3-3) Les hersèphores athéniennes.

Deux inscriptions datées du IIème ap. J.C. évoque la réservation de sièges au théâtre de Dionysos pour les deux hersèphores (ἑρσηφόροι) de Chloè Thémis (IG II2 5098) et pour les deux hersèphores d’Eileithyia à Agrai (IG II2 5099). Les inscriptions ne mentionnent aucun nom, spécifiant simplement la place des desservantes. La charge était probablement une création d’époque romaine1733. L’étymologie du terme, ἑρσηφόροι, évoque celui des arrhéphores et surtout de ces variantes en « ἑρση-»1734. Le fait qu’elles soient deux dans chacun des cultes indique une corrélation avec la charge arrhéphorique d’Athéna Polias, la fonction d’hersèphore devait avoir été créée sur ce modèle prestigieux et devait comporter un lien avec la tâche de porter quelque chose pour les divinités, possiblement l’arrichos. Cependant si, étymologiquement, une relation peut-être faite avec l’arrhéphorie, le peu d’informations que nous avons sur les hersèphores ne permet pas de pousser plus avant l’analogie. De fait, il est peu vraisemblable que la charge comportât un aspect initiatique comme c’était le cas de l’arrhéphorie, réalisée par des fillettes non encore pubères.

La porteuse sacrée avait pour devoir d’apporter à quelqu’un l’objet ou l’élément sacré. Ce dernier, utilisé dans le rite, servait de moyen de communication, voire de purification (cf. les hydrophores et loutrophores) entre la divinité et l’être humain qui venait bénéficier de ces rites. Cependant, alors que les porteuses sacrées qui officiaient à l’occasion d’une procession remettaient l’objet sacré à une tierce personne qui procédait aux rites, les porteuses sacrées comme les hydrophores et les loutrophores accomplissaient elles-mêmes ces rites sacrés. Or, les hersèphores n’étaient pas de simples porteuses sacrées ainsi que l’indique le privilège de la proédrie, honneur réservé aux charges les plus prestigieuses. Leur office devait être annuel et elles devaient accomplir des actes cultuels d’importance. Les hersèphores devaient transmettre le sacré aux fidèles par l’intermédiaire de l’objet dont elles étaient les dépositaires en pratiquant les rites secrets. Et si l’on considère les charges de porteuses sacrées de la loutrophore de Sicyone et des hydrophores de Milet, nous constatons que celles-ci officiaient en tant que prêtresses dans le culte mais n’étaient pas nommées comme hiéreiai de la déesse. L. Deubner1735 considérait les hersèphores comme un groupe de prêtresses et il est vraisemblable que ce fût le cas : en procédant aux célébrations rituelles, elles devaient assumer un rôle et un statut de prêtresse. Des mystères avaient peut-être lieu comme c’était le cas à Lesbos, à Mytilène, pour la déesse Ethephila, dont Aurelia Artemisia, fille d’Eutychès, fut ersophore (ἐρσοφόρος) au IIème ap. J.C1736.

Le fait qu’Eileithyia et Chloè Thémis étaient des déesses concernées par la fertilité et la nature féminine et que le terme hersèphore dérive spécifiquement d’Hersè signifiant « rosée », donc un principe fécondant humide, suggère que les cultes étaient connectés à la sphère « fertilité féminine », les cérémonies devant s’adresser plus précisément aux femmes, mais sans plus d’information, nous ne pouvons que conjecturer.

Notes
1733.

G. Donnay, « L’arrhéphorie : initiation ou rite civique? Un cas d’école », Kernos 10 (1997), p. 184.

1734.

Cf. Supra Chapitre 2 (1-1, B-1 : Les arrhéphores d’Athéna Polias)

1735.

L. Deubner, Attische feste, p. 11-16.

1736.

L. Robert, OMS II, p. 740-745 « Ἀ βόλλακαὶὀδᾶμος <τὰν> Αὐρ. ἈρτεμισίαντῶδίκωτῶΕὐτύχωθύγατρα, τὰν (λ)όγιονπρ(ύ(ταν(ι)ν καὶ εὐέργετιν, ἱέρεα(ν) τᾶν θέαν Ἐτ(η)φίλαν καὶ Καρίσσαν καὶ ἐρ(σ)όφορον τ(ῶ)ν ἀγιωτάτων μυ(στ)αρίων, τὰν ἀπύγονον Ποτάμωνος τῶ νομοθέτα καὶ Λεσβώνακτος τῶ φιλοσόφω τοῖ(ν) εὐεργέται(ν) ἀρέτας ἔνεκα παίσα(ς)· ὀνσταθείσας τείμας ὐπὸ τᾶς ἴρας βόλλας, ἐπιμελήθεντο(ς) τῶγραμμάτεοςαὔταςΑὐρ. ΠρόκλωτῶἸούστω. » ; R. van Bremen, The Limits of Participation, p. 307 , Appendix 2, n°2 Lesbos.