IV) Les Prophétesses.

Il existait des sanctuaires oraculaires un peu partout en Grèce1771, les cités et les particuliers pouvaient les interroger en temps de crise, de doutes, pour prendre une décision. La majorité d’entre eux possédait une renommée locale mais certains voyaient leur notoriété dépasser ces frontières, voire même celle du monde grec comme c’était le cas du sanctuaire de Delphes. L’art de prédire l’avenir était celui de la mantique 1772 ou manikè comme le précise Platon en évoquant comment cette dernière prenait naissance dans la mania qui « enlaçant ce nom là au plus beau des arts, à celui qui permet de discerner l’avenir, appelle celui-ci manikè, l’art délirant1773». Celui ou celle qui « pratique la mantique, qui l’a transmet » était généralement appelé promantis (πρόμαντις), mais il existait aussi le terme prophétesse (προφήτις)1774. A côté de ces termes généraux, nous trouvons des appellations plus spécifiques qui traduisaient une activité particulière de la prophétesse tel celui d’ Ὑδρόμαντις (Hydromantis) « celle qui prédit l’avenir au moyen de l’eau ». Il existait des termes qui n’appartenaient pas au domaine du vocabulaire oraculaire comme celui de Pythie (Πυθία), désignant la prophétesse d’Apollon à Delphes, ou encore ceux portés par les prophétesses de Zeus au sanctuaire de Dodone, en Epire : dodonides (δωδωνίδες)et surtout péleiades (πελείαδες). Le monde de la mantique n’était pas uniforme, il existait des prophètes et des prophétesses qui auguraient au nom d’une divinité ou d’un héros, par le biais de différentes méthodes. Les procédures étaient réglées, la mantique s’effectuait à travers des pratiques et rituels codifiés par des règles précises établies par la tradition ou les lois. Cependant certains éléments généraux peuvent être observés dans cet univers où se décidait l’avenir des hommes, de leurs familles, des cités et des peuples.

Notes
1771.

A. Bouché-Leclercq, Histoire de la divination dans l’antiquité, Tome 2 et 3, Livre 2 ; Daremberg –Saglio, DA, sv. Oracle, p. 215-216. Les sanctuaires oraculaires étaient désignés par le terme μαντεῖον / μαντηῖον (qui désigne aussi l’oracle lui-même) ou χρηστήριον. Ces derniers étaient situés dans des cadres naturels spécifiques, la mantique est liée à la nature. Ce pouvait être une simple grotte, une fontaine, un arbre, un grand ensemble composé de divers bâtiments et temples, souvent à l’origine un modeste site qui ayant acquis une certaine renommée s’était développé au fil du temps. Ces grands centres étaient desservis par un personnel important, entre autres prêtres, prophètes et/ou prophétesses. Certains cultes n’avaient pas besoin d’intermédiaires, de prophètes et prophétesses, les fidèles sollicitant le dieu par différents moyens, l’interrogeant par eux-mêmes et recevant la réponse du dieu.

1772.

J. Champeaux, « De la parole à l’écriture, essai sur le langage des oracles », p. 402-422. Le terme mantique est apparu vers le milieu du Vème avant J.C. avec la naissance de la pensée technique. Les termes de la famille « μαντίς » ont peu à peu remplacé ceux de la famille « χρᾶν », plus anciens et utilisés par Homère pour désigner spécifiquement le domaine oraculaire par opposition à μαντίς, le devin, personnage itinérant qui prédisait l’avenir. Aux époques classique et hellénistique, les mots de la famille mantis sont utilisés pour nommer les prophétesses, mais à l’époque romaine les termes homériques réapparaissent.

1773.

Platon, Phèdre, 244 C (éd. Belles Lettres, 1961, L. Robin)

1774.

J. Jouanna, Oracles et devins chez Sophocle, p. 361.