3-4) Les anthophores de Thasos.

Des épitaphes, datant du IIème ap. J.C., mentionnent des anthophores d’un culte non identifié1737.

N° 1  : IG XII 8, 526 

N°2 : IG XII 8, 553

N°3  : : IG XII 8, 609

N° 4 : IG XII suppl. 411 

N°5  : IG XII suppl. 410

L’inscription n° 3 se rapportant à une jeune fille morte à 13 ans suggère que la charge était accomplie par des parthénoi. C’était une charge importante pour que Théodora, morte à 80 ans, et Aelia Macedonia la mentionne sur leur épitaphe. Aelia Macedonia1738 la mentionne en premier parmi les charges qu’elle a accomplies au cours de sa vie : anthophore, deux fois archeitis et stéphanéphore à vie.Si les inscriptions attestent que les anthophores devaient faire partie des familles les plus en vue de la cité, rien ne permet de savoir quel était leur rôle, ni quelle divinité elles servaient.

Le terme ἀνθοφόρος se rapproche étymologiquement de celui d’anthesphores/anthéphores (ἀνθεφόροι) pour  Héra Antheia à Argos et des anthestrides (ἀνθεστρίδες) de Korè officiant lors des Hérosantheia ou Anthesphoria dans le Péloponnèse1739. En Carie, à Aphrodisias, nous avons mention de six anthéphores (ἀνθεφόροι)1740 officiant aux côtés d’un prêtre désigné à vie dans le culte d’Aphrodite1741. Parmi elles, Aurelia Messuleia Saturneila Chrysaoris et sa fille, Aurelia Flavia Messuleia Diogeneia, qui furent anthéphores au II/IIIème ap. J.C., et accomplirent plusieurs autres charges dont celle d’archiéreia, une fonction des plus importante1742. Aurelia Flavia Messouleia Diogeneia, fille de Flavius Hephaistion qui fut archiéreus, épousa Aemilius Hypsiklès, membre de l’ordre équestre, archiéreus et prêtre d’Hélios à vie1743. Les anthéphores d’Aphrodisias devaient ainsi faire partie des meilleures familles de la cité. L’anthéphore d’Aphrodisias était peut-être une parthénos comme les hydrophores de Didyme et une parente du prêtre, comme les jeunes filles qui faisaient la kleidophorie pour Hécate1744.

En effet, la position de l’anthéphore d’Aphrodisias rappelle celle de la kleidophore d’Hécate à Lagina en Carie, laquelle occupait le deuxième rang sacerdotal après le prêtre1745. La kleidophore portait la clé du temple lors de la fête de la kleidagogie durant laquelle une procession de la clé (κλειδός πομπή) avait lieu en l’honneur de la déesse1746. Il s’agissait d’une parthénos 1747, généralement fille ou parente du prêtre. Elle était désignée pour un an. L’anthéphore d’Aphrodisias devait assumer un rôle semblable, participant probablement aussi à une procession en l’honneur de la déesse, durant laquelle, mise en avant, elle portait des fleurs1748.

Par corrélation, il est vraisemblable que les anthophores de Thasos participaient aussi à une procession en tant que porteuses de fleurs. A la différence des hydrophores, loutrophores et hersèphores, et comme les anthéphores, les anthophores de Thasos ne devaient pas assumer la prêtrise et devaient officier aux côtés d’un prêtre ou d’une prêtresse. Le peu d’information que nous avons ne permet pas de savoir si elles participaient à des actes cultuels. De même, il est impossible de dire pour quelle divinité elles officiaient à Thasos1749.

Notes
1737.

G. Daux, « Inscriptions de Thasos », BCH 52 (1928), p. 63 ; J. Pouilloux, Recherches sur les cultes de Thasos, I, p. 164.

1738.

R. van Bremen, op. cit., p. 310 Appendix 2, n°1 Thasos.

1739.

cf. Supra Chapitre 2 (1-2, B-2, 3 : Des jeunes filles en fleur).

1740.

Aurelia Messuleia Saturneila Chrysaoris (CIG 2821) et sa fille Aurelia Flavia Messuleia Diogeneia (MAMA VIII, 516 ; CIG 2822) ; Aurelia Celesteina (MAMA VIII, 515) IIIème ap. J.C. ; Julia Polla, fille de Gaius Julius Apollodotos (CIG 2845 = Th. Reinach, « Inscriptions d’Aphrodisias », REG 19 (1918), n° 69) ; deux femmes anonymes (MAMA VII, 514 = Th. Reinach, REG 19 (1918), n° 80 ; et un texte non publié) cf. R. van Bremen, op. cit., n. 65 p. 100 ; L R. Brody, « The Cult of Aphrodite at Aphrodisias in Caria », Kernos 14 (2001), p. 103-104.

1741.

Une seule prêtresse est connue : au Ier ap. J.C., Attalis Apphion assuma la charge de prêtresse d’Aphrodite avec son mari, probablement Attalos fils de Ménandros. (MAMA VIII, 450, 413d, 554, 556a, 556b, 553, 555) R. van Bremen, op. cit., p. 310-311 n°2 et p. 90 notant que ce fait était inhabituel, la prêtrise d’Aphrodite étant ordinairement desservie par un prêtre avec une anthéphore. L R. Brody, Kernos 14 (2001), p. 93-109.

1742.

C. Hayward, « Les grandes prêtresses du culte impérial provincial en Asie Mineure, état de la question », p. 119 : « La grande prêtrise du culte impérial provincial était la fonction la plus illustre et la plus prestigieuse qu’une personne pouvait exercer au sein d’une cité »

1743.

