C-2) Une fonction de souveraineté.

Le terme archèïs a été perçu comme l’équivalent de hiéreia (prêtresse) par Th. Homolle, faisant de l’archèïs une prêtresse, mais J. Jannoray estime cette perception erronée1684. Le terme archèis implique « une fonction d’autorité, de commandement » et J. Jannoray note qu’à Sparte la fonction «  (…) bien qu’exercée dans le domaine religieux diffère de la fonction sacerdotale. » Par contre, il estime qu’à Delphes, elle comportait un volet sacerdotal1685, concluant que la charge se présentait différemment selon les lieux.

En étudiant le terme linguistique, J. Jannoray s’accorde sur le parallèle ἀρχηΐς et ἀρχηγός (chef, roi) et donc par association avec βασιληΐς (roi, chef), le terme archèïs étant l’équivalent masculin d’archos (ἀρχός) c’est à dire « celui qui conduit, le guide »1686.

De ce fait, nous retrouvons ici une corrélation structurelle avec la charge de Basilinna, la reine d’Athènes qui épousait le dieu Dionysos lors de la fête des Anthestéries. Définie comme une hiéreia par certains auteurs, elle n’était pas une véritable prêtresse mais une hiéreia spécialisée1687. Elle présidait la fête des Anthestéries avec son époux, l’archonte Basileus, le roi d’Athènes. Tous deux dirigeaient les cérémonies qui leur étaient imparties. Elle dirigeait les pratiques cultuelles au temple du dieu, la distribution de vin et les sacrifices. Et de même que Flavia Kléa conduisait le collège des thyades, la Basilinna présidait le collège des quatorze gérairai. Cependant, les archèides n’étaient pas toutes des hiéreiai spécialisées. La Basilinna n’étaient pas seulement celle qui guidait et dirigeait la cérémonie mais c’était elle aussi qui se tenait devant les autels du dieu, assumant ainsi le rôle de la prêtresse. C’est à ce titre qu’elle pouvait porter le qualificatif de hiéreia.

La charge d’archèïs, et des fonctions apparentées, était un sacerdoce de haut rang. Celles qui l’accomplissaient se voyaient octroyer des prérogatives et privilèges semblables aux prêtresses : consécrations, pratiques cultuelles, proédrie. Le peu d’informations sur elles semblent indiquer qu’elles faisaient partie des familles importantes : l’archèïs de Delphes Gellia Dionysia faisait partie d’une famille qui compta plusieurs prêtres d’Apollon Pythien, les archousai athéniennes étaient riches puisque c’étaient elles qui subvenaient financièrement aux besoins du culte1688, de même les charges d’archèïs et de thoinarmostria à Sparte étaient détenues par les femmes des élites de la cité laconienne.

Notes
1684.

Th. Homolle, « Institut de correspondance hellénique », BCH 20 (1896), p. 720 ; E. Bourguet, op. cit., p. 18 n. 3. Contra : J. Jannoray, BCH 70 (1946), p. 257-259.

1685.

J. Jannoray, BCH 70 (1946), p. 258-259.

1686.

J. Jannoray, BCH 70 (1946), p. 259, n. 1, citant et reprenant les théories de M. A. D. Kéramopoulos, Eph. Arch.. (1911), p. 168 et de Van Herwerden, Lexicon Graecorum.

1687.

Phanodemos, FGrHist 325 F 11.

1688.

Isée, Sur la succession de Pyrrhos, III, 80 : «  dans son dème (du citoyen Pyrrhos), un homme qui possédait trois talents de fortune aurait été tenu s’il avait été marié, d’offrir au nom de sa femme légitime le repas des Thesmophories aux femmes du dème et de satisfaire aux autres obligations qui lui incombaient dans son dème du fait de sa femme, du moment qu’il était si riche » (éd. Belles Lettres, 1960, P. Roussel).