχόμας, p. 170, 1 ; IG II2 1773, 8 ; 3985, 4 et 2478, 1 ; T. Flavius Straton I : LGPN II, Στράτων, p. 407, 106 ; IG II2 3984, 7-9 ; T. Flavius Straton II : LGPN II, Στράτων, p. 407, 109 ; IG II2 3802 et 3984, 5-6.

1651.

K. Clinton, op. cit., p. 86.

1652.

K. Clinton, op. cit. , p. 87 n° 18 Dadouque.

1653.

M. Woloch, op. cit., Mundicius n° 3 et 6 et p. 77 stemma. Pour lui, Secundilla fut nommée d’après sa grand-mère paternelle, Caninia Secundilla.

1654.

M. Woloch, op. cit., Iunius n° 13.

1655.

J. Toepffer, Attische Genealogie, p. 64-65 et P. Foucart, op. cit., p. 212-213 la reconnaissent comme hiérophantide ; K. Clinton, op. cit., p. 88 ne se prononce pas.

1656.

J.H. Oliver, « Two Athenians poets », Hesperia Supplement 8 (1949), p. 243-258 et 249 stemma ; S.B. Aleschire, Asklepios at Athens, p. 69-74 prosopographie des Statii de Cholleidai.

1657.

K. Clinton, op. cit., p. 88.

1658.

P. Foucart, op. cit., p. 212 et J. Topffer, op. cit., p. 61-7 pensaient qu’elles venaient du génos des Eumolpides comme le hiérophante.