3-6) Une Klakaphore à Apollonia.

Une inscription d’Apollonia datée du III/IIème av. J.C., sur une base de statue représentant une jeune fille sans tête et vêtue d’un péplos ceinturé, mentionne Myrtô, fille de Kirôn, qui fut klakaphore de la déesse Artémis Limnatis : « [Ἀ]ρτέμιτι Λιμνάτιδι Μυρτὼ Κίρωνος κλακαφορήσασα 1767» (Fig. 239).

Il est difficile de dire si Myrtô fut prêtresse ou officiante spécialisée, cependant plusieurs éléments tendent à suggérer qu’elle ne détenait pas le sacerdoce principal. Le terme de klakaphore se retrouve dans une inscription messénienne du IIème av. J.C. pour évoquer un homme qui assiste le prêtre dans le service cultuel (IG V 1, 1447, 11 :κλαικάφορος). De plus, P. Cabanes a établi un parallèle avec la fonction de kleidophore à Lagina1768, tenue par des jeunes filles qui portaient la clé de la déesse lors d’une procession, et que nous avons mis en corrélation avec la charge d’anthophore à Thasos et d’anthéphore à Aphrodisias1769. Ces jeunes filles n’assumaient pas de prêtrise ou de fonction de rang équivalent, mais un rôle de porteuses sacrées, officiant aux côtés d’un prêtre ou d’une prêtresse. De fait, au vu des services que nous avons observés préalablement dans ce paragraphe, consacré aux fonctions en « -phoros », nous pouvons penser que la klakaphore d’Apollonia devait assumer un rôle semblable lors d’une cérémonie en portant la clé sacrée, le terme de klakaphore dérivant de « κλάξ, clé ». Ce rôle n’est pas sans évoquer la charge de xoanophore tenue par Mégô à Messène pour Artémis Ortheia que nous avons observée précédemment, et par analogie, il est possible que la charge de klakaphore présentait un aspect initiatique, mais rien ne permet de l’affirmer du fait du manque de données1770.

Notes
1767.

P. Cabanes, « Nouvelles inscriptions d’Albanie méridionale » ZPE 63 (1986), p. 152 ; P. Cabanes, N. Ceka, Corpus des Inscriptions grecques d’Illyrie méridionale et d’Epire, I, 2, n°16, Musée de Fieri n° 149 ; Fr. Quantin, La vie religieuse en Epire, 1, p. 555-559 et « Artémis à Apollonia aux époques hellénistique et romaine », p. 596-600.

1768.

P. Cabanes, ZPE 63 (1986), p. 152.

1769.

Cf. Supra Chapitre 5 (3-4 : Les anthophores de Thasos).

1770.

Fr. Quantin, La vie religieuse en Epire, Tome 1, p. 555-559 et « Artémis à Apollonia aux époques hellénistique et romaine », p. 599-600 pense que Myrtô n’était pas une prêtresse mais qu’elle assuma une fonction sacrée honorifique consistant à porter la clé de la prêtresse à l’occasion d’une cérémonie. Il estime que le service devait comporter un aspect initiatique du fait qu’Artémis Limnatis était une déesse présentant des aspects kourotrophiques en relation avec des initiations pour les jeunes gens dans le Péloponnèse, d’où était issue l’Artémis Limnatis d’Apollonia (cf. aussi P. Cabanes, ZPE 63 (1986), p. 152-153 sur ce point). Plus précisément, il pense que la clé même marquait le passage de la jeune fille et de son futur statut de gynè, celle qui détient les clés de la maison. Cf. Supra Chapitre 5 (3-5 : Xoanophore et phosphoros d’Artémis Ortheia.)