CIG 2821 et 2822 ; MAMA VIII, 516 ; R. van Bremen, op. cit., p. 351 n° 16.

1744.

R.van Bremen, op. cit., p. 89-90.

1745.

A Lagina, le culte d’Hécate, le plus important de la région, voyait plusieurs personnes effectuer le service divin : un prêtre et une prêtresse, souvent mari et femme ; une kleidophore ; une parthenos kosmophore qui portait les ornements, bijoux ou étoffes de la déesse et un parapompos, souvent le fils du prêtre, assistant de la kleidophore. Le culte d’Hécate resta florissant jusqu’au milieu du IIIème ap. J.C. A. Laumonier, Les cultes indigènes en Carie, p. 366-391 sur le clergé à Lagina, prêtres et kleidophores ; R. van Bremen, op. cit., p. 133-134.

1746.

Symbole d’Hécate, qui ouvrait ou fermait les portes de son domaine, cette clé était emportée de Lagina à Stratonicée, peut-être au Bouleutérion, centre religieux de la cité, puis ramenée au sanctuaire en grande pompe. La fête durait plusieurs jours, des jeux, des concours gymniques, orchestiques, musicaux, des sacrifices avaient lieu. Cf. A. Laumonier, op. cit., p. 398-399 ; M. Dillon, Girls and Women in Classical Greek Religion, p. 170

1747.

A. Laumonier, op. cit., p. 368 ; R. van Bremen, op. cit., p. 146-147 : comme les hydrophores, elles étaient choisies dans le groupe des « older parthenoi » , en âge de se marier. Les inscriptions des kleidophores, datées du IIème et IIIème ap. J.C., sont regroupées dans les trois recueils de IStratonikeia (M. Setin Sahin (éd.), Die Inschriften von Stratonikeia, Teil I-II, Bonn, 1981-1990) : Démostratè Apphion, fille de Mélantos, et sa fille […] Tatia  (IStratonikeia 17, 22-25) ; Apphia Ada, fille de Hiéroklès et sa nièce Ammia Apphia, fille de Léon Thrason (IStratonikeia 227, 6-7 ; 667, 10-11 ; 1028, 4-5) ; Drakontis Ammia, fille de Diomèdès, et  sa fille, Aelia Tryphaina Drakontis, fille d’Aelius Léon (IStratonikeia 235 ; 237, 6-7 ; 707, 1-3 et 8-10) ; Tryphaina Drakontis, fille de Dèmètrios Damylas, et sa mère au nom inconnue (IStratonikeia 253 ; 254, 2-3 ; 255, 6-7 ; 256, 1-2 ; 257 ; 528 ; 541) ; Ulpia Léontis et sa fille, Ulpia (IStratonikeia 306 ; 487 ; 702, 1-4) ; Tatias  (IStratonikeia 327, 4) ; Flavia Vettia Eucharinè, fille de Flavius Vettius Dionysios (IStratonikeia 532, 4-7) ; Aggrippianè (IStratonikeia 538) ; Zènonis Ammia, fille de Ménippos, et sa nièce Julia, fille de Nikandros (IStratonikeia 539, 6-7 et 10-11 ; 540) ; Tatia (IStratonikeia 542, 3) ; Klôdianè (IStratonikeia 543, 10-11) ; Flavia Léontis, fille de Tib[érius] Flavius Sabeinanius Diomèdes Ménippos (IStratonikeia 663, 5-6 et 17 ; 664, 6) ; Hyp]ation (ou [T]ation et Hédéa (IStratonikeia 666, 3-4) ; Claudia Léontis, fille de Claudius Aristéas (IStratonikeia 674, 19-21) ; Sempronia Aristonikè, fille de Sempronius Clémens (IStratonikeia 676, 6-7 ; 289-296 stemma famille) ; Apphion, fille d’Aristéas (IStratonikeia 678, 9) ; Théogénè, fille d’Andron Léon (IStratonikeia  680, 4) ; Epainétis, fille de Dionysios (IStratonikeia 683, 4) ; Apphion Lobion et sa fille Mélitinè (IStratonikeia 690, 7-8 et 10) ; la fille de Julius (IStratonikeia 693, 3-6) ; Myrtalè (IStratonikeia 693, 8-10 ; 712) ; Aurelia Mélitinè, fille de Ménippos (IStratonikeia 695, 10-11) ; Flavia Julia Apphion, fille de Phaidros (IStratonikeia 704, 11) ; Aelia Aurélia Horaia, fille de P. Aelius Aurélius Néon (IStratonikeia 705, 15) ; Khôtarion, fille d’ Argyros (IStratonikeia 708, 1-3) et [Hékat]aia Ammias, fille d’Hékaton (IStratonikeia 708, 4-5) ; Kallineikè, fille de Léontianos (IStratonikeia 709) ; Stratonikè Tatias, fille d’ Artémidoros (IStratonikeia 710) ; Khôtarion, fille de Jason (IStratonikeia 711) ; Claudia Nymphidia (IStratonikeia 713). Trois inscriptions mentionnent des kleidophores inconnues : IStratonikeia 326, 3 ; 329, 7-8 ; 1048, 3-4.

1748.

A. Laumonier, op. cit., p. 484 pensait que leur appelation venait d’une tenue particulière, portant des fleurs ou des vêtements présentant des motifs floraux.

1749.

G. Daux, « Inscriptions de Thasos », BCH 52 (1928), p. 63  considérant aussi l’existence de porteuses de fleurs dans les cultes d’Héra, d’Aphrodite, de Déméter et Korè estime qu’on « ne peut que se poser la question, non la résoudre ».