B-2) La Pythie d’Apollon.

La Pythie était la messagère d’Apollon à Delphes1806, l’un des principaux sanctuaires oraculaires du dieu dans le monde grec, dont la renommée était telle qu’elle dépassait ces frontières. Elle était choisie parmi toutes les Delphiennes, d’un certain âge, épouses ou veuves, mères aussi1807. Elle ne possédait pas de qualifications particulières, mais devait être de naissance libre, avoir une conduite irréprochable, une pureté de mœurs et ne pas avoir de défaut physique. Le fait qu’elle était choisie parmi toutes les Delphiennes sous-tend qu’elle pouvait être issue de n’importe quelle classe sociale, être aussi bien paysanne que noble, et bénéficier alors d’un certain niveau d’éducation. Une fois désignée - peut-être par le sort ou par les prêtres - elle ne devait plus avoir commerce avec son époux s’il était encore un vie. Elle devait vivre dans la chasteté jusqu’à la fin de sa vie, au sanctuaire, dans une communion exclusive avec le dieu1808. En souvenir de la jeune fille qui occupait auparavant le rôle, elle portait la tenue caractéristique des parthénoi en âge de se marier1809. Lorsque le culte était à son apogée, il y avait jusqu’à trois Pythies, deux en service et la troisième suppléante, mais à l’époque de Plutarque, une seule suffisait pour le sanctuaire qui, déjà, était en train de s’essouffler et sur lequel tomba définitivement le silence au IV ème ap. J.C. 1810.

Nous n’avons pratiquement aucune donnée relative à l’identité de ces femmes. Certaine sources littéraires nomment Phémonoè, première Pythie d’Apollon, qui chanta en hexamètre1811 ; Périalla qui fut corrompue et démise de ses fonctions1812 ; Aristonikè1813 ; Thémistokleia1814 ; Xénokleia1815. Une base de statue, retrouvée à Ostie, évoque Charitè, prophétesse de Delphes au IVème av. J.C.1816. Et une inscription du IIIème ap. J.C. mentionne Théoneikè, petite fille d’Hippokratès, prêtre d’Apollon, et de Théoneikè, prophétesse, femme du précédent1817. Cette situation familiale, qui n’est pas sans rappeler ce qui se passait au sanctuaire de Didyme, montre que, durant l’époque romaine, les familles notables de la cité avaient accaparé les offices1818. Autour de la prophétesse, évoluaient plusieurs autres officiels du culte : un prêtre, un prophète, les hosioi (cinq hommes de familles nobles, descendants de Deucalion) et un garçon du temple qui s’occupaient des solliciteurs et de l’organisation du sanctuaire1819. La Pythie était une prophétesse inspirée, mais la pratique du tirage au sort était peut-être utilisée à Delphes1820.

Notes
1806.

Le sanctuaire était situé en Phocide, sur le versant méridionale du Parnasse. Le site fut exploré à la fin du XIX ème siècle par l’école française d’Athènes. (A. Jacquemin, « Delphes, cent ans après la grande fouille, essai de bilan », BCH Supplément34 (2000)). Il était construit en terrasse et, le long de la voie sacrée qui y menait, se trouvaient différentes constructions élevées par des particuliers ou des cités pour remercier le dieu, ainsi que des temples d’autres divinités. Le site fut occupé dés l’époque mycénienne, sans qu’il soit certain qu’on y prédisait déjà l’avenir. Il n’y a pas de culte d’Apollon avant le VIII/VIIème av. J.C., plusieurs temples se sont succédés mais la structure générale resta la même. On entrait dans le temple par le pronaos, puis dans la cella. L’adyton se trouvait en contrebas de la cella, c’était la pièce la plus profonde du sanctuaire. S’y trouvait l’omphalos qui marquait le centre de la terre, la statue d’Apollon, la tombe de Dionysos, le trépied.

1807.

Euripide, Ion, 1323 : « πασῶν Δελφίδων ἐξαίρετος »; Eschyle, Les Euménides 38 : la Pythie est une « γραῦς » (femme âgée) ; H.W. Parke, D.E.W. Wormell, The Delphic Oracle, p. 35-36 : elle était choisie parmi les femmes qui s’occupaient du feu sacré.

1808.

Plutarque, Œuvres Morales, 438 C : la Pythie doit demeurer « pure de toute union charnelle et complétement isolée pendant toute sa vie de tout contact et de toute relation avec des étrangers » (éd. Belles Lettres, 1974, R. Flacelière)

1809.

Diodore de Sicile, XVI, 26 : la Pythie qui était encore une parthénos fut un jour enlevée par le Thessalien Echékratès qui la violenta. Les Delphiens décidèrent qu’une femme d’âge mûre, portant les vêtements d’une parthénos, assumerait dorénavant le rôle ; Plutarque, Œuvres Morales, 405 C, 435 D, 437 D.

1810.

Plutarque, Œuvres Morales, 414 B-C.

1811.

Pausanias, X, 5, 5-8.

1812.

Hérodote, VI, 66.

1813.

Hérodote, VII, 140, 2-3 

1814.

Diogènes Laerte, VIII, 8.

1815.

Pausanias, X, 13, 7-8

1816.

Zevi, « Tre inscrizioni confirme di artisti Greci», Rend. Pont. Acc. 42 (1969-1970), p. 95-116 (p. 110) ; J.B. Connelly, Portrait of a Priestess, p. 133-134.

1817.

FD, III, 2, 118 (Delphi, Inv. n° 5564).

1818.

J.B. Connelly, op. cit., p. 75.

1819.

Plutarque, Œuvres Morales, 292 D, 365 A, 437 A et 438 B sur les hosioi. Plutarque, Œuvres Morales, 437 A sur le prêtre. Hérodote, VIII, 36 ; Elien, La personnalité des Animaux, X, 26 ; Plutarque, Œuvres Morales, 292 D, 438 B, sur le prophète. Cf. J. Fontenrose, The Delphic Oracle, p. 216-218 et J.B. Connelly, op. cit., p. 73 : prêtre et prophète étaient peut-être deux titres différents pour un même office. Plutarque se réfère à son ami Nicandros une fois comme hiéreus (Œuvres Morales, 386 B) et une autre comme prophète (Œuvres Morales, 438 B) lorsque précisément il se rapporte à la consultation.

1820.

A. Bouché-Leclerq, Histoire de la divination, Tome 3, p. 75-102 sur les sacerdoces et les différentes méthodes de la mantique (39-207 sur l’oracle de Delphes) ; P. Amandry, La mantique Apollinienne à Delphes, p. 33 ; H.W. Parke, D.E.W. Wormell, op. cit., p. 18-19. Contra : J. Fontenrose, op. cit., p. 219-223.