B-5 ) Le service religieux.

La disposition singulière indiquait une relation privilégiée entre celles qui étaient ainsi honorées et la déesse. De fait, la présence dans la cella des bases honorant les jeunes filles prés de celles des prêtresses de la déesse, signifie qu’elles avaient effectué un service d’importance. Mégô indique qu’elle a porté le xoanon de la déesse, prérogative d’un membre du personnel cultuel de haut rang. Un tel attribut rappelle le relief funéraire de la prêtresse Polyxèna (Fig. 218) représentée avec, dans une main, le xoanon de la divinité mais non dissimulé. Nous avons déjà noté que ce type de représentation était rare. Le rôle de la xoanophore était en général tenu par la prêtresse dans les cultes, ainsi de la prêtresse d’Artémis Orthia à Sparte lors du rituel initiatique des garçons1759. Cependant, il est peu probable que Mégô et les autres jeunes filles assumèrent la prêtrise sinon les dédicaces l’auraient signifié, notamment par le terme hiéreia 1760 . Les parthénoi devaient assumer une charge religieuse spécifique, comme des amphipoloi, dans le sanctuaire et plus probablement à l’occasion d’une cérémonie où le xoanon sacré de la déesse était porté solennellement devant la communauté. Le voile qui recouvrait le xoanon (Fig. 235) pourrait signifier que la déesse ne devait pas être vue mais qu’elle assistait, via sa représentation sacrée, à la cérémonie. Il était peut-être emporté hors du temple pour être amené à l’espace ouvert situé non loin et placé sur une base devant l’autel comme le suggère P.G. Themelis1761. De plus, Mégô précise qu’elle a tenu la torche au dessus de son autel, suggérant qu’elle a pu allumer le feu sacré sur l’autel de la déesse1762.

Le service en tant que xoanophore et phosphoros s’inscrivait dans le cercle des porteuses sacrées, analogue à celui des anthophores en ce qui concerne le statut : charge prestigieuse et importante mais sans relation avec un statut de prêtresse comme pour les hydrophores et les loutrophores.

Un rituel initiatique où les fillettes couraient et dansaient la nuit, à la lueur des torches, a été suggéré1763. Rien ne l’indique avec certitudes et rien ne permet de l’infirmer. Le nom d’Ortheia établit plus particulièrement un lien avec le culte de la déesse Orthia que nous avons abordé au cours du chapitre 21764. Il est donc plausible de considérer qu’en Messénie, comme dans le sanctuaire laconien où des parthénoi accomplissaient un service religieux, se déroulait un rite à caractère initiatique. Si un rituel initiatique avait lieu dans lequel était impliqué les xoanophores, ces jeunes filles devaient y assumer un rôle particulier. Nous avons mentionné, ci avant, que les jeunes filles assumaient une charge comme des amphipoloi, or dans l’ « Hymne à Artémis » de Callimaque, les amphipoloi étaient celles qui servaient la déesse. De la même façon, lorsque nous avons évoqué les jeunes filles déjà initiées qui encadraient les ourses de Brauron sur le cratérisque à figures rouges n° 1, certains auteurs avaient émis l’hypothèse que ces parthénoi plus âgées étaient comme les amphipoloi de l’hymne de Callimaque et des guides pour les ourses1765. De fait, Mégô et les autres filles endossaient peut-être le rôle d’initiées à l’occasion d’une cérémonie impliquant des jeunes filles plus jeunes. Le choix de celle qui assumait la charge de xoanophore et phosphoros durant la fête se reportait peut-être simplement sur la jeune fille qui s’était distinguée durant la cérémonie précédente, de la même façon que la chorège d’un chœur était mis en exergue et servait d’exemple aux autres jeunes filles et de modèles à suivre ; ou comme les archinéai qui, ayant accompli leur initiation, supervisaient les néai, jeunes filles qui couraient pour Déméter et Korè à Létè en Macédoine1766.

Aucune base datée après le Ier ap. J.C. ne fait référence aux xoanophores, celles datées du II/IIIème ap. J.C. mentionnent des prêtresses. Rien ne permet de dire si la charge de phosphoroi existait encore à cette époque.

Notes
1759.

Lors d’une cérémonie, les éphèbes des quatre dernières classes d’âge étaient fouettés devant l’autel de la déesse. Pausanias, III, 16, 9 raconte que le rituel aurait été créé à la suite de la lutte qui aurait opposé, autour de l’autel, les habitants des quatre villages qui formèrent Sparte. Les guerriers qui survécurent tombèrent malades. Interrogée, la Pythie ordonna que l’autel soit régulièrement aspergé de sang humain. La prêtresse assistait à la cérémonie, tenant l’image de la déesse dans ses mains. Cette dernière devenait de plus en plus lourde lorsque les coups donnés n’étaient pas suffisamment forts.

1760.

A. K. Orlandos, Praktika (1962), p. 112 n°4 pensait que Mégô était une prêtresse en se basant sur la prêtresse de Sparte qui portait le xoanon d’Artémis Orthia.

1761.

P.G. Themelis, op. cit., p.116.

1762.

S. Bettinetti, op. cit., p. 236.

1763.

P.G. Themelis, op. cit., p. 115-119 qui établit un parallèle entre les différentes données retrouvées avec le Parthénée 1 d’Alcman où pour la déesse Orthria, des jeunes filles dansent, courent et offrent un pharos à la déesse. Il identifie ce pharos au voile qui recouvrait le xoanon de la statue retrouvée, (n. 42 p. 122, il reconstitue ainsi la cérémonie : cérémonie mystique dans la cella ; transport du xoanon et procession ; exposition du xoanon devant l’autel ; danses autour du xoanon ; courses avec des torches ; celle qui a gagné la course allumant l’autel ; sacrifice ; banquet) ; S. Bettinetti, op. cit., p. 236 avec réserve ; M. L. Zunino, op. cit., p. 58-59 ; N. Deshours, ZPE 146 (2004), p. 122-123 ; J.B. Connelly, op. cit., p. 152-155 qui estime que le positionnement en semi-cercle indiquait peut-être qu’une danse avait lieu et que différentes classes d’âge participaient, les plus âgées supervisant les rites. Contra : L. Piolot, Kernos 18 (2005), p. 126 n. 49 qui se montre perplexe sur la reconstitution du rituel initiatique par P. G. Themelis.

1764.

Rien n’indique toutefois une influence laconienne pour ce culte, même si jusqu’au IVème av. J.C. (-370/369 et la fondation de la cité de Messène), le territoire de la Messénie était sous domination de Sparte. Mais des cultes propres aux Messéniens existaient déjà même s’il existe peu d’information à leur sujet. P. G. Themelis, op. cit., p. 115 considère que le culte d’Artémis Ortheia avait une origine dorienne ; N. Deshours, ZPE 146 (2004), p. 115-127 et Les mystères d’Andania, p. 151-167 sur les cultes messéniens avant la fondation de la Messénie, observant qu’Artémis et Déméter étaient les divinités principales qui influencèrent l’histoire de la Messénie, en bien ou en mal. Sur la Messénie, cf. C. Grandjean, « Les Messéniens, de la fondation de l’état messénien à l’époque impériale », BCH Supplément 44 (2003).

1765.

Chr. Sourvinou-Inwood, Studies in Girl’s Transition., p. 103 ; K. Dowden, Death and The Maiden, p. 31 ; R. Hamilton, « Alkman and the Athenian Arkteia », Hesperia 58 (1989), p. 464-465 ; cf. Supra Chapitre 2 (1-1, A-1, b : Images des ourses).

1766.

SEG XLIV, 535 (IVème av. J.C.) ; cf. Supra Chapitre 2 (1-1, D-1, 4, b : Les néai à Létè en Macédoine.